Prémisse

Bienvenue sur mon blogue et cybercarnet personnel. Ce journal intimiste dans ses récits et propos exprime un désir de dépassement et d'authenticité.

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Polarsteps


1er mars |

L'idée pour l'homme de tout vouloir expliquer est une obsession qui risque de l'abaisser. C'est ce qui arrive souvent dans les psychothérapies, où l'on en sort souvent plus errant qu'avant y entrer. Comment se fait-il que si le progrès est si avancé aujourd'hui et que les experts et les analystes peuvent répondre à autant de questions, le monde ne soit pas plus évolué ? La beauté est un mystère, c'est bien ainsi car sans le mystère, il n'y aurait plus de questions à se poser. La beauté est une énigme. Elle est belle, car elle n'a pas de questions ni de réponses à offrir. Quelle est la plus belle couleur dans un arc-en-ciel ? Il n'y a pas de réponses, c'est un mystère. Sans mystère, le monde serait ennuyant, déjà qu'il l'est déjà à voir le monde recroquevillé sans cesse sur leurs portables. Un téléphone est un petit moi qui demande à être nourri sans cesse. Il n'est jamais satisfait, les gens ne s'en souviennent jamais. La beauté est bien au-delà du pourquoi et du comment. Aussitôt que l'on cherche à comprendre, le charme est rompu. Aussi, il en est ainsi de l'amour. Le bonheur dépend de la capacité à accepter les souvenirs traumatiques tout en les réécrivant. Je ne suis pas seul lorsque je lis ou j'écris. Je me soigne ainsi. La philosophie est fondée sur le dialogue qui n'est possible que si chacun mesure ses arguments, écoute ceux de l'autre et respecte les règles du langage. Dans la société, la vertu la plus prisée est le conformisme, disait Ralph Waldo Emerson. C'est encore vrai près de deux siècles plus tard. Ma vie existe pour elle-même et non pour la parade. Je décide ce soir d'abroger mon monologue, car je me trouve profondément ennuyant. Il en est ainsi lorsqu'on parle trop souvent à soi-même. La rumeur publique engendre le bavardage. Dans ce type de discours, c'est le fait de parler qui compte et non ce dont on parle. Cette communication se nourrit d'elle-même et n'approfondit rien. C'est le prêt-à-penser qui sévit sur toutes les tribunes. Je déteste entendent dire les gens on et qui m'englobe. On est une généralité qui fait de celui qu'on parle quelqu'un qui n'a pas d'existence propre. On est la rumeur publique lorsque tout le monde en parle et dont je m'exclus volontiers. Je ne suis pas fait pour entendre les banalités quotidiennes. L'effet tout le monde en parle me retire la responsabilité de penser par moi-même. Et s'il faut être insignifiant pour atteindre la cote d'écoute, alors soyons-le. Ce média est du pur divertissement qui veut esquiver à tout prix l'ennui et la contrariété. Il est curieux qu'avec moi ça ne marche plus, depuis déjà belle lurette. La vie ne saurait se réduire au repos et au divertissement. Je l'ai bien compris en mettant à profit ma capacité de bien réfléchir et en m'éloignant de l'agitation quotidienne.

31 mars |

Peu loquace, faisant peu de bruit devant les absences répétées, ma pensée m'a façonnée de manière à me taire au lieu de gémir, de fuir au lieu de mentir. Le pauvre arbrisseau que je suis devenu s'est assécher, il vaut mieux le laisser partir dans le courant de la rivière au lieu qu'il résiste et se brise aux vents contraires. Les mots suintent pour laisser des traces avant que je ne meure. Sous la pluie ce soir, un amas de tristesse s'accumule. La nostalgie a fait de moi un animal inachevé et ravagé par tant de deuils. Une musique lointaine accompagne mon chant qui a perdu de sa vigueur. La douceur ne m'appartient qu'en rêve. Violence, je me fais. Mon corps n'a plus de sang pour rythmer sa peine. Chaque jour se fait de plus en plus lourd. Déjà cinq ans que j'écris, avant j'étais occupé à vivre de misère et de grandeur. Je n'aurais pas assez d'une vie pour écrire cette histoire qui fut mienne. Des tragédies m'ont traversé, comme la vie le fait à son insu. Un jour, je décidai de pratiquer le yoga en groupe à Cuba. Nous étions cinq ou six à peine avec Xavier, notre professeur prêt à instruire nos corps et apaiser notre mental. Une nuit sous de grosses pluies, j'entends le hurlement terrifiant d'une femme dans l'hôtel où je me trouve. C'est un cri de mort. Je vais au balcon et je vois un homme sauter du quatrième étage sous la musique qui joue encore des airs de fête. Je suis le premier à descendre de l'immeuble pour voir la mort dans une mare de sang. Je suis sous le choc, d'autres aussi. Pour une raison que j'ignore, le type au visage blême croisé la veille dans l'avion se tue en se jetant dans le vide. Je n'ai pas su si c'était un suicide ou un accident causé par l'alcool ou la drogue. La femme qui l'accompagnait a repris le même siège dans l'avion au retour sur Montréal ; celui de son compagnon est resté vide. Le lendemain du drame, nous quittions vers un autre immeuble pour ne plus sentir la mort de cet homme parti trop tôt ou trop tard. Effondré et triste devant l'événement tragique, Xavier nous a conviés à une série d'exercices visant à purger la douleur qui nous habitait. Ne pas rester seul dans cette souffrance m'a permis de me sevrer d'un choc terrible dans lequel je revoyais sans cesse le type se projeter au-dessus de la balustrade. Le lendemain, le ciel est redevenu clair. La fête a continué comme si de rien n'était, sauf pour ceux qui, comme moi, savaient que le rythme et la fête n'étaient plus les mêmes. Sa chute a pu débuter bien avant qu'il ne meure. La mort s'imprègne bien avant de quitter le corps. Il y a les morts vivants, les morts par en dedans, les morts qui ne le savent et d'autres qui s'y reconnaissent. Il y a la mort dans l'âme, la mort dans le cœur, la mort devant la perte, la mort dans le deuil. On meurt d'ennui, de jalousie, de tristesse. On meurt à chaque nuit devant des rêves inutiles. On meurt à trop aimer et souffrir, à trop mentir et se trahir. On meurt la gorge tranchée, l'estomac trop rempli ou bien vide. On meurt de peur ou de crainte d'avoir peur de mourir. La maladie fait mourir, l'absence aussi. Je vais prendre une douche froide pour me ressaisir au cas où je rêve de mourir. La mort est un thème qui agonise ceux qui sont vivants. Des fois je suis mort avant de mourir. C'est étrange de parler de la mort au lieu de la vie. Étant un grand explorateur, ça me fera une nouvelle destination à conquérir, une nouvelle vie à espérer, une terre prochaine à arpenter. Partir, c'est mourir ; rester, c'est mourir. Quoi que l'on fasse, la mort est toujours au rendez-vous.

La beauté me souffle que tout n'est pas perdu. La beauté parfois me redonne mon pouvoir, ma liberté. La beauté m'aide à me découvrir et à m'inventer. En affirmant le beau, il n'y a plus de jugement. C'est bien est moral, c'est bon est sensuel, c'est vrai est rationnel. Comme ce fut beau la pléiade de paysages traversés, seul ou encore mieux en les partageant avec les hommes. On ne peut discuter avec ce qui est beau, c'est comme ça. Cette analyse est inspirée d'Emmanuel Kant. Où cesse le conflit, c'est le moment où j'éprouve le beau, disait-il. Devant le beau, mon seul jugement est celui d'aimer. Nous vivons le temps de l'obsolescence des critères. Le monde change si vite que les critères se périment à une vitesse accélérée. Mon émotion esthétique devant toute beauté me rappelle que je suis créateur. Ce fut pour cette raison que des gens m'ont suivi si longtemps sur les routes du monde. Je n'avais qu'à offrir que de la beauté, c'était suffisant et indiscutable. Sur des sujets reliés à la morale et la raison, il y a peu de monde pour nous accompagner et s'ils le font, c'est souvent par intérêt. La beauté lève le voile sur le doute, dont parle Charles Pépin dans : quand la beauté nous sauve. L'intuition m'arrache aux manières habituelles de penser, aux opinions toutes faites. Me désengager du souci de l'utile en me fiant à mon intuition. M'abstraire de l'urgence présente. Devant la beauté, je ne me soucie ni des opinions toutes faites ni de l'utilité des choses. En écrivant cela, je revois tous les paysages grandioses qui m'ont ouvert les yeux et l'esprit dans une capacité d'intuition accrue. Mon plaisir esthétique devant la beauté des femmes n'est pas sans intérêt et, en ce sens, vient troubler mon jugement. Devant toute beauté, il doit y avoir désintéressement pour qu'elle me libère. Je ne ressens pas chez autrui ce quelque chose qui pousse à partager. Je ne vois que des vies parallèles à chérir ce cher petit moi dans l'indifférence des autres. Pourtant, la beauté est le catalyseur ayant la force de réunir les hommes. Je parle ici de beauté pure et libre et non pas de beauté adhérente qui s'agitent dans la conformité. Par beauté adhérente, cela suppose que le sujet est relié à une fonction, une utilité. Ce n'est pas beau parce que c'est beau, mais parce qu'il n'y a pas de parce que. La beauté pure est inconditionnelle, c'est elle qui réunit les hommes. C'est beau est une exclamation qui fut bien réelle et nombreuse de ma part et qui a su réunir les hommes de tous horizons. C'est beau! C'est de cette affirmation que tant de gens ont voulu me suivre. Je n'y étais pour rien, à part de les mettre devant la beauté et en leur rappelant qu'elle existe. Ce fut le meilleur moyen que j'ai trouvé pour rassembler les hommes. Maintenant c'est trop tard, les hommes d'aujourd'hui ne font que regarder la beauté du monde à travers leurs smartphones. Ensuite, il y a les copies, les imitations, les produits de consommation. La beauté pure n'existe en grande partie, que dans la nature, et c'est elle qu'on doit protéger pour sauver le monde. La présence effective des autres contemplant le même horizon vient redoubler leur présence implicite. Le dénominateur commun qui a réuni tant de gens pendant plusieurs décennies reposait dans les efforts partagés à la rencontre de paysages somptueux d'une grande beauté. J'ai réussi où plusieurs ont échoué, c'est-à-dire à rallier les gens par la beauté du monde sans jugement et sans conditions autres que de marcher pour les atteindre. Les idées et les règles divisent là où la beauté inconditionnelle rassemble. C'est devant la beauté esthétique que le désir d'être ensemble se manifeste. L'idée de cimes n'est-elle pas le symbole d'une élévation de ma part ? L'image de sommets partagés entre les hommes fut celle de ma vie. En ce sens, j'ai touché le bonheur de près grâce à la beauté. Jamais je n'aurais été si près des hommes qu'en partageant avec eux les beautés naturelles. Du haut des sommets enneigés et des vallées sublimes, le rôle des hommes n'a plus d'importance. Seul le regard est important devant toute chose, devant toute beauté. Et tout ce qui est laideur et indifférence peut renaître à nouveau devant l'éternel beauté.

30 mars |

Hier, j'ai fait une longue promenade dans la neige avec une amie au cœur d'une immense réserve naturelle. Les pistes d'animaux fraîches dans la neige légère atteste que le printemps est prêt d'éclore. J'ai fait le plein d'énergie dans cette formidable lumière pour plusieurs jours. Tant qu'existera ce mouvement du devenir en moi, le conflit sera là, inévitable. Le conflit déforme mon esprit. Mon existence est une perpétuelle lutte pour m'assurer une sécurité, et ce, par habitude, même si elle n'est pas toujours nécessaire. Trop d'efforts en moi provoquent une distorsion. Pendant ce temps, la machine surchauffe, ce qui provoque du refoulement. Je l'apprends en ce moment même par l'observation, voulant sans cesse me projeter dans quelqu'un de bien ou ayant toujours mieux à faire. L'effort existe lorsqu'il a dualité. La dualité amorce une contradiction : je suis ceci, mais je devrais être cela ; je fais ceci, mais je pourrais faire cela. Être convaincu d'une chose m'empêche d'observer ce qui est. Pour changer, je dois observer ce qui est et non ce qui devrait être. La pensée est une réponse à la mémoire, son écho, qui est le fruit des expériences du passé. La pensée n'est jamais tout à fait libre, car elle est vieille et caduque. Je suis relié à ma pensée qui est issue du passé. L'explication n'est pas la chose réelle. Je ne perçois pas les choses directement, car mes pensées sont trop vieilles, abstraites et subjectives. Les mots, les théories me tiennent lieu d'échappatoire. Sans eux, j'aurais accès à la vérité en méditant, mais je trouve ça un peu long toute la journée. La souffrance prend fin quand je cesse de la fuir et de m'identifier à elle. La peur est le fruit de la pensée. La pensée ressurgit la peur du passé, la projette dans l'avenir et la maintient dans le présent. La souffrance est imprégnée dans celui qui a peur. De conclure que la méditation et la pleine conscience sont les seules et uniques voies au bonheur. Que quelques minutes par jour suffisent pour se dégager d'un esprit malveillant ou endormi. J'ai presque épuisé les livres de ma bibliothèque à les lire et les relire. Je suis en manque d'inspiration, ça fait déjà quelque temps. J'ai arpenté les librairies, la bibliothèque, rien qui me vaille. Serais-je en dépression saisonnière ou en manque de nourriture spirituelle ? La politique ne m'émeut guère, la civilisation non plus. Ne pas chercher à me fuir ni à me distraire. Être là comme ça, n'attendant rien d'autre que mon souffle, l'un après l'autre en alternance. Je connais une femme qui ne cesse de se projeter en avant pour se divertir. Elle en a fait sa vie et son bonheur. Ça lui appartient. Ne plus avoir ni agenda, ni horaire du temps. Me laisser aller sans désirer devenir ou changer quoi que ce soit. Observer la nature et le temps qu'il fait. Dormir, encore dormir pour oublier de devenir et n'être plus rien. Cesser de lutter ou de gémir. Cesser de vouloir avancer et de plaire. Quitter ces lieux austères qui me noient à force d'y penser et d'y croire. Observer sans juger. N'être rien à part qu'un respir. Cesser de résister et me battre dans des causes qui ne sont plus les miennes. Observer en silence, sans mouvements saccadés ni agitations. Calmer mes ardeurs, mes bruits intérieurs. Ne rien prétendre, ni penser. N'être rien. M'ouvrir à la vie qui me traverse sans fléchir, sans blesser. Dormir le temps qu'il faudra à panser mes peines et mes blessures. J'irai là où il faut, même si c'est nulle part. J'appréhende cette peur de sévir contre ma volonté. Je l'ai tellement trouvé si belle à mes côtés qu'elle porte aussi mon héritage de n'être plus rien. Ne rien vouloir, blâmer ou ordonner, tout ça ne sert plus à rien. Cesser de mourir à chaque instant à trop vouloir étreindre, à trop vouloir aimer. N'être rien. Ma vie n'est qu'une trêve à n'être rien, à ne plus croire en rien et quitter ce rôle inutile. Vouloir justifier, chialer ou mordre, ne m'apaise plus. N'être rien. Ne plus m'agiter en vain à vouloir devenir une cause, un personnage ou quelque chose d'inerte comme un rien. Ce n'est plus moi qui avance, mais le temps qui me projette, indifférent au son que j'émets et au nom que je porte. Ne plus résister. Je ne suis pas celui que je crois être, mais je dois bien être quelqu'un au nom qui me précède. N'être rien à part quelques mots entre deux silences. N'être qu'un abri pour me reposer et dormir. Naître et mourir sans cesse dans l'attente de quelque chose dont je ne distingue pas la forme ni les contours. Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir. Et ensuite, plus rien qui n'arrive, ni même un souvenir qui s'émiette à n'être plus rien.

28 mars |

À la seule pensée que mon journal m'attend le soir, cela m'apporte une paix durable. Prendre conscience de soi est un geste purement éthique, grâce auquel se transforme ma manière d'être, de vivre et de voir les choses. Mes marches m'aident à voir le monde, surtout dans les lieux peu fréquentés. Un principe stoïcien dit que la connaissance de la faute est le commencement du salut. Le point de départ de la philosophie, c'est la conscience de sa propre faiblesse. Le temps à écrire et philosopher, je ne le mets pas à me déconstruire et ruminer. Que me vaut le temps à siroter la télévision et ses dérivés à comparer avec ma présence qui est mienne ? Apprendre à philosopher ne s'agit pas seulement de reconnaître mes fautes, mais aussi de constater le progrès que j'accomplis. Pierre Hadot offre un ouvrage philosophique exhaustif et ardu : Qu'est-ce que la philosophie antique ? Cet essai de grande envergure traduit plusieurs grands courants et pensées philosophiques. C'est un ouvrage complet pour acquérir des références sur la sagesse à l'aide d'exercices spirituels. J'aime la philosophie antique qui a précédé le christianisme, car elle rejoint directement les hommes au lieu de passer par Dieu et son temple. Les grandes questions de l'Antiquité étaient fondées sur la connaissance de l'esprit et de soi-même au lieu de s'appuyer sur la révélation de Dieu. Tout événement qui vient à ma rencontre a été lié par le destin depuis le commencement, disait Sénèque. Il faut un changement de vie pour être soigné. Je délaisse cet ouvrage austère pour tendre ailleurs. Quoi qu'il en soit, quelques minutes par jour de ces lectures suffisent pour élever mon âme et voir des transformations ressurgir. Ne pouvant me distraire de compagnie à ma guise, j'ai trouvé bon usage de ma lenteur à réfléchir et me poser les bonnes questions. Certains vivent la solitude en famille ou dans la foule. Être isolé et sans contact et sans amis est un malheur. Comment quelqu'un pourrait-il me décharger de ce poids d'être moi ? Être seul, c'est la vérité de l'existence humaine. On meurt seul, car personne ne peut mourir à notre place. Il en est de même pour vivre. L'amour entre deux personnes, c'est deux solitudes qui s'entraident et se complètent. La société n'est pas le contraire de la solitude, un jour cela nous frappe en plein visage. Ce n'est pas l'amour qui fait fonctionner les sociétés, mais l'argent et les rapports de force. La solitude laisse place au néant chez Narcisse, que le sage s'en est fait son royaume. Entre ces deux extrêmes, je fais ce que je peux. André Comte-Sponville fait l'éloge de la solitude qui se manifeste dans mes propres expériences. À ceux qui voudraient critiquer le monde comme je l'ai si bien fait des années durant, la société et la culture dont je parle font aussi partie de moi-même que je le veuille ou non. Pour changer les structures sociales et culturelles, je dois me transformer moi-même. Je fais face aussi au rapport de force et à l'égoïsme qui m'empêchent de m'épanouir et qui sévissent en moi en alternance avec la société. Je prends conscience de cette affirmation par le misérable revendicateur que je suis. Je me plains de la solitude de la ville, mais comment vivrais-je dans l'étroitesse du village ? La véritable révolution débute toujours de l'intérieur, disait Krisnamurti. La question à se poser est à savoir que si les sociétés sont corrompues, le suis-je aussi moi-même pour en abuser ? La communication m'est nécessaire jusqu'au jour où les mots ne le seront plus. J'en suis pas là, car ma raison me fait trop défaut pour m'en extraire. Les mots servent à appuyer mon raisonnement et à combler ma solitude. Transcender la raison n'est pas une tâche facile et dans laquelle, il y a lieu de s'interroger. Le manque de silence ou son contraire provoque en moi une surexcitation et de l'agitation mentale. La fragmentation de mon être est à l'œuvre dans ce que je nomme la dualité. Or, c'est cette dualité qui est source de souffrance. La reconnaître, c'est déjà l'apaiser. Deux personnages habitent l'œuvre, l'observé et l'observateur. Si je réussis à les réunir, la paix s'invitera, le calme subsistera et le conflit cessera.

27 mars |

Pour l'homme actif ou le marcheur au long cours, l'écriture est le plus intense moment d'apaisement. L'esprit se réfugie dans l'agréable fouille de la mémoire. En écrivant le soir, le voyageur de l'âme que je suis, continue sa route sur une autre surface. L'amoureux de la géographie croit calmer sa fièvre du monde dans la consultation des cartes. Elles font lever dans les voiles intérieures un vent d'excitation appelant les grands départs. J'ai souvent surestimé mes destinations. Avant d'y arriver, il y a toujours les banlieues industrielles que je ne voyais pas dans mes songes ou sur les cartes. Les longs tracés que représentent les autoroutes sont toujours plus laids en réel que sur le papier et le sera pour toujours. L'aventure se rétrécit à mesure que la civilisation progresse. La nature fait place à aux moteurs d'acier et aux bruits de la foule délirante. Les arbres rétrécissent ou en mourant dans toutes les directions. On appelle cela le progrès. En plus du dépaysement, j'ai aussi recherché l'humanité. Depuis, j'ai déboulonné l'homme de son piédestal. Je crois de moins en moins en lui pour renouveler mes rêves. Les hommes ne sont plus en haut de la grande pyramide des vivants, c'est ce que j'ai découvert de mes aventures. C'est toujours dans les chemins de traverse que j'ai rencontré les plus beaux spécimens. Une moitié de l'humanité oppresse l'autre partie, peu importe la direction des vents. À chaque destination riche et flamboyante se réfugient à ses pieds, des bourgs d'une pauvreté extrême. Pour qu'une cité obtienne des décors étincelants, une partie des hommes qui l'habitent à ses côtés meurent abruptement. Pour qu'un château s'élève, des esclaves souffrent de poser ses pierres. Suis-je réaliste ou pessimiste à décrire le monde qui m'entoure ? Ne voir que le beau côté des choses m'est impossible, car je connais trop le monde pour me mettre la tête dans le sable. Il n'y a que dans les vallées himalayennes et scandinaves que la vie des hommes est digne et juste. Qu'après avoir parcouru de nombreux pays où rien ne change, quels autres chemins me restent-ils à parcourir pour rejoindre le paradis, s'il existe ? Sur les chemins de traverse, les hommes ont peur aussi que le progrès les agrippent et les assimilent. L'Amérique est déjà à un point de non-retour avec tous les franchisés et les soumis dictant à l'homme la marche à suivre pour perdre sa vie à faire grimper la bourse. Vivement les chemins de traverse pour sentir le vent temporaire de la liberté. Poissons, plus vous serez loin des hommes, mieux cela vaudra pour vous. Sylvain Tesson dit ne plus avoir soif de ses semblables. Bien entendu, il y a des hommes d'exception qui ne s'agite guère. Une fois que l'humanisme a perdu du terrain dans l'âme, le vagabond ne se met plus en route sur les chemins du monde dans l'unique souci de rencontrer des hommes. C'est ce que j'ai compris depuis les cinq années sur la route en solitaire. Le monde ne festoie plus qu'autrefois en se rétractant sur lui-même et à force de frapper le mur de l'indifférence. Tout ce qui ne rapporte guère aujourd'hui n'a plus grande importance pour lui. C'est ainsi que l'humanité perd son souffle avant de mourir asphyxiée. C'est ainsi que l'humanité rejete celui qui l'a fecondé. En voyageant dans les endroits trop sauvages, j'ai le vertige. Je préfère rester à distance, dans le sillon des villages, à humer les rumeurs du temps. Comment fait le vagabond de ma sorte pour habiter les murs de la ville ? M'est-il possible de survivre sous la cloche de verre des cités de pierres et du goudron ? Je vis dans la ville sans jamais y être. J'endosse l'habit du citadin sans jamais abandonner mes ailes qui me permettent de m'y échapper. Je vis dans la cité en poète sans jamais quitter la route. Heureusement, je connais les failles de la citadelle, m'évitant ainsi les grands boulevards et la foule. 

Philosopher, c'est me remettre en question parce que j'éprouve le sentiment de ne pas être ce que je devrais être. Être philosophe n'est pas dans le discours, mais dans la façon que je vis. Le discours en lui seul ne suffit pas à lui-même. Parfois, je me surprends à disserter sur la vie des hommes au lieu de vivre moi-même en homme. Le choix de vie détermine le discours et le discours détermine le choix de vie. Pour vivre philosophiquement, il faut exercer une action sur soi-même et sur les autres, aussi minime soit-elle. J'aborde la définition du monde uniquement par les atomes, ce que les anciens nommaient les atomistes, les croyants de la conception du monde. Quoique l'on fasse, des lois nous prémunissent d'une destinée par la volonté et le hasard en contrepartie. La philosophie a pour moi une portée éducatrice et thérapeutique. Je ressens profondément la transformation du moi à ses côtés. Plutarque a dit de la philosophie qu'elle inspire tout ce qu'elle touche, provoque des élans moteurs, des choix en faveur du bien et des jugements d'actes utiles. Il ne suffit pas de relire des mots, mais de comprendre leurs sens. Je m'accorde avec Épicure devant laquelle une concentration sur moi-même doublée d'une conscience liée à une ascèse, consiste à me limiter aux désirs naturels et nécessaires m'assurant ainsi un plaisir stable. Pour Épicure, pour atteindre cette conscience de soi, il faut savoir séparer le moi de ce qui lui est étranger, c'est-à-dire des passions et des désirs vains de l'âme. La vie de l'insensé se rue tout entière vers le futur. C'est à l'âge de la retraite que bien des choses m'apparaissent dans le moment présent, car l'avenir et ses promesses se font de plus en plus avares.


26 mars |

Tout fout le camp, disent les vieux qui ne comprennent plus rien. En fait, rien ne fout le camp, ce sont les gens qui ne tiennent plus en place. Longtemps, je ne supportais pas que le soleil, à son lever, parte sans moi. La seule question qui vaille : que faire ? Partir fut la meilleure réponse. Morand disait qu'ailleurs est un mot plus beau que demain. S'asseoir sous un arbre est certes une voie possible ; pour celui qui l'a choisie, c'est la fin de l'histoire, l'accès à la sagesse. Je préfère pour l'heure arpenter la forêt. Le voyage est cette surface qui est offerte à la pensée pour divaguer en toute liberté. Sylvain Tesson me raconte un récit contre l'ordre établi dans le petit traité sur l'immensité du monde. Ouvrir les yeux sur la route est un antidote au désespoir. J'ai abreuvé mon regard de tant de beautés, pris des clichés sans que je me lasse, que je m'en suis fait un point d'honneur et de distinction. J'ai pêché des images comme on lance un filet. Lorsqu'on sait que la terre est grande, comment perdre du temps sur son misérable tas de secrets intérieurs, disait Tesson. Le vagabond que je suis, ou qu'il ne sait plus, cherche à se fortifier plutôt qu'à se soigner. Le temps du monde fini commence, disait Valéry. Les espaces libres et les terrains vagues se sont tus. À chaque jour, des espèces disparaissent dans le spectre de l'humanité. Le divers décroît. Près d'ici, il y a un concours pour celui qui tuent le plus de corneilles. Que restera-t-il lorsque tous les paysages seront fécondés de notre indifférence ? Tout comme Tesson, j'ai appris que l'essentiel pour bien vagabonder est de ne pas le faire dans une nature hostile, car la nécessité de survivre aux embûches convoquerait toute l'énergie et ne laisserait au vagabond aucune jouissance de son état de liberté. De toute ma vie, j'ai préféré m'échapper au lieu de me battre. L'existence doit avoir son lot d'imprévus et de beautés que je ne retrouve pas dans cette ville qui prend l'allure de refuge en attente de nouveaux départs.  La route et les larges horizons m'interpellent sans cesse pour ne pas croupir dans mes propres murs. De nouvelles promesses émergeront bientôt pour me raviver de gaieté et d'espoir.

Précepte


25 mars |

Est-ce bien d'être égoïste ? Malgré sa connotation à première vue négative, une bonne dose d'égoïsme est essentielle pour notre équilibre. Pour fonctionner, pour nous sentir bien dans notre peau, pour offrir de l'amour et de l'attention aux autres, nous avons besoin de ressources. Et les ressources, on les constitue en prenant soin de soi. L'égoïsme inconscient ne conduit qu'à l'hypocrisie et à la souffrance, d'après Max Stirner. L'égocentrique ramène tout vers lui, il a besoin du regard des autres car il a tendance à se sous-estimé. Dans la religion judéo-chrétienne, l'égoïsme était réprimandé sévèrement, car il fallait tout offrir ce que l'on possédait ou le partager pour ne pas aller en enfer. Nous héritons de cela encore. On a tous en soi plus ou moins ces caractéristiques à plusieurs niveaux selon des facteurs dont j'éviterai maintenant de préciser. Un peu d'égo, en résumé, n'est pas trop mauvais en soi, mais si l'égo est disproportionné et inconscient, là subsiste le problème. L'égoïsme peut être un mécanisme de protection, ou un manque de confiance en soi. Organiser sa vie autour de soi-même, de façon individualiste et solitaire, n'est pas lié à un trop-plein d'amour pour soi, mais au contraire à de grandes difficultés à croire en soi-même. Pour ma part, je reconnais avoir fait une bonne introspection sur cette épineuse question. Il est important d'apporter beaucoup de nuances et de discernement sur ce vaste sujet pour ne pas s'empiéter inutilement. Je laisse dissoudre tout cela pour accueillir, avec mon cœur d'adolescent reconnaissant, le printemps aux pieds fragiles.


Ne rien attendre après personne pour se définir. Faire d'un manque, une source de progrès. Je veux être le changement que je veux voir dans le monde, disait Gandhi. Une crise se manifeste d'abord par une brutale rupture résultant d'une accumulation de déséquilibres. Comme toutes les crises, elle se termine soit par le retour à l'équilibre ancien, soit par l'établissement d'une nouvelle forme d'équilibre. Pour survivre dans le monde qui s'en vient, la première des priorités consiste à identifier les tendances. Jacques Attali me présente un excellent ouvrage pour survivre aux crises actuelles et dans lequel je puiserai mes prochaines réflexions d'un monde en profonde mutation. L'Occident s'est enrichi à puiser dans le reste du monde, mais pour combien de temps encore ? Une telle façon de rentrer dans la pensée des autres implique une profonde connaissance de soi. Bouddha disait que lorsque l'on se connait soi-même, on connaît le monde et vice versa. L'empathie suppose le respect de soi qui rend possible la résilience. À vrai dire, je ne suis pas allé très loin à la rencontre de Jacques Attali dans son ouvrage. L'inspiration n'y était tout simplement pas. Par le passé, j'ai lu quelques bouquins de l'auteur, qu'aujourd'hui ils ne me plaisent guère, signe des temps que j'ai changé. Trop cartésien, je ne ressens pas les émotions traversées les pages. C'est comme si j'étais face à  des chiffres s'additionnant sans cesse dans une boîte hermétique. Il manque de vie. Toutefois, Jacques Attali est une référence en culture et histoire du monde, notamment dans les Juifs, le monde et l'argent. Rarement un livre ne m'avait fait découvrir le monde sur cet aspect. Je passe à un autre appel, ne sachant trop lequel. Décidément, je n'ai pas grand bouquin qui pourrait me tenir compagnie ce soir. Je cherche. Parfois, la pêche est miraculeuse, parfois je reviens bredouille n'ayant que quelques escargots à me mettre sous la dent. Christian Bobin disait des livres que leurs lenteurs ont des manières de guérisseur. Sa poésie me verse la beauté dont j'ai besoin. Loin de moi les traités d'économie ou de politique étrangère, je suis las des grandes théories. Loin de moi les promesses d'un monde en devenir. Il se fera sans moi ou à une échelle tellement imperceptible qu'il ne sera pas nécessaire de le signaler et encore moins de le prédire. Écrire, c'est dessiner une porte sur un mur infranchissable, et puis l'ouvrir, disait Bobin. Cette première ligne m'est suffisante pour accompagner l'homme-joie dans ma prochaine aventure littéraire. Vous voyez le monde, ce n'est qu'un champ de bataille. Nous ne sommes que rarement à la hauteur de cette vie qui nous traverse. Tout autour, il y a plus de tueurs que de survivants. Si mes phrases sourient, c'est qu'elles sortent du noir, crie Bobin. Tout ceci me plaît bien davantage. Enfin, je me suis trouvé un ami poète.


24 mars |

Je n'écris que sous la menace m'abrégeant de me taire. D'impulsion facile, je sombre subitement dans l'errance. L'hyper vigilance est en liesse. Je m'agrippe à une menace qui n'existe même plus. Qui suis-je donc pour quémander de la sorte ? L'atmosphère se corse outrageusement à la moindre brise. De ce cirque, je ne choisi pas le rôle principal, je le subis, pauvre imbécile que je suis à répéter sans cesse la même complainte, le même scénario. Pourquoi me plaindre si la vie me traverse encore ? La critique m'inflige de sérieux doutes, car ma confiance m'indispose. Délectable introspection à me réinventer, le temps que le jour se lève. Résurgence obligée d'un hiver inachevé, je lève la tête pour éviter de la perdre. Pourquoi devrais-je me sentir obligé de fuir ou de me trahir ? Le bonheur m'apparaît toujours ailleurs, mais les choses s'accélèrent depuis mon récent réveil. Les changements importants ne se font pas du jour au lendemain. L'amour court toujours méprisant de me plaire, surtout le mien. Redoutable refrain que plus personne n'entend, l'aube se pointe à travers ma raison.


Hymne à l’homme libre. Dans l’aube dorée, il fend l’horizon, l’âme en tempête, le cœur en frisson. Chaque sentier, chaque vent l’appelle, nomade des cimes, aventurier rebelle. Son souffle s’accorde au rythme des bois, les rivières murmurent ses pas de roi. Là-haut, sur les crêtes où dansent les aigles, il goûte au vertige, il défie les règles. Maître des flammes et du goût raffiné, il sculpte en silence des festins dorés. Un brin de sel, un zeste d'audace, sa cuisine chante, elle laisse des traces. Le rire en éclats, l’œil plein de malice, il jongle avec l’ombre, il danse avec l’iris. Taquin comme l’onde qui frôle la rive, il joue avec le monde, curieux, attentif. Voyageur d’idées, arpenteur d’étoiles, il contemple la vie sous mille voiles. Philosophe errant, en quête d’essence, il embrasse l’instant, il défie l’absence. Homme libre, indompté, insaisissable, chaque jour est un vers, une page ineffaçable. Son âme est un feu, un souffle, un cri, un poème vivant qui jamais ne faillit. Ce poème a été généré par l'intelligence artificielle par une commande d'une précieuse amie, envers qui je n'ai que de bons sentiments et qui a découvert les aspects lumineux de mon délirant personnage.


22 mars |

Mais qu'est-ce que l'on attend pour être heureux ? Chercher plutôt qu'avoir. Par manque d'inspiration ce soir, je convoque les sages paroles d'une amie pour me venir en aide. Quel est le sens de vivre pleinement sa vie ? Est-ce que la vie a un sens prédéfini ? Danser avec l’existence, rechercher l’équilibre, ce n’est pas simplement une course aux plaisirs éphémères, c’est surtout créer. C'est prendre la responsabilité de nos choix et vivre en accord avec nos valeurs. Vivre le moment présent, avoir de la gratitude. C'est apprécier et chérir les connexions humaines enrichissantes. Accepter l’imperfection de l’existence est une tâche essentielle pour être heureux. Courir sans fin après tous les plaisirs matériels en se repliant sur soi-même pour chercher un sens à la vie amène à ressentir un vide existentiel. À bannir la monstrueuse promotion actuelle du bonheur individuel en valeur supérieure et unique d'une société hyper libérale devenue surtout société de l'hyper égoïsme. Tant qu'il restera un homme malheureux, le bonheur ne saurait être complet. Boris Vian de dire que le bonheur de tous est fait du bonheur de chacun. Je tente quelques lectures, ne trouvant que des ouvrages arides. Je n'ai rien sous la main qui puisse me satisfaire et me rendre heureux. Peut-être serait-il plus sage d'écouter de la musique ce soir, plutôt que de maugréer une voltige astreignante ? Ce soir, je n'ai nul besoin d'influences littéraires ni trop austères ni trop libertines. À vrai dire, je n'ai que ce besoin d'écrire. C'est un fait que je parle plus que j'écoute, veuillez m'excuser auprès des personnes concernées. J'ai en ce moment quelques soucis qui m'empêchent de me concentrer comme je l'aimerais. Je me dispenserai de lecture pour le moment, cherchant à m'alléger d'un trop plein et de vide. Aujourd'hui, j'ai dégusté le meilleur des chocolats qu'il puisse exister ; le chocolat de Dubaï. Très cher, sa saveur est exquise et addictive à la première bouchée. La crème de pistache, de riz soufflé, de beurre de sésame, de knafeh enrobé de chocolat au lait ou noir est divine et surtout accompagnée de thé vert sencha japonais. C'est fou comment certains produits alimentaires les plus délicieux sont les plus dangereux. Le printemps est arrivé, laissant apparaître les premiers bancs publics. La foule s'y presse. J'offre un morceau de chocolat à une dame sur l'un des bancs pour partager mon plaisir. Je revoyais dans ma tête Tom Hanks dans Forrest Gump offrir des chocolats à une dame en attendant l'autobus qui ne cesse de passer, le temps de lui raconter l'histoire de sa vie. La dose importante ingurgitée de sucre combiné au thé vert me fit parler abondamment. Elle m'écouta longuement sans esquisser. Acadienne de souche, elle était habituée aux histoires et récits dans sa ville natale, Shédiac. C'est le défilé de la Saint-Patrick. Je ne comprends pas l'engouement de tous ces gens aux teints maussades par un hiver trop long rassemblés dans une masse opaque et qui n'ont rien à se dire. Je passe mon tour pour prendre le thé et discuter chez la voisine. On se ressemble sur différents aspects dans la rectitude de nos pensées ou la tentation d'y arriver. Nos opinions convergent dans un respect mutuel et réel. C'est pas facile d'écrire sans qu'il y ait d'aventures. C'est moins facile d'écrire lorsque le paysage est toujours le même sous les mêmes visages. Question d'habitude. C'est pas facile de provoquer des conversations sur la place publique, chacun dans sa méfiance à se dire et se livrer. Je n'ai jamais eu de problèmes avec ça, n'ayant rien à cacher. Je trouve qu'il y a plus d'avantages à parler que de se taire, encore qu'il faille savoir animer la conversation de façon intelligente. Le non-verbal renferme des indications  au développement du dialogue ou à son abandon. À écrire tous les soirs de façon ponctuelle comme une horloge, cela m'indique clairement mon état actuel qui s'agite d'ennui lorsque le silence se lève. J'ai trouvé, à l'aide de mon journal intime, un fidèle subterfuge qui puisse assumer de sa présence généreuse. Ça pourrait être pire, car, à bien y songer, ne suis-je pas l'ami de confiance à qui je peux tout dire et pardonner ? J'ai acheté un bouquin aujourd'hui que je regrette vivement. Je le laisserai somnoler dans la bibliothèque le temps qu'il m'apprivoise. Bientôt, je devrai m'offrir un peu de légèreté avec des lectures plus frivoles et légères, quoique j'en doute. Le livre en question : Qu'est-ce que la philosophie antique de Pierre Hadot. C'est une référence digne de confiance, mais l'énergie n'est pas présente pour amorcer une telle lecture. Il est vrai qu'après deux ateliers de philosophie cette semaine, plusieurs ouvrages sérieux et de longues heures d'écriture, la musique saura davantage bercer mon esprit contrarié dans une détente voluptueuse. N'être rien, écrit par Marc Chabot, m'a laissé ces quelques lignes pour clore le chapitre que je peine à terminer. Je n'arrive jamais à naître. Je crois écrire pour donner un sens au monde. Puis, j'écris par devoir. Puis, j'essaie d'écrire par plaisir, mais je ne sais rien du plaisir.


21 mars |

En psychologie, ont obtient une ou plusieurs réponses, en philosophie, il n'y a que des réflexions sans réponses. Pour bien vivre chez les stoïciens, c'était d'accepter le monde comme il se présente. Être heureux dépends de nous indépendamment des événements. J'ai reconnu le bonheur que lorsqu'il m'a quitté. Que signifie profiter de la vie ? Dans profiter, j'y vois le mot profit qui indique marchandage. Profiter est un dérivé de profit. Ça peut vouloir dire en parlant d'une personne dans tirer parti de ou bénéficier de. Profiter pour certains passe dans le divertissement, pour d'autres un repas entre amis. Chacun à sa façon de profiter de la vie. Il y a en a qui profitent des gens, d'autres des occasions ou des choses. Dans l'expression ; profiter de la vie, n'a-t-il pas lieu de s'interroger si c'est la vie qui profite de nous et non l'inverse ? Quel est notre réel pouvoir à changer quoi que ce soit de si important sinon soi-même ? Je peux changé les plantes de mon potager, changé de conjoint, changer d'horizon ou de décor. Peu importe ce que je ferai, la vie me surpassera et m'indique que je n'ai pas grand pouvoir à exercer sur la vie. Si tous profitent de la vie au même moment et sur les mêmes choses, une énergie se déploiera pour aller dans la même direction, et puis la vie ne fera que se transformer au lieu de disparaître. Il y a des choses que nous ne pouvons comprendre, car nos capacités sont limitées. Les humains pourraient, s'ils le pouvaient, prévoir une multitude d'interaction atomique de l'univers pour en modifier la substance et ainsi avoir accès à un pouvoir illimité. Avec cette capacité, l'ordre des choses pourraient être modifié. Nous pourrions, par exemple, entrer en communication avec la vie extraterrestre jusqu'alors inconnue, si nous en avions la capacité. En tant qu'humains, nous sommes très limités et il ne sert à rien de vouloir bousculer la nature des choses. L'évolution se fait par elle-même à notre insu. Il s'agit de nous accorder quelques bons usages que la vie a à nous offrir. En ces mots, le stoïcien s'exprime. Il ne s'agit pas de réfuter le plaisir, mais de le cueillir avec bienveillance et modération. Ce qui est fait pour la nature doit être l'équivalent pour soi-même afin que l'humain persiste et demeure. L'évolution passe inaperçue dans la vie d'un homme, ce sont ses connaissances et sa sagesse qui feront la différence et qui, somme toute, sont bien modestes dans l'univers. Rien de nos actions ne changera le cours de l'univers, ce qui nous indique de profiter de notre vie pendant qu'elle passe. La meilleure façon de profiter de la vie est sans contredit, de le faire dans l'instant présent, car c'est le seul où l'on a un certain pouvoir.


20 mars |

La religion semble ne plus structurer les conduites ni les mentalités collectives, et ce vide laisse désemparés ceux qui croyaient qu'il y aurait dans ce silence de la foi une joyeuse libération. L'athéisme de fait ne laisse plus que la consommation pour but et le droit pour règle. L'indifférence des jours laisse bien des esprits au désarroi. Michel Houellebecq se fait l'observateur de cette société en dépression. S'il est tant aimé et lu, l'auteur doit précisément toucher des cordes sensibles. Oui, il s'agit pour moi aussi d'un monde frappé d'indifférence. Ma représentation du monde, en l'écrivant, met de l'ordre en tentant de faire un substitut et un sens à l'absurde. Le monde se standardise en s'exprimant de plus en plus dans une muette identité. La plupart des grandes capitales européennes, par exemple, se ressemblent, à part les quelques traits architecturaux d'un passé glorieux. L'humour ne sauve plus comme jadis, la génération actuelle n'entend pas rire, il faut y penser deux fois avant de faire une plaisanterie. Le libéralisme pour Houellebecq, qui s'affirme en conservateur invétéré, c'est cette société qui abandonne chacun à son sort au prétexte de libertés individuelles et qui sont autant de leurres. Les grands penseurs libéraux étaient eux-mêmes persuadés qu'une société ne peut reposer sur la seule composition des intérêts, affirmait Jean-Noël Dumont dans la vie absente. Lorsque j'ouvre la radio pour entendre les commentateurs, je vois en eux la pénible obligation de rire de façon vulgaire et grotesque. Je change joyeusement de poste, esquivant ces animateurs pour de la musique classique. Parfois les cartes touristiques valent mieux que certains territoires. C'est ce que j'appelle la triste vérité. L'Occident a une certitude rationnelle, c'est ce qui la rend de plus en plus terne et ravagé d'homogénéité et ce, malgré ses nombreuses couleurs. Les religions se sont heurtées à cette certitude, ne pouvant faire avec elle, d'où leurs replis. J'aime bien faire des résumés, parfois légers, parfois exhaustifs, des ouvrages à ma disposition. Un livre est vivant. Il n'y a pas de règle à sa consultation. Quelques chapitres suffisent pour en extraire leurs essences grandiloquentes ou moribondes. Certains se lisent d'un trait, d'autres par intermittence. Il m'arrive, chez certains, de ne lire que quelques lignes pour me distraire un brin. C'est l'intention qui compte derrière toutes mes pérégrinations littéraires. Il y a de grands thèmes qui reviennent souvent car ils me préoccupent et m'harcèlent de mystères, tels le bonheur et la souffrance. En moi, la dualité est présente. Je voudrais des horizons multiples, du mouvement  et des ambiances variées. Parfois, je préfère les lieux stables, immobiles et enracinés qui me servent de références, de points de départ et de sources. Il y a des attentes que je trouve cruelles et qui m'embêtent. Des attentes qui me cassent la tête et me brisent le cœur. J'attends toujours un train pour quelque part. Je choisirais bien celui du pur bonheur, mais la liaison est interrompue pour une période indéterminée. Ma demeure est une gare où mes rêves m'abandonnent. Que faire sinon patienter que la brume se lève sur une nouvelle trêve ? Les teintes convoitées devant l'attente se contrarient d'obscurité. J'ai le vertige, la tête me tourne, je suis faillible et vulnérable. Je ne sais que faire devant ce temps long, ce temps méprisable qui donne une leçon que je ne retiens pas, qui m'indiffère et m'assombrit. J'aimerais devant cette douleur être ailleurs et qui n'existe pas pour y avoir été. J'ai une longue liste de ces ailleurs pour ne pas les oublier. Composites de mes nombreuses fuites face à trop d'attentes et de rêves illisibles, je suis épuisé que mes rêves n'aboutissent. Mes rêves n'habitent jamais le moment présent, car ils ne sont jamais à mes côtés. Mes rêves sont devenus petits à s'user de rêver. En vain de rêver, point de trêves. Il y a eu un jour où une partie de moi-même a pris le large, ne revenant que par brindilles, le cœur fendu, les paupières tombantes. Parfois, des rêves m'ont effleuré puis sont repartis je ne sais où, ni comment. Les rêves, ça ne s'attrapent pas ni se configurent. Les rêves sont là pour me confirmer que j'existe, car en dessous de mes rêves, il n'y a que du vent. Mes rêves, c'est ce qu'il me reste. La trêve tire à sa fin et je ne sais plus quoi faire pour me relever, seul et dérouté. Jadis, mon âme était plus joyeuse. Je ne sais plus ce qui m'arrive, je ne sais plus me réinventer.


19 mars |

Qu'est-ce que le concept du futur et du passé ? La question a été posée au jeune homme du café que je rencontre à l'occasion. Lorsque je suis seul à écrire, je parle du monde en général en l'absence d'interlocuteurs. En présence d'un individu, je préfère qu'il me parle de des idées dans le monde et non pas l'inverse et qui me semble secondaire. Le type auquel je m'adresse représente une fraction du monde. La philosophie requiert du temps à débattre et peut bouleverser certaines croyances et valeurs de certains. Je fus jugé sévèrement sur la pertinence de mes questions directes et franches. De tout temps, les philosophes ne l'ont pas eu facile, dérangeant trop souvent, selon certains égarés, l'ordre public ou personnel. C'est avec des questions pertinentes que l'on peut amorcer de véritables dialogues visant à déceler les identités réciproques et l'état de l'esprit qui les soutient. Lorsqu'on ne sait répondre, on ne doit pas se sentir offusqué. Ce n'est pas à moi de juger ce qui est bien ou moins bien pour autrui. Je ne suis pas responsable des réactions suite à mes reliqueuses questions. Il n'y a pas de règles justes pour déterminer ce qui est bien ou mal, relevant de certains propos, à  part bien entendu la violence verbale. La morale ne s'applique pas de la même façon pour tous. Le discernement et l'objectivité sont nécessaires dans tout dialogue sans quoi il ne sert à rien de débattre de sujets sérieux.  Depuis que je m'intéresse à la philosophie, mon regard sur toutes choses s'est transformé au point de ne plus vouloir me perdre dans de débats inutiles et ennuyeux. Je prends conscience que j'ai toujours été ainsi et que, depuis peu, j'ai décidé de mettre de l'avant mon esprit de façon plus substantielle dans une structure plus ordonnée. Je reconnais que bien peu de gens soient disposés sur la place publique ou ailleurs à se commettre à de profondes discussions par pudeur, par doute ou par indifférence. Comment une société peut-elle évoluer si aucun espace aux véritables dialogues n'est pris en considération ? Par manque de temps, de volonté ou d'énergie, la plupart diront. Comment se fait-il qu'on mette autant d'énergie à gonfler son compte en banque, sa voiture ou sa maison et qu'on trouve secondaire d'aiguiser son esprit ? Cette dernière aura une nette influence sur ses valeurs et sa foi envers soi-même. Mon intention n'est pas d'instruire les écoliers peu importe leurs âges. Le type a claqué une porte qui, en réalité, ne s'était jamais entrouverte. C'est le constat qui me confirme n'avoir rien perdu, car je n'avais rien trouvé qui vaille me semble-t-il. Lorsqu'on parle d'éthique et de morale, il faut savoir les distinguer en premier lieu. Ce sont deux concepts très différents. La morale est un ensemble de règles de conduite considérées comme bonnes de façon absolue ou découlant d'une certaine conception de la vie, et l'éthique est une réflexion argumentée sur les valeurs morales. Ma seconde question fut de connaître le sens des propos exprimés afin de pouvoir parler dans la même direction. Sans cette simpliste règle, ce serait l'équivalent d'entendre jacasser de stupides perroquets sans que l'on s'y comprenne. J'ai appris de cette expérience, qui n'est ni bonne, ni mauvaise. Elle me servira de tremplin pour amorcer d'autres discussions futures. Je ne suis pas ce Don Quichotte parti en bataille contre les moulins à vent, je suis seulement en train d'apprendre à respecter mes opinions et les propos qui sortent de ma grande gueule. La rhétorique s'articule autour de la persuasion et de l'éloquence, à moi de juger vers quels publics mes opinions convergent. N'ayant plus rien à vendre, il va sans dire que j'opte pour la seconde. Je me bats contre des idées dont je ne suis même pas sûr qu'elles existent, disait Antoine Waechter. J'ai aimé le hasard pour ses surprises. Ces temps-ci, j'aime le hasard que les lectures m'apportent et les mots qui en découlent. Je ne sais pas si les hasards se font plutôt modestes en vieillissant ou s'ils ont moins de virulence qu'auparavant. Ce qui m'étonne, c'est de voir grandissant ce goût pour la littérature qui s'est aggravé depuis quelques années. Selon Bataille, la servilité n'accable que celui qui s'y complaît. La condition de l'homme libre est de résister plutôt que de succomber au hasard. Ce n'est pas par hasard que de vouloir se retrouver. Parfois, il suffit de se perdre au hasard pour mieux se retrouver. La littérature est profondément un art conceptuel, probablement plus que tous les autres car les mots ne sont que des concepts. Ce que j'aime des livres, c'est qu'ils s'apprécient lentement, en opposition avec d'autres médiums. Les livres impliquent une réflexion profonde dans un effort intellectuel soutenu. La littérature s'oppose à l'actualité permanente qui, littéralement m'épuise. Les outils de communication actuels se développent frénétiquement alors que les consommateurs n'ont plus rien à se dire. La publicité répète sans cesse qu'on doit désirer et être désirable. Le renouvellement permanent de cette société énergivore est astreignant. Toujours devenir en se projetant dans l'avenir est le slogan incontesté des temps modernes. Amenez-en des projets, on est là pour vous aidez, disent les propagandistes. Certains osent même faciliter des interactions entre des êtres qui n'ont plus envie d'entrer en relation avec quiconque. Par chance que les hypermarchés du bonheur existent et que ce n'est pas autant les recettes qui manquent que les gens pour s'attabler au festin conditionnel. La littérature une fois engagée ne peut plus faire de pauses, sinon l'élan se faufile ailleurs. Je ressens de plus en plus de réticence à m'abreuver de bulletins de nouvelles. Après quelques minutes, j'en sors exténué. L'actualité est devenue un supermarché de la nouvelle, on choisit toujours les fraîches ou pas trop périmées, c'est pour ça qu'elles s'appellent les nouvelles. Les nouvelles se démodent plus vite avant qu'elles n'arrivent. Vivement mon journal pour les créer à  mon goût, sans intermédiaires ou commentaires qui laisseraient à désirer. Désolé, je sens la surchauffe et je ne veux pas brûler, du moins pas encore. Michel Houellebecq dit de se placer un instant en dehors du flux informatif-publicitaire pour ressentir immédiatement des ondes positives. Le pas de côté n'est pas si difficile à faire, si on a d'autres priorités telles que de raconter des histoires. M'immobiliser sans désirs de quoi que ce soit, fermer la télé, ne plus acheter à chaque instant, ne plus participer, c'est ainsi que naît l'homme libre et dégagé. Il ne suffit que de quelques minutes d'immobilité par jour en ne désirant plus rien pour voir apparaître des moments de grande lucidité. Qu'est-ce qui pourrait justifier de faire partie de la fête et d'être réunis ? Le primitif en soi m'a quitté depuis que les réseaux de communication existent. L'extase pour se rallier à la fête est devenue insuffisante. La fête exige de se rencontrer et de s'amuser. Aux dernières que j'ai assisté, les gens étaient seuls, debout à taper du pied en ayant l'air de s'ennuyer. Tout aussi bien m'asseoir à la campagne à observer les hirondelles. C'est en région que les fêtes sont les plus belles, comme quoi en ville on ne sait plus s'amuser. Mon assiduité à mon poste est devenue ma force d'agir dans laquelle la fête est continue et perpétuelle.


19 mars |

C'est l'intention qui compte par-dessus tout. Est-ce les valeurs ou les intentions qui comptent pour parfaire son identité ? Et qu'en est-il de cette identité fourre-tout dans laquelle il est intéressant de s'arrêter quelques instants ? Il y a l'identité immuable en lien avec mes traits de personnalité ou de caractère dans lesquels je n'ai pas grand pouvoir. Il y a l'identité sociale, professionnelle, de genre, spirituelle, conjugale, citoyenne. Mais je veux parler de l'identité profonde qui se cache au fond de mes entrailles. Mes valeurs intrinsèques et mes intentions déterminent une partie de mon identité. Une autre partie de l'identité est l'égo qui peut être surdimensionné, en transformant les traits en troubles de la personnalité dans certains cas extrêmes. Mes pensées et aussi le regard des autres déterminent mon identité, si je les laisse m'envahir substantiellement. Les rôles et les représentations diverses déterminent mon identité. Il y a celle du passé se rassemblant dans ma mémoire et mon inconscient. On s'attache à son passé de peur de perdre son identité. Mais à la fin, perdre son identité fera en sorte que j'en retrouve une autre, car la vie n'aime pas le vide. Il y a l'identité qui s'attache à mes certitudes et d'autres à mes souffrances. Se détacher de son identité est le début de la véritable liberté. À la retraite, j'ai perdu une partie de mon identité. En réalité, elle s'est transformée pour que je m'adapte et évolue. Si je résiste, la vie se chargera de moi pour me faire stagner ou périr. Quitter la seule identité que l'on croit posséder est rempli de souffrances. L'identité est près du mental et loin du cœur. C'est un bon thème de discussions philosophiques auxquelles j'ai participé hier avec grand plaisir. Les valeurs profondes font en sorte, selon mon humble avis, que l'identité fluctue de moindre envergure dans le temps. Le mental lui demeure, en alimentant des rumeurs inqualifiables, si j'abuse de laxisme à son endroit. La méditation quotidienne favorise un espace dans mon esprit afin de m'identifier à l'essentiel. L'essentiel n'est pas universel et il revient à chacun d'entres-nous de le découvrir. Il serait intéressant de poursuivre sur cette lancée sur l'identité et qui n'a pas de limites, en l'associant par exemple avec la liberté, la souffrance, le temps, la solitude, la famille, le passé et la mémoire. À mesure que je m'approche de ma vérité, ma solitude augmente et l'identité des apparences se tait. Qu'est-ce qui est vrai et qu'est-ce qui ne l'est pas dans toutes mes projections mentales ? En réalité, l'identité est l'une de ces composantes. Mon rôle dans différentes sphères de mon existence m'englue dans une identité parfois douteuse quant à la nature de mes intentions. Fondamentalement, nous sommes déjà tous morts, à quoi bon perdre son temps en s'identifiant aux vivants. L'aspect positif de la chose est que je peux m'identifier à l'éternité. Les entretiens philosophiques que le dialogue amène me confrontent à mes vérités et mes doutes. Dialoguer de cette façon est la plus voluptueuse des symphonies à qui sait y prêter attention. Dialoguer ainsi, sans aucun autre objet que de se connaître, est la démonstration que l'humanité subsiste, que l'humanité résiste.


18 mars |

Toute parole n'est pas bonne à dire. Il faut se méfier des belles paroles. Apprendre à devenir poète, c'est désapprendre à vivre. Le ressentiment est nécessaire à toute création artistique véritable. C'est dans la souffrance que je peux commencer à écrire, pas autrement. Si je ne parviens pas à articuler ma souffrance dans une structure définie, je suis foutu. Au départ, il y a les cris inarticulés, ensuite j'y reviendrai. Je ne dois plus travailler, c'est trop souffrant. Le travail est payant dans un élan artistique ou pour remplir ses poches. L'effort général est indispensable pour sortir de l'apathie. Je ne dois pas m'efforcer pour avoir une personnalité cohérente, car elle existe, que je le veuille ou non. Je ne peux obtenir le bonheur, mais juste un peu de l'un de ces simulacres. De toute façon, ça ne dure pas. Un poète mort n'écrit plus, d'où l'importance de rester vivant, disait Michel Houellebecq. Je ne connais réellement que les parts de moi-même qui me poussent à écrire. Je me comporte comme si je savais alors qu'en réalité, je ne sais rien. Mes thèmes ont changé. Je n'ai plus à me battre. L'essentiel est de faire mon possible, pas plus. J'ai de toute ma vie alterné entre la vie de bohème et celle du travailleur forcé. Ce fut l'idéal adopté, ne convenait pas d'autres pour exister. Le développement artistique requiert d'être complètement libre et surtout de travailler le moins possible, sauf pour garder un léger contact avec le monde. Travailler, c'est épuisant et trop facile en même temps. Créer, c'est mieux pour se prolonger dans l'infini. L'espace entre la poésie et la philosophie est une terre généreuse. Mes phrases sont souvent longues, de plus courtes m'épargneraient du souffle et du temps. J'ai peur d'en manquer avant de dire ce qui me trouble ou me rendre heureux. L'expérience poétique et névrotique se chevauchent, c'est pour ça qu'entre les deux, je philosophe pour me ramener à la raison. La philosophie me permet de ne pas trop m'appuyer sur mes obsessions. Elle m'empêche de m'envoler dans le trouble et la déraison. J'ai connu de grandes passions qui conduisent vers l'au-delà. Il y a aussi celles dont on ne revient pas. Mes passions m'ont conduite à de grandes vérités, à la fois belles et douloureuses. N'est-ce pas ainsi qu'est la vie en sortant de sa cage ? Pour apprécier mes quatre murs, j'ai dû traverser des continents de brumes. Pour m'apaiser sereinement sur le gravier de ma litière, j'ai dû gravir des sommets parsemés d'insouciance et d'inquiétude. La société où je vis a pour but de me détruire, son arme, l'indifférence. Je ne peux pas utiliser la même attitude. Je suis d'accord avec Michel Houellebecq qu'il faille parler de sujets que personne ne veut entendre. C'est ainsi que je survis à l'indifférence. Si je fais comme eux, je suis mort. Je résiste, mais c'est dur de toujours avoir le vent de face. C'est pour ça que les siestes existent et qui sans elles, mon combat serait altéré. C'est pour ça qu'il y a la route. Les gens deviennent abjects pour être vrai de nos jours. Je n'adhère à rien pour sauver ma peau, même si cela m'apparaît difficile. Jamais je ne dois m'engluer de tolérance envers l'indifférence sinon je crève. J'ai tellement idéalisé le monde. La poésie le fera renaître dans une forme encore plus belle. Je n'ai jamais caché la vérité, même si elle n'est pas bonne à dire. Ce n'est pas facile de secouer les portes du temple. La plupart des gens s'arrangent avec la vie, sinon ils meurent. J'ai vu beaucoup de beaux bâtiments et de beaux paysages dont j'étais le seul à traverser qui parfois me laissait dans un sentiment de mort étrange devant autant de vide. Parfois l'impression d'infini devient intolérable. En même temps, j'ai su que l'éternité était juste à côté et que le pire était déjà passé.


17 mars |

Le but premier de l'école se caractérise aujourd'hui par une exploitation commerciale en insérant les étudiants sur le marché du travail plus rapidement. De prodigieux programmes administratifs axés sur la rentabilité et l'étroitesse d'esprit prennent place du savoir. La culture consiste en une gratuité qui n'a pas sa place dans le système actuel basé sur l'utilitarisme. Les études devraient fournir l'acquisition de connaissances imbues de toute obligation utilitaire. Aujourd'hui, le terme profitable est appliqué à toutes les sauces. On oublie qu'une éducation plus globale offrira de meilleures années à son existence. Réduire l'être humain à sa profession est une erreur largement déployée. La démarche pédagogique doit tenir compte de paramètres spécifiques en cultivant les esprits dans une perspective beaucoup plus vaste et diversifiée qu'est l'éducation utilitariste. En perte de vitesse est le bien commun, la protection de la nature, la revendication de plus de liberté et la défense de la justice. L'échelle des valeurs a considérablement diminué dans la société marchande excessive telle que l'on connaît. Ce qui saute aux yeux est l'indifférence invétérée de plus en plus croissante devant tous les aspects de la vie et de ses périmètres. Les grandes batailles que se jouent les marchés économiques épuisent les ressources humaines prises en otage dans une volonté de toujours faciliter une croissance démentielle. Il serait pire si l'état se désengageait de verser des subventions à la culture. Ce ne sont pas ces sommes qui sont de mauvaise foi, mais la manière de le faire en allant aux mauvais endroits. Les technologies agitent une place considérable dans la culture ambiante en prônant un utilitarisme dévoué et propagandiste. Les technologies impérialistes imbibent une partie de l'expression artistique et culturelle dans une banalisation et une indécence généralisée. L'ignorance est plus forte que la misère. À quoi sert d'éclairer les villes si les esprits s'éteignent ? Si l'on ne songe qu'à la vie matérielle, qui donc veillera à allumer les flambeaux de l'esprit, disait Victor Hugo ? Le pain de l'esprit est d'autant plus important que l'esprit du corps. Ceux qui veillent à cette responsabilité se sont fait engloutir par les corporations lucratives en leur offrant des primes généreuses. Déjà dans Renaud, maître draveur de Félix Antoine Savard, on voyait déjà le monde du futur qui s'immisçait brutalement dans la véracité mercantile et qui faisait de ses frères, ses ennemis. Pour maintenir un peuple à sa main, il vaut mieux les garder ignorants. Partout, dans les grandes villes, des gens sont bien informés et instruits en lien à leurs champs d'exploitation, leurs connaissances se limitant singulièrement à l'intérieur d'une boîte de savon. Tous en vase clos, en avant la galère, que le navire prendra l'eau rapidement en cas de brume légère. La démocratie marchande est pernicieuse car elle est vouée entièrement au gain et au profit au détriment de l'humanité. C'est sous ces traits citadins que s'uniformise une utilité hors mesure. L'utilité n'a que faire de la culture. Les touristes venant ici ne le font que pour les vieilles pierres et non pas pour la rencontre des grands esprits. Je ne crois pas que ces touristes garderont de grands souvenirs à  parler aux gens d'ici, à part quelques serveurs et marchands de boutiques légères. L'utilité rompt tout relief et couleurs naturelles de la l'atmosphère ambiante. Rien de plus morose et d'accablant que ces insignifiants ports de touristes pour comprendre la futilité de leurs échanges insipides dont rien ne restera au retour. Tourisme de masse et mercantile, on aura vite oublié ses piètres jeux volatiles. Ce sont les gens véritables rencontrés qui font un voyage et non pas les bazars de fringues et de frites. La démocratie marchande aliène les cerveaux. Les mosquées et les églises ne font guère mieux en échangeant leurs indulgences en échange de sermons. Ces lieux de culte devraient revenir à leurs objectifs premiers, qui sont d'accueillir les misérables de façon inconditionnelle. C'est de ces temples que sont manipulés les faibles et les ignorants, ne leur offrant que peu de soutien réel. Se nourrir des œuvres de l'Antiquité est une hygiène salutaire que n'ont certainement pas les Nord-Américains dans leur culture corporative et utilitariste. Ce ne sera très certainement pas dans les villes nord-américaines que l'on puisera des inspirations spirituelles et salutaires. Tocqueville appelait la désertification du monde et de l'esprit, les valeurs marchandes véhiculées en Amérique déjà en 1835. Il n'a pas eu tort, malgré plusieurs bastions qui résistent encore aux tsunamis. Il existe beaucoup de préjugés, à tort, avec la culture américaine en lien avec sa culture marchande, pour avoir traversé une grande majorité des états, qu'ils soient démocrates ou républicains. J'y ai rencontré plusieurs communautés ne s'appuyant fort peu sur leurs assises mercantiles et utilitaires et sûrement pas plus que les nôtres. Toutefois, des pressions s'exercent impitoyablement sur eux pour qu'ils se fondent dans un malaise dissociatif du sens profond d'humanité dans toute son inutilité et son sens commun. Je puise incontestablement mon inspiration aux derniers chapitres du manifeste : l'utilité de l'inutilité de Nuccio Ordine. Il est de ces ouvrages qui retiennent mon attention, ce manifeste en fait partie. L'auteur démontre comment l'obsession de posséder et le culte de l'utilité finissent par dessécher l'esprit en mettant en péril les écoles, l'art et la créativité, ainsi que certaines valeurs fondamentales telles que l'amour et la vérité. Après la lecture de ces textes, il m'est difficile de me lancer sur de grandes théories et opinions. Je ne veux pas ombrager de mon ignorance tous ces auteurs vivants ou ayant vécu pour tenter de transcender le seul monde auquel il me sera possible de vivre. Mon erreur serait de me comparer avec ses nombreux érudits ou artisans du verbe et de l'esprit. De mes écritures, j'ai l'impression de tourner en rond des phrases insignifiantes dans une boucle sans fin. À vrai dire, pour rester de bon augure avec moi-même, je dois prendre conscience que Paris ne s'est pas fait en un jour. Je dois constater que c'est dans l'étude et le travail assidu que me met ce défi que, jour après jour, j'élargi mon horizon dans une lumière de plus en plus vive et éclatée.


15 mars |

C'est le jouir, non le posséder, qui rend heureux, disait Montaigne. L'ignorance la plus crasse a pris un air de culture dans un contexte social d'apparence. La rencontre entre celui qui enseigne et celui qui apprend pré-suppose toujours un texte pré-disposé comme point de départ et qui deviendra un pré-texte à se pré-valoir et à sous-entendre. La chaleur du soleil fait son apparition. Je suis furieusement pragmatique. Les gens se suivent sur les mêmes trottoirs presque tous à la même heure, ayant les mêmes choses à dire. Je change de rue, j'évite la parade qui n'a plus rien à me raconter. Je préfère les backroads où les oiseaux sont plus sereins et joyeux. Je ne sais pas où vont tous ces gens, toujours dans la même direction. Ils ne s'écartent jamais de peur de se perdre hors de la foule. Ils suivent la mode car ils n'ont jamais appris autre chose qui puisse les distinguer. Jamais je n'ai pris cette file, jamais je n'en aurais été capable. Les leaders marchent toujours en avant et se reconnaissent aux chemins que personne ne prend. Je n'ai jamais eu confiance en qui que ce soit pour m'amener sur la bonne galère ou au paradis. Le changement d'heure s'harmonise au grand ménage et celui de ma tête pour m'offrir des idées fraîches. Le nouveau printemps ne fera pas de moi un homme nouveau, juste un peu plus vieux et un peu moins con. On m'a déjà dit que ceux qui mettent de l'ordre de façon excessive dans leurs affaires, c'est parce qu'ils ont la tête à l'envers. Je préfère les jeux de mots délibérés que les mots croisés attachés à une règle. La vie est utile lorsqu'elle est servile, il n'y a qu'à penser aux arbres centenaires et encore debout, à part de faire ombrage aux corbeaux et aux hirondelles, ils sont complément inutiles. Un arbre est reconnu lorsque qu'il est couché prenant la route de l'usine. Un poulet mort est plus payant qu'une poule sans tête et ainsi de suite. Il en est aussi des vieux, car ils n'ont plus de promesses à faire au monde utilitaire. Monde adject et absurde. C'est pour cette raison que les hommes travaillent sans cesse, c'est pour oublier que la réalité est trop dure à ne rien faire, et pourtant. J'essaie de me reprogrammer, ce n'est pas facile. L'utilité des arbres est leurs malheurs, celle des hommes aussi. Voyager à contre-courant c'est mieux, mais épuisant dans un monde qui me sépare. Mes paroles sont-elles inutiles ? Il faut savoir ce qui est inutile pour connaître ce qui est utile. C'est en offrant des fleurs que l'on devient humain, c'est ainsi que les primitifs le sont devenus. C'est ainsi que l'art est né. En percevant l'usage subtil de l'inutile, il est entré dans le royaume des arts. N'y a-t-il une chose plus inutile que l'art ? Ironie. L'homme moderne, universel, pressé est prisonnier de la nécessité et de l'utile. Il ne comprend pas que l'utile peut être un poids inutile, accablant. Si on ne distingue pas les deux, on ne comprend pas l'art. Un pays où il n'y a pas d'art véritable est un pays d'esclaves. L'art, chez nous est largement subventionné ce qui la rend utile. Sans subventions, il serait moins présent et paraîtrait inutile pour les gens utiles. Déjà qu'ils n'ont plus grand temps à y consacrer à part pour leurs écrans dont l'art consiste aux abonnements et insinuations bidons. Un pays qui n'a pas le rire, le temps ou l'esprit est un pays malheureux. L'homme moderne, qui n'a plus le temps de s'arrêter aux choses inutiles, est condamné à se transformer en une machine sans âme, dit Nuccio Ordine. L'homme utile est une proie facile pour le fanatisme délirant tel qu'il apparaît dans la société moderne où l'inutile n'a plus de place. Je lis non pas des ouvrages pour qu'ils me servent à quelque chose, mais parce qu'ils m'apportent de la joie avec comme seul objectif de connaître et de me connaître. Pour Cioran, toute forme d'élévation présuppose l'inutile. Libéré de tout utilitarisme, mon journal m'apparait utile dans son inutilité. Ce qui est inutile pour les autres peut dans certains cas, être utile pour soi. Alimenter l'art dans mon journal et l'espoir de m'améliorer en écrivant m'est utile, et moins aux autres à ce qu'il m'apparait. La ligne entre l'utile et l'inutile est parfois très mince au point de ne pas savoir la différencier. En réalité, ce qui est jugé principalement d'utile est tout ce qui fait rouler les parts de marché dans une économie à grande échelle. Se guérir de certains maux inutiles est utile pour la chaîne d'approvisionnement qui ne peut attendre, être rompue ou altérée. En éducation, il est jugé utile d'appeler les étudiants des clients. On passe à une notion d'affaire davantage que celle d'éduquer, ce qui nivelle vers le bas les futurs citoyens soumis et utiles. Les subventions en éducation priment avec l'utilité et non sur la sagesse du savoir quoique je ne suis pas contre, d'autant qu'elles soient utiles à faire des étudiants autre chose que de suivre les moutons à la foire. L'éducation est promue au titre de la rentabilité et non à celles des connaissances. Le système est basé sur la performance, avis aux intéressés, et que les autres crèvent car il n'y a pas de place pour eux. C'est pour ça que les visages s'allongent un peu plus chaque matin dans les autobus. À ceux à qui les transports en commun sont inutiles ne savent pas de quoi je parle car ils ont toujours suivi l'utile en esquivant l'inutile. D'un côté ou de l'autre, les clivages n'ont eu de raison que de nous engouffrer toujours davantage devant l'utile devenu inutile. C'est comme ça que les partis politiques de centre quittent leurs milieux respectifs. Le centre ne représente pas seulement le statu quo, mais l'équilibre en toute chose, ce qui ne semble pas être compris dans les temps qui courent : joli lapsus.


14 mars |

Beaucoup de livres ont été écrits à partir d'une névrose, car c'est ce qui permet d'écrire en partie. Un peu de névrose est nécessaire à la séduction du lecteur, disait Roland Barthes. Outre ce passage, le manuscrit de cet auteur ne me plaît guère au point de prendre demain le bord de la boîte à livres. Je n'ai besoin que de quelques pages pour reconnaître la saveur d'un ouvrage à mon goût. Parfois, il n'y a aucune utilité à l'inutile. Je me suis fait une douce violence. L'oxymore est une figure de style qui allie deux mots en sens contradictoire. Sénèque a dit ; je ne dépends pas d'autrui, je n'attends plus les faveurs du sort ni des hommes, car ma félicité vient de moi-même. Il y a tellement de beaux textes pour s'abreuver de plaisirs incommensurables, il s'agit de tendre le regard là où les mots se posent. Certains ouvrages sont révolutionnaires par leurs charmes et leurs révélations qu'ils émettent, je n'apprends rien. Le monde littéraire est rempli d'amis et de privilèges. Depuis que j'en fais bon usage, j'éprouve moins ce désir de courir dans toutes les directions ou de m'enlacer de ruminations. J'ai trouvé un moyen sûr pour cesser de m'ignorer et de me fuir. Comment ferais-je pour décrire des personnages de mon entourage lorsque ces derniers n'ont pas d'allure ou qu'ils n'ont rien à dire ? Parfois, j'essaie quelques bribes de conversation que j'ai l'impression de parler à des cruches plus ou moins vides ou des cloisons infranchissables. À quoi bon tout ce branle-bas de combat, si ce n'est que pour ramasser quelques poussières de miettes, et encore. À quoi bon vouloir me battre pour que l'on m'entende alors qu'il suffit de me tendre l'oreille ? Je ne suis pas en train de me radicaliser, mais de me plaire. Autour de moi, les vases sont clos et les jambes sont raides à s'accroupir sans cesse le ventre à terre. Je vois beaucoup de gens qui vieillissent mal par manque de souplesse ou d'intérêt. Il y a trop de téléviseurs chez les pauvres gens qui ne savent pas s'enrichir d'eux-mêmes. Ils ne comprennent pas que ça ne sert à rien de s'endormir chaque soir toujours trop tard, toujours trop con. Un voisin à qui j'ai vendu des chaussures me raconte qu'il n'en peut plus de ne rien faire. Sa seule distraction depuis la retraite est son éléphantesque téléviseur et son cannabis. En entrant chez lui, ma voix a tremblé par toute cette fumée qui l'inhibe de déni et de stupeur. Il n'est pas le seul à se raconter les mauvaises histoires en attendant la fin. Ce sont tous ces gens que l'on retrouve dans les hôpitaux à se plaindre de ne rien faire. Ils n'ont rien d'autre à faire à part d'énumérer leurs douleurs avant qu'ils ne disparaissent avec eux. L'initiative est toujours de mise pour sortir de sa torpeur. Prendre le temps de voyager est requis pour comprendre ce que l'on quitte et pourquoi l'on revient. Voyager, c'est veiller que son regard s'illumine avant qu'il ne soit trop tard. Il y a des horizons qui font grandir qu'on ne sait plus qu'ils existent. Une femme me dit qu'à son prochain voyage, elle ne parlera pas à personne de peur d'attraper des virus. La seule chose qu'elle retiendra de son tout-raté, sera de n'avoir mis que son nez dans sa serviette de plage et son assiette de raviolis. Il ne faut pas attendre que le téléviseur tombe en panne ou qu'il termine son programme pour voir le monde dans toute sa splendeur.


13 mars |

Parfois, je ne sais rien à propos du vide qui m'envahit soudainement. Quelle impression étrange d'être là devant la page blanche qui me déconcerte. Il y a ce sentiment de panique légère à modérée lorsque mes mots se taisent et m'abandonnent. Je recherche des histoires à me raconter ou me distraire. Je devrais prendre l'air, mais je somnole de divergences à devoir me lever. Mon corps est lourd comme la fin de l'hiver. Je rumine dans l'attente de quelqu'un ou d'une pause. Je fais un effort dans l'espoir d'un réveil en écrivant des psaumes ou des poèmes. Je tourne en rond, mille divagations pour me rappeler que j'existe et oublier que je souffre. Mes mots sont souvent les mêmes, confus et troubles en attendant je ne sais quoi, je ne sais qui. Je prends de grandes respirations pour me sevrer de l'inquiétude. L'actualité me pèse et me déprime, car c'est toujours la même et encore pire. Je ne dois pas m'en abreuver délibérément avec autant d'envergure. Je n'ai personne à qui raconter mes histoires qui sont toujours les mêmes. Sur l'autoroute de la banqueroute, je peine à ne faire que passer. Seul sur l'autoroute, je tourne en rond dans une brèche sans fin et moribonde. Et soudain, les mots m'assaillent à un rythme fou, telle une urgence à naître dans la noirceur d'ici. Dans mes balivernes, les gens sont tous absents, ailleurs à se distraire. Je dors pour me reposer d'un surplus de sommeil. Je dors pour éviter l'éveil. Mon sentiment de triomphe est dans la rédaction de plusieurs chapitres de ma vie qui atteste que j'ai survécu à l'adversité. Le plaisir du rêve surpasse ma souffrance. Le malheur n'est jamais pur, pas plus que le bonheur. Mon récit donne un sens à mes souffrances, c'est pour ça que j'écris sans relâche. Un homme blessé est contraint à la métamorphose. La résilience est l'aptitude d'un corps à résister à un choc. Le mot est né de la physique et transposé en psychologie par Boris Cyrulnik. Ma vie fut celle au départ de l'enfant blessé, je n'y puis rien, ne pouvant revenir en arrière et réparer. Ma rêverie fut belle et désirée en imaginant des refuges merveilleux pour sacrifié des relations trop difficiles. J'ai appris à me prémunir de mes émotions par l'intellectualisation et par l'écriture. La solution passe par un bouquin d'une main et mon cahier de l'autre. Le livre m'accompagne pour ne pas divaguer en me ramenant à la raison. Le sujet est ma douleur, la façon de traiter est l'exercice. J'ai connu aux années passées et récentes, des intégristes de l'administration qui tuent parce que c'est le règlement. Il est mieux parfois de s'appuyer sur nos rêves au lieu de la réalité. Très tôt, je l'ai compris, ne sachant que faire de ces lois qu'administrent les contingents et les idiots. Mes blessures proviennent du manque de responsabilité de mes tuteurs et des institutions qui étaient et qui sont encore censées le faire. Faire la victime ne suffit plus à m'élever avec candeur et dignité, j'ai déjà donné en ce sens qu'il est inutile de rejouer le même scénario. Les premières victimes sont les ambitieux qui ne savent s'arrêter et les idiots. Comment faire confiance après toutes les erreurs commises devant ma  raison de  d'exister ? La vengeance au lieu du pardon ne suffit pas à me convaincre. J'ai souvent prêché par l'exemple au lieu du dicton, mais cela ne suffit plus au moment du grand repos qu'impose la retraite. Mes affects troublent encore mon esprit par accoutumance et par déni. Mon détachement et mon amour me sauveront. Mon récit transcendera ma peine. Sénèque a dit que quiconque aspire à une joie sans éclipses ne doit se réjouir que de ce qui lui vient de lui seul.


12 mars |

Je ne sais pas où je vais, mais je suis en route, là est l'essentiel. Je mets en parallèle cette citation non pour la destination à atteindre, mais par la route pour y parvenir. Prendre racine a été pour plusieurs une horreur, car ils voyaient en la société une contrainte et une perte de liberté. J'y ai longtemps cru, que maintenant mes craintes se sont déposées dans une profonde sérénité. J'ai choisi d'être humain, qu'avant je fus un sot s'alimentant d'illusions. Je croyais pouvoir m'enraciner facilement ailleurs mais j'ai compris qu'il m'était impossible de le faire. La fuite me servait d'alibi et n'empêchait de m'encrer, même au paradis. Fuir était ma façon d'extirper mon doute devant cette société dont je ne ressentais pas ma place. C'est ainsi que je suis devenu vagabond de l'aventure tremblant d'impuissance afin de m'exiler, surtout de moi-même. Je voulais fuir le monde qu'en réalité, c'est moi-même que je fuyais. Peu importe où j'allais, ce malaise m'accompagnait sans savoir pourquoi ni comment. Même les plus belles atmosphères et les paysages somptueux ne pouvaient m'enlever le mal qui m'habitait. Alors, je bougeais sans cesse dans une euphorie passagère et transitoire qui me donnait l'impression d'aller partout et nulle part à la fois. Ce n'est pas tant la société qui me posait problème que moi à l'intérieur de la société, dont j'ai su m'adapter de misère. L'humanité connait ses contradictions et moi la mienne, l'important c'est de faire la distinction de ce qui est en mon pouvoir et de ce qui ne l'est pas. Voilà l'énigme de la condition humaine, s'adapter ou crever. Il est impossible de se baigner sans cesse dans une mer d'illusions sans connaître ses rivages truffés d'amertume. Aujourd'hui, j'ai eu une longue conversation avec un professionnel de la santé qui a approché la mort à deux reprises. À un certain moment donné, j'ai pris conscience que nous n'avions pas les bons sièges devant la multitude de confidences à mon égard. J'ai même failli lui remplir une prescription. Il a toujours été un surdoué et un premier de classe pour plaire à son père, médecin entêté de carrière. Son ambition et son orgueil qu'il commence à  peine de concéder, me sautèrent aux yeux et qui, devant la maladie, tentent de se rétracter. Philosophe à sa manière, son écoute n'est pas la plus fortunée, à moins que je ne m'égare dans mon besoin d'attention. On se justifie, on réfléchit nos vies à voix haute sans complexe ni pudeur, ce qui rend la discussion agréable et accentuée. C'est curieux comme les gens intéressants sont si occupés dans leurs devoirs et leurs missions. Comment fait-on pour se lier avec des gens de cette nature si ce n'est que par le fruit du hasard ? Au retour dans le métrobus, je ne vois que des noirs et des étrangers. Leurs regards remplis de bonté et d'innocence expriment de l'ouverture et de la sympathie. Je voudrais les étreindre tous, tellement je ressens leurs besoins d'être aimer. J'offre un livre à une jeune femme en lui faisant un compliment, ça la rend heureuse et moi aussi. À une autre, je lui dis qu'elle a un beau sourire, c'est le peu que je puisse dire. Je m'adapte bien malgré les différences, sans elles le monde serait un sombre ghetto sous l'apparence d'un gîte pour les passants ou les mourants. J'ai aussi connu la mort dans l'âme et dans le cœur. Ça m'a resté souvent. J'ai côtoyé la mort dans ma jeunesse et aussi la mienne qui m'ont laissé des séquelles permanentes. Je comprends que le docteur et moi avions beaucoup à nous dire sur la misère et le bonheur. On se recommande de sages lectures. Il me dit qu'il rapetisse large sur la confiance des humains jusqu'à preuve du contraire. Il juge opportun de ne pas faire l'inverse, c'est moins énergivore et préjudiciable. Peut-on s'imaginer un monde où tous seraient libres et disponibles dans une grande chaîne humaine de compassion ? De nos jours, il n'y a de place que pour les discours économiques. Pas grand-chose ne s'exprime en lien avec l'humanité, ce n'est pas rentable et ça demande du temps. La finalité dans tout ça, malgré les rires nerveux, c'est que le temps, c'est de l'argent, rien que ça. C'est pour ça que l'anxiété existe et que la folie est contagieuse. L'évolution de nos jours s'exprime presque entièrement par la technologie, en quoi l'homme n'a plus de place pour y accéder. Aujourd'hui, je comprends que l'art me survivra et l'amour encore. Boris Cyrulnik a beaucoup parlé de la résilience dans un merveilleux malheur et dont j'attribue le faste de m'y découvrir. Il en fut un parfait exemple, rescapé fragile et résilient des camps de la mort. Il a trouvé sa force dans l'écriture tout comme bien des survivants de son espèce. C'est dans mes faiblesses que je retrouve mes plus grandes forces. C'est après mes plus grandes douleurs que je retrouve mes plus grandes joies, celle de renaître et de jouir. La vie, c'est comme les montagnes russes, tout ce qui monte vient qu'à redescendre. Il s'agit de cultiver la patience, surtout envers soi-même pour que les miracles surviennent. Si les choses n'arrivent pas, c'est que le moment de les atteindre ne c'est pas encore présenté. Chaque chose suffit sa peine et toujours le soleil se lèvera. Quitter sa paroisse ne nous fait pas oublier son lieu d'origine. Fuir est toujours un geste illusoire qui peut faire perdre la raison à ceux qui l'utilisent avec ardeur. Fuir est une solution temporaire à ceux qui en abusent. Ce qui semble un paradis peut rapidement devenir un enfer pour ceux qui n'y sont pas préparés. L'âge m'a fait doubler de prudence, comme quoi la sagesse se gagne avec lenteur. René Dubois, dans choisir d'être humain, raconte que l'éternel problème de l'explorateur est de savoir où et quand s'arrêter. Décevant est d'apprendre que la route ne mène nulle part. Le retour devient un retour aux enfers du fait d'avoir perdu ses illusions d'origine. Utilisée avec parcimonie, la route aide à évoluer en offrant le recul nécessaire pour comprendre ce que l'on quitte et ce que l'on gagne. Le voyage permet d'adopter un nouveau regard sur soi et sur chaque chose en se dégageant de la cloison des habitudes. Il m'est souvent arrivé de penser quelle aurait été ma vie dans un terreau différent avec un apprentissage adapté à mon caractère. Les idées me viennent spontanément, ce qui diffère selon l'âge. Pédagogue, écrivain, rédacteur, essayiste, philosophe, artiste, journaliste d'aventures, auteur littéraire, blogueur, photographe paysager, amoureux, aventurier. Mes racines  anthropologiques et spirituelles me distinguent du nomade et du sédentaire, idéaliste, rêveur et expressionniste. L'absurdité inquiétante de l'homme se révèle dans sa volonté de détruire la vie pour croire qu'il la protège et les ressources pour se nourrir, se protéger et vivre. La nature, au lieu d'être sacrement protégée, est vouée à une exploitation exponentielle qui détruit toute forme de sens, de sagesse et de compréhension. Par ce geste qui ne vise ni plus ni moins une destruction massive, les évidences sont claires vis-à-vis notre intégrité et de notre impartialité devant nos indécences. Quand viendra-t-il le temps de l'humanité ? Quand viendra-t-il le temps de déposer les armes et de s'unir aux causes véritables ? L'économie seule ne nous sauvera pas, l'économie seule ne doit pas être l'unique leitmotiv pour être heureux. J'ai hâte de voir s'éteindre l'euphorie technologique pour laisser place à l'homme qui souffre en silence de ne pouvoir croître et s'harmoniser. Quand je regarde tout ce cirque, je me demande pourquoi les hommes ont de telles appréhensions à la souffrance. Déjà que l'on sait qu'on va mourir, serait-il possible de ne pas le faire avant son temps ou avant de naître ? Il n'y a qu'à regarder autour de soi pour constater ce qu'a fait le progrès technologique pour comprendre que l'on a eu tort. Tous seront unanimes pourtant de dire qu'ils n'ont pas choisi ce monde dans lequel, indifférent et insouciant, ils acceptent d'alimenter. J'éprouve un immense plaisir à dénoncer la folie des hommes et ce qu'ils adviennent. Je n'ai pas que des critiques à énoncer. J'ai beaucoup de solutions mais il n'y a personne pour les écouter, les aimer et les comprendre. Alors on danse, comme dit Stromae, s'il nous reste du temps, le goût et de l'énergie.


11 mars |

Là où les dieux et les hommes ont tenté de m'oublier, seule ma volonté et mon amour triompheront. À quoi bon mendier alors que je n'ai qu'à me tendre la main pour m'offrir en partage. Personne ne me doit plus rien, j'ai pris bien du temps pour comprendre ma déraison et mon malheur. J'ai attendu autrui en vain, ne me doutant pas que j'avais qu'à me tendre l'oreille. De douces confessions m'acclament de leurs profondes vérités. Précieux journal, doux allié ne me juge point. À de justes raisons, je sais m'édifier pour apaiser ma peine. Je tourne dans ma tête mille petits motifs lorsque je ne vaque à aucunes activités, passant de la joie à la tristesse. Serait-ce là de la neurasthénie ou de la procrastination ? À trop m'écouter, je découvre tellement de maux que j'ai peur de m'effondrer. La preuve que j'évolue est dans les livres à ma disposition dans ma bibliothèque bien rangée. Toutefois, plusieurs n'ont plus de raison d'exister, à part pour leurs couvertures qui ornent mes étagères. Jadis, ils faisaient mes envies et mon savoir que maintenant ils m'apparaissent moribonds. J'ai beau les tâtonner, les feuilleter, les admirer, que je n'y vois plus guère de plaisir de leurs vibrations. En cela, j'y vois le signe de mon évolution en terme littéraire. Aujourd'hui, je distingue mieux les bons ouvrages qui me satisfassent et me délectent. Je souris devant certains bouquins qui ornent mes tablettes et dont je peine à me séparer. Plusieurs de ceux-ci sont figés dans un curieux mélange de nostalgie à l'intérieur d'une époque révolue. Je n'aime ni les romans, ni les ouvrages de sciences. Je reconnais un bon livre en l'ayant sous la main. Il me suffit de très peu de temps pour en connaître le caractère et son doux refrain. Rilke disait que si le quotidien nous paraît pauvre, c'est parce qu'on n'est pas assez poète pour appeler à nous ses richesses. J'ai réussi aujourd'hui à maîtriser en partie un litige, la suite me sera divulguée sous peu. J'ai tenu tête à un avocat et j'en suis fier en passant au crible son ministère et ses règles préjudiciables à mon égard. Je ne possède comme seul appui ma raison et mon courage. Un à un, des pièges m'étaient destinés afin de céder et m'accroupir. Le gros du travail est fait dans le dossier dont la justice et l'équité sauront me satisfaire. Je n'ai plus le cœur à me laisser périr sans tenter de lutter, sans tenter de grandir. Choisissant mieux mes combats, la tête haute et légère, je pars en croisade pour retrouver ma dignité dans ce duel où les chances sont de mon côté. Il en est ainsi. Étant un créateur qui se redessine dans des jeux d'atmosphère, mon travail se fortifie à me plaire. Si j'arrive à le faire, j'attirerai vers moi les plus belles citations, les plus joyeuses créations. Ce n'est pas le décor qui change, mais le regard. Ce n'est pas l'objet qui se transforme, mais mon cœur qui lui prête attention. Écrire m'empêche de ruminer et de perdre la raison. Je sculpte mon esprit comme l'artiste à ses pierres. Mes mots n'ont plus les mêmes raisons de sévir, le même horizon depuis que je m'investis dans un thème rafraichi. Ma solitude, soudainement, donne naissance à un être étrange et beaucoup plus beau. Ma solitude se referme aux bruits du dehors et se peuple de nouveaux personnages. Une œuvre d'art est bonne quand elle nait d'une nécessité. Que dois-je créer est une question essentielle dans laquelle je suis disposé à me dicté. Créer n'est pas qu'essentiel, mais vital pour m'offrir du sens et m'aimer. À la différence d'autrefois, ma création ne requiert pas de récompenses autres que de me révéler. En ce sens, j'avoue ne plus être capable de cesser d'écrire. Je le fais, non pas pour être lu ou aimé de l'extérieur, qu'autant que de croître selon ma loi et mes profondeurs.


10 mars |

Les premiers oiseaux de la saison ont chanté à ma fenêtre ce matin, à mon grand bonheur. Il existe deux justices, l'une pour les pauvres et l'autre pour les riches. Tous savent cela et encore plus lorsqu'on est dans le trouble. Je trouve ignoble les fortunés ayant accès aux avocats aptes à plaidoyer avant tout à leurs causes, puissent obtenir justice par la voracité de leurs grandes gueules éhontées et de leurs salaires bien souvent injustifiés. Quelle est cette justice-là, monsieur ? Il y a justice pour qui sait bien parler, celle des gens éduqués, celle des gens qui ont les contacts, celle des gens habiles ou celle des belles gueules, malgré qu'aujourd'hui que ça ne suffise plus. Les autres, qu'ils aillent se faire foutre et qu'ils se débrouillent, car on ne s'occupe pas de ces gens-là, monsieur. La justice est pour les gens heureux bien avant qu'ils ne perdent leurs causes. Il y a une justice pour les beaux et jeunes physiques, surtout s'ils ont avec elles, de beaux nichons. Il y a deux systèmes de santé, deux classes de sièges aux avions, aux collèges, aux amphithéâtres et aux services de tout acabit. Il y a deux justices, l'une qui prend toute la place et les autres qui cèdent leurs places. La justice se paye de nos jours, monsieur, l'avez-vous remarqué ? Il y a une justice pour ceux qui fructifient leur avoirs et ceux qui en n'ont pas. Il y a une justice pour ceux qui travaillent et ceux qui font travailler les autres. Il y a une justice pour les gens intelligents et une autre pour les ignorants, mais on n'en parle pas de ceux-là, monsieur. Il y a une justice pour ceux qui ont de l'aide et une autre pour ceux qui n'en ont pas. Il y a une justice pour ceux qui ont de la chance et une autre pour ceux qui n'en ont pas. Il y a une justice pour ceux qui n'abandonnent pas, mais soyez prudent si vous ne parlez pas trop fort, de risque d'être amener au palais des impudents, au palais des injustices. À vrai dire, il est franchement mieux que je sois philosophe qu'avocat, la question ne se pose même pas. La justice des hommes est absurde et elle n'existe tout simplement pas. Et c'est ainsi que justice se fait, par la loi du plus fort dans l'évolution de l'espèce inhumaine et contrarié. Et si cette jungle n'existerait pas, quelle forme prendrait-elle ? N'est-il pas utopique de croire que tout pourraient être beau, parfait et sans injustices ? Beaucoup d'ambivalence et de dissonance s'entrechoquent dans la tête des gens, c'est pour ça que leurs visages m'apparaissent hostiles et maussades dans les lieux banales et communs. La certitude est mauvaise et dangereuse dans l'esprit des gens. Sans le doute, il n'y a pas de mystère et sans mystère, pas d'espoir. Il y a ceux qui ne peuvent se faire justice eux-mêmes, car ils seraient ramasser par la justice. Il y a les justiciers qui passent incognito et les truands qui deviennent des héros. Il y a une justice pour ceux qui savent se taire et une autre pour ceux qui ne peuvent pas. On connaît tous la chanson, on connaît tous les règles. Et puis après, qu'est-ce que ça donne de dire ça, si on n'est pas du bon côté de la galère ? Être sur le neutre, c'est se taire en évitant de crier à l'injustice. C'est ainsi que les couleurs s'effacent de nos faces à trop vouloir s'effacer. Cette justice là est plus forte que la raison, monsieur. Être sur le neutre, c'est lorsqu'on n'a plus rien à faire, plus rien à tenter pour changer ce monde induit de désordre et d'erreur. La justice des riches, j'en est rien à foutre et la justice des pauvres ne m'émeut guère. Je préfère rester à la maison ou dans mon camion le printemps venu à me taire avec seul ami mes mots pour ne pas être jeté en tôle ou trainer en justice.


9 mars |

Toutes choses et commentaires sont assujettis à interprétation, le sarcasme par exemple. Un ami m'indique avoir été abusé de sarcasmes par moi alors que je tentais simplement d'exprimer quelques brins d'humour et de rigolade dans le rapport d'amitié qui nous unit. Il y a question de s'interroger et surtout de discuter, évidemment en personne et le plus rapidement possible. Il est de ces sujets délicats qu'il vaut mieux parler en tête à tête que par internet. Toutefois, certaines personnes, par un surcroît d'émotions, préféreront écrire pour dissiper au préalable, quelques frustrations ou divergences d'opinions. Je préfère de loin la philosophie à la psychologie, car elle questionne des sujets plus vastes que soi. La psychologie, bien souvent, s'investit de situations ou de comportements spécifiques en faisant allusion à des problématiques particulières et personnelles. Sartre disait que l'enfer, c'est les autres. Il n'avait pas tout à fait tort devant la complexité des rapports humains. De ce point de vue, s'il m'avait fallu attendre d'être parfait pour m'adresser aux autres, j'aurais passé ma vie seul à me raconter des histoires. Ces temps-ci et, plus qu'à l'habitude, je préfère converser en solitaire dans le blogue qui me sert de journal intime. Il m'est plus facile ainsi d'esquiver des opinions et commentaires d'autrui qui pourraient m'être douloureux à entendre ou à défendre. De plus, cet exercice me permet de peaufiner mon esprit et mon vocabulaire dans le but éventuel de préparer de futures discussions qui, sommes toutes, pourraient être agréables, dépendamment à qui l'on s'adresse. C'est une méthode qui porte ses fruits en ce moment, je le constate tous les jours. Je me rappelle du temps, par manque de confiance et de relief, que mes propos et opinions pouvaient être interprétés de telle ou telle façon, j'en conviens, mais à l'heure actuelle et, par souci de bien faire, j'essaie d'apporter davantage de nuances et de précisions sans toutefois tenter de réprimer, outre mesure, mes paroles spontanées et créatives. Jamais de mon existence, je n'ai eu accès à autant d'immobilité et à ce désir de l'être pour écrire et réfléchir. Ces moments ne surviennent pas par hasard, mais par nécessité. Ils reflètent une incroyable métamorphose dans laquelle je puise mes inspirations. Il était grand temps, accusant un sérieux retard, tout en rattrapant une sincère évolution. Vieillir, c'est de l'esprit qui s'éveille lorsque le corps s'endort. Ces longs moments d'arrêts et d'hibernations plus ou moins volontaires arrivent à point pour poser les bases solides de mon être qui, sans elles, j'étais voué à disparaitre. Certains utilisent des pierres pour ériger leurs maisons une à une, alors que pour moi, c'est mot par mot que j'érige la mienne. Il serait subterfuge, à ce moment précis, d'abdiquer devant ma solitude et qui me permet de croître en sagesse et en distinction. Je m'étonne devant cette soudaine renaissance des dernières années et qui consistent soudainement à relier les mots ensemble pour me réinventer. Jamais je n'aurais cru pouvoir faire un aussi bon usage de la langue. Jamais je n'aurai cru pouvoir assumer autant ma défense de ma dignité par le verbe. Je suis en train de rapatrier mon être qui s'était éclaté en mille morceaux par ma négligence à naître et ne sachant par où commencer. Je reconnais prendre toute la place qui dans mes propos qui sont miens et que j'en suis fier. Comment pourrais-je ne pas le faire après m'être expatrié aussi longtemps ? Comment ne pas prendre la place qui me revient, ayant fui trop souvent, trop longtemps, pauvre abruti que je fus dans mon corps et mon esprit ? Qu'aucuns ne puissent dire que je suis égocentrique, qu'ils seraient immédiatement invités à se faire foutre. Toute morale autre que la mienne n'a plus aucune emprise sur moi. Ce n'est pas tant de morale que d'amour dont j'ai besoin. Pour mériter cet amour, il faut obligatoirement savoir se l'offrir et reconnaître le sien en premier lieu. On ne peut donner ce qu'on n'a pas. Beaucoup de souffrances s'agitent en ne reconnaissant pas son propre amour et qui s'invite à se fuir pour éviter sa propre douleur. La fuite nait de l'incapacité à corriger sa trajectoire. La fuite naît d'une incapacité à se reconnaître et s'aimer. Quels autres sujets seraient plus importants que moi-même à ce moment précis ? Je n'y vois aucun signe d'égocentrisme, bien au contraire. Chacun de nous ne voit-il pas qu'il est le centre de l'univers et que tout rayonne autour de soi ? Serait-ce possible que ce Dieu inconnu soit à l'intérieur de nous-mêmes ne connaissant pas son nom ? Déjà quelques heures à écrire et la soirée n'a pas encore débuté. Décidément, j'ai trouvé matière pour fuir l'ennui sans trop de volonté et de misère. C'est curieux de constater que le vide n'existe pas. C'est curieux de constater que tout arrive à point à qui sait attendre. À vouloir tout étreindre, on n'embrasse rien. Lorsqu'on croit avoir tout gagné, on finit par tout perdre. Voici la leçon que je reçois et qui résume bien l'état de ma situation au moment d'en parler. Je saisi avec le recul, le piège dont je me suis volontairement installé en reconnaissant aujourd'hui les causes. Je crois que la route à la prochaine saison ne sera plus la même avec toutes les révélations qui s'étalent devant moi au grand jour. Comme il est étonnant de retrouver, tout d'un coup, de grands torrents d'inspiration à mesure que mon esprit se lève. Comment ai-je pu faire pour rester endormi aussi longtemps ? M'affirmer, c'est vivre, bien le faire c'est ressusciter.


8 mars |

Ce soir au café Quoi, et qui porte bien son nom pour les questions que les gens s'y posent, je fais la connaissance de Benjamin, un fanatique protestant réformateur à la gloire de Dieu. Il n'a pas été respectueux, malgré le ton agréable dont il dispose et pourtant, après avoir exprimé mon intention à plusieurs reprises de vouloir m'abstenir de parler de la grâce de Dieu et de ses composantes. C'est un sujet qui, pour moi, est complètement inutile et dépassé aujourd'hui dans sa forme actuelle, son contenu et son mysticisme incompréhensif et douteux parsemé de soumissions hostiles. Toutefois, je ne renie pas ceux qui ont la foi en Dieu, ça les regarde et si, tout d'abord, ils gardent le sujet pour eux et entres-eux. Je préfère largement m'abreuver des choses de l'esprit, notamment par la raison s'exprimant dans le moment présent et en évitant de citer des histoires incertaines, relatives ou trompeuses. Ma vérité se déploie sur ma raison de croire ce qui est juste et bon pour moi et avec l'humble discernement à ma disposition et de la justice, si elle existe. Les religions ne me sont d'aucune utilité par le manque de compréhension dont elles disposent et je me méfie des prêcheurs habiles et chevronnés qui acclament la vérité suprême du bon Dieu. J'aime les vérités, si elles existent, qui me traversent directement et qui ne passent pas à travers les intermédiaires douteux, quel que soient leurs caractères. Les seuls avec qui je peux dialoguer sérieusement sont les êtres qui ne sont barricadés de certitudes et de morales incertaines. Bon, j'ai suffisamment parlé de ce sujet qui ne tient pas la route dans mon esprit en constante ébullition par les temps qui courent. J'ai appris que Benjamin est le fils d'un fidèle et prolifique pasteur protestant. Il respectait son père avec grandiloquence qui lui a apporté une influence sincère et approuvée vis-à-vis ses prédilections. Il n'y a rien d'autres à dire sur le sujet qui n'influencera ni mon destin, ni mes croyances. Au même moment, j'ai eu le plaisir d'assister à un baby shower brésilien, qui est, ni plus ni moins, la célébration d'une nouvelle naissance. Ce café m'est cher et dans lequel j'éprouve un fort sentiment d'appartenance jusqu'au jour où je puisse suffisamment me faire confiance pour me passer de ces distractions qui ne sont pas les miennes, même si elles ont leurs raisons d'exister. Ce soir, j'ai trahi mes saines habitudes en ingurgitant grand nombre de chocolateries et pâtisseries somptueuses. Tant pis pour moi si les dieux me punissent pour ma gourmandise, je le mérite bien, pauvre misérable que je suis.


7 mars |

La vie passe trop vite pour un retour en arrière, ainsi soit-il. Vert l'Aventure est mort, vive Vert l'Aventure. La philosophie est très importante pour comprendre la politique et pour prendre les bonnes décisions à son égard. Un bon philosophe atteste un bon discernement devant la politique et les programmes actuels qui ne sont pas simples à comprendre par toutes les affirmations qu'elles propagent. S'il y avait davantage de philosophes pour démystifier et saisir la politique, le monde se porterait mieux et nos choix seraient plus judicieux. Les politiciens, en règle générale, n'aiment pas les bons penseurs par les déroutes qui pourraient  s'imposées par leurs bourbes et leurs tricheries triomphales. Je ne comprends pas qu'après quelques années au collège, les jeunes gens délaissent la philosophie au détriment des affaires et des technologies. L'esprit est un muscle qui a besoin de constants exercices pour survivre dans le monde actuel et la philosophie propose des résultats clairs à cet effet. Il ne s'agit pas autant de savoir manier les choses que de savoir pourquoi et à quel escient elles sont constituées. Le monde n'existe pas seulement pour une série de touches sur le clavier et de réclames publicitaires. Le monde n'est pas seulement un matériau que l'on assemble indéfiniment. Le monde requiert bon sens et jugement, que sans l'apport de la philosophie de graves erreurs peuvent se commettre et survenir. À quoi ça sert de savoir additionner si on ne sait pas pourquoi on le fait ? À quoi ça sert d'empiler des trésors toute sa vie durant si à la fin de ses jours, ils deviennent inutiles ? La philosophie sert à comprendre le monde au lieu de le subir. La philosophie sert à comprendre l'étranger qui est en nous et à s'en faire un ami. À quoi ça sert de gesticuler sans arrêt si on ne comprend pas les raisons qui nous poussent à le faire ? Le malaise ne proviendrait-il pas de trop vouloir bouger au lieu de réfléchir aux raisons qui me poussent à le faire ? L'oisiveté est mal perçue, car on n'y décèle que la contre-productivité à l'intérieur d'un monde agité et ultra-performant. À quoi ça sert toute cette agitation si mon corps requiert le repos et la tranquillité ? Philosopher, ça sert à poser les questions nécessaires devant ce rythme fou et inconscient qui freine les libertés et la dignité. S'arrêter ne paie pas sauf si on est crever et qu'on doit ménager sa santé. On nous aura bien menti et fait croire à des balivernes pour demeurer prisonniers de nos chaînes. Il me semble que notre chère planète, elle aussi, aurait bien besoin d'un repos mérité et prolongé. À quoi ça sert de gagner sa vie à vouloir la perdre ? À quoi ça sert toute une vie à vouloir la dépenser de tout bord et tout côté sans vraiment savoir pourquoi et comment ? C'est pour tout ça que j'apprends à philosopher, afin de ne plus perdre mon temps à  vouloir le gagner. Ça fait plusieurs jours que je n'écoute plus le téléjournal, il y a trop de raisons qui s'y retrouvent pour perdre la raison et ne pas savoir que faire de toutes ces pérégrinations. Depuis plusieurs jours, je délaisse les démagogues à leurs histoires, espérant qu'un jour plus personne n'entendra ce qu'ils ont à dire. Que les véritables leaders se lèvent ? Est-il possible que ces derniers soient silencieux et réfractaires en attendant un nouveau jour propice à le faire ? Croître et vivre lui inculquait la désobéissance, car la vie, c'est la recherche de la lumière, disait Jack London. Dans un passé pas si lointain, je me rappelle que le rire et l'humour prenaient davantage de place qu'aujourd'hui. Il est vrai de nos jours que les raisons de rire se font plus rares. L'appareil médiatique avec ses nouvelles quotidiennes inquiétantes et le coût de la vie nous rappelle notre condition humaine plutôt sobre par les temps qui courent. Les spectacles d'humour d'autrefois sont quasiment relégués aux oubliettes et leur intensité ne m'enchante guère. La vulgarité et la violence de ces parodies n'ont plus d'emprise sur moi. Ce n'est pas que je veuille me soustraire aux rires, mais mes intérêts sont ailleurs, tout comme de grands pans de la société s'en sont détournés aussi, si je m'abuse. Il fut une fois où les gens étaient moins sérieux et se prenaient moins au sérieux. Le pouvoir économique et ses contraintes a pris la place du besoin de produire toujours plus et toujours plus vite. Il faut consommer toujours et encore plus. Des experts partout nous indiquent les choses à faire et à nous procurer, ce qui crée de l'anxiété et des soucis. Pendant ce temps, les visages s'allongent de morosité et d'indifférence. Le sens de l'humour nous a quitté subitement et les plaisanteries ont déserté les lieux publiques. Depuis quelque temps à peine, il m'est impossible de raconter des histoires aux passants sans passer pour un pauvre imbécile ou un mal élevé. Chacun pour soi est devenu la norme du monde tel qu'il apparaît aujourd'hui, insolent et austère. Faire preuve d'ironie est mal vu et contester n'a plus sa place. Le mercantilisme s'est frayé un chemin là où jadis il y avait de la compassion et de l'amitié. L'humanité nous a quitté, du moins du côté de mon horizon. La télévision est devenue un immense centre commercial où toujours les mêmes idées s'achètent à crédit. Je n'y trouve rien de bon pour trouver des repères, ne voyant là qu'une piètre comédie de marionnettes au service des marchands. Bien entendu, il reste quelques bons bougres qui font du bon boulot ici et là, mais il se fatigue plus rapidement qu'autrefois à nager à contre-courant. Tout est balisé, tracé, copié, retranscrit pour les besoins de rentabilité et de prospérité superficielle. Au sérieux économique s'ajoute le sérieux politique, fanatique et religieux qui n'entende pas à rire lui aussi. Rire devient un acte de résistance. Mon plaisir actuel aujourd'hui est de philosopher avec mes semblables s'ils sont disposés à le faire et si, bien entendu, ils en ont le temps et le goût, ce qui est rare. Le métier de philosophe est l'un des seuls qui ne soit pas rentable et pourtant il est l'un des plus importants. Quoi de meilleur et de plus sain que de rire avec ses semblables en philosophant. La philosophie n'est pas aussi sérieuse qu'elle en a l'air et ce serait un préjugé de la croire ainsi. Elle apparaît sérieuse, car elle fut longtemps l'apanage des bourgeois et des riches ayant les moyens à profusion. Le rire se suffit à lui-même et son objet n'est pas nécessaire à sa cause. Rares sont les fois que je ris en solitaire, car le propre de l'homme n'a pas de sens dans la solitude. Pour ma part, je m'en incommode en écrivant avec tout le sérieux dont je dispose. Ne riez pas, ce n'est pas de ma faute si je ne suis pas drôle, car je n'ai jamais appris à l'être et en n'étant pas mon souci premier. Ce qui est drôle pour quelqu'un, le sera moins pour un autre. Quant à la parole, elle se raréfie dans les espaces publics. Les habiletés sociales sont perturbées dans un monde de plus en plus hermétique et contrôlant. Les textos sont en avance sur la voix et rien ne laisse présager un avenir joyeux pour la communication spontanée et aléatoire. Point de salut, hors des sites de rencontres et des applis à distance. Le monde est devenu triste et monotone où plus rien n'est nouveau. Plus rien n'a de chance de s'alléger comme autrefois quand on entendait encore les murmures des gens et la joie s'éclatée. Rien que pour se parler aujourd'hui, ça prend un mot de passe, disait Francis Cabrel. La plupart du temps, je ne parle plus et je me fais taire, tel le vieil idiot que l'on envoie au rancart. Depuis, j'ai entrepris un dialogue avec moi-même, mais pour cela, il a fallu me faire confiance. Les présentateurs de la télé n'ont plus rien à me présenter pour que je veuille les entendre. Quelques minutes suffisent pour entendre les mêmes ragots toujours pareils sous le thème de la violence ou de l'insignifiance. À me parler, il n'y a aucun sermon, injonction ou leçon. Je me traite d'égal à égal, ce qui facilite la fluidité de mes interventions. Si un sujet me nargue, je passe rapidement mon tour, ne laissant personne dans la confusion. Jamais le monde n'aura connu un monde étoffé de gens seuls et isolés. Personne ne peut dire ce qui adviendra de nous, n'ayant aucune référence en la matière pour en discuter. Les paramètres technologiques actuels n'ont jamais rencontrés d'historique qui puissent nous donner des précisions claires sur ce paradoxe de nature contemporaine. Communiquer avec moi-même est plus facile qu'il m'aurait pensé le croire. J'apprends bien et vite. Je m'étonne d'avoir demeuré aussi près de moi-même en l'absence de mots pour m'aimer et me plaire. Je retrouve un pouvoir trop longtemps enfoui, trop longtemps méconnu et qui était si près pourtant. Pour se retrouver, il faut s'être quitté à maintes reprises, ce que j'ai fait abondamment. Ma liberté retrouvée s'actualise dans mon langage qui s'était affaissé inconsciemment en venant au monde et dans lequel je n'ai pas désiré. Mon journal est une source de communication intime avec moi-même qui m'offre une plus grande estime de ma valeur. J'ai décidé de cesser de faire le perroquet, d'être une coquille vide. Je suis devenu un homme libre en me parlant, un homme qui correspond à son essence première et capable de me hisser à la hauteur de mon existence. Avoir raison n'a plus autant d'importance devant les autres, c'est surtout mon sentiment d'exister devant les autres qui prime en premier lieu. Il y a un risque d'exister devant autrui, mais le bénéfice humain sera supérieur s'ils décident de m'engager. J'aime beaucoup débattre sur un discours aventureux et fragile. Pas de risque, pas de résultat est ma devise et l'a toujours été.  Schopenhauer estimait qu'il ne faut jamais discuter avec quelqu'un qui nie ses principes. Ceci établit une règle claire devant chaque interlocuteur qui voudra bien me prêter attention. Sans une communication franche et sincère, il n'y a pas de cités ni de sociétés. C'est dans le plaisir de vivre ensemble que l'on se console et se régénère. Les pouvoirs en place détestent la parole, sauf la leur, bien sûr. Lorsque je parle, je résiste ; en cela, ma parole déstabilise le pouvoir que les êtres dominants exercent. Le centre de tout ça enfin, c'est le coeur, c'est le plus faible et le plus invincible d'où Christian Bobin dans la lumière du monde.


6 mars |

Je sais pertinemment que je ne suis pas le seul à jouer de l'ironie avec la nature des hommes actuels. Je sais que je ne suis pas le seul à faire dans la dérision devant ce monde somnolent de contradictions. Mes rêves s'épuisent d'être les seuls à qui parler. Il n'y a plus de répit à part le soleil qui me caresse à l'aube. Comme il est curieux d'entendre mon verbe se teinté d'obscurité. Ce n'est pas parce que les ruminations m'enlacent que je m'identifie à elles. L'encre de mes mots suffisent à m'en distancié. La nature de ces derniers est sans équivoque sur la page blanchie de ma complaisance.  Mon assise actuelle repose sur une libération inconditionnelle, peu importe la forme et la couleur des mots expédiés. Une poésie étrange tente de ressurgir dans le fracas qui m'entoure et m'indispose. Les mots se jouent d'eux-mêmes dans une ponctuelle beauté me confirmant être vivant et heureux de l'être. Les nuances se font rares devant l'intransigeance qui règne dans les parages. La beauté des villes m'est difficile à percevoir que je m'empresse de déguerpir à chaque nouveau printemps que la vie m'amène. Heureusement que mon esprit s'alimente à l'intérieur d'une trêve que la route m'interpelle. L’ambiance est morose au sens large de la vie en ce moment. Je mets toutefois mon énergie créatrice et volatile à contribution, le temps d'humer mes amères illusions. Écrire, c'est me dégager de ces craintes, de ces illusions et de ces émotions qui partent à la dérive. Écrire, c'est en partie m'inscrire dans la société humaine. Je me rappelle du temps où je rédigeais des cartes postales aux sommets des montagnes où respiraient ces joyeux refuges. Ces temps sont révolus et les courriels n'ont pas la même atmosphère. Plusieurs de ces extraits se rappellent avoir marcher les Alpes dalmatiennes, les Dolomites italiennes, la Sierra Nevada andalousienne, la Cordillère des Andes équatoriennes, les collines toscanes, les îles éoliennes, le Dodécanèse et les îles Sous-le-Vent. D'autres en marchant la forêt amazonienne, les volcans nicaraguayens, les déserts arides étatsuniens ou marocains. J'ai nagé la mer Égée, du Nord, de Cortez, de Libye, des Caraïbes, Tyrrhénienne, Adriatique, Ionnienne, le Canal de Panama, les Cyclades et les golfes clairs. J'ai marché encore sur la Campanie, la Corse, le Belize, Karpathos dans le vent, Istanbul et Venise sur les gondoles de minuit. J'ai trinqué à Florence, Rome, Ajaccio et Amsterdam. J'ai croisé des palais guatémaltèques, vietnamiens, grecques et siciliens. Je fut ébloui par les châteaux hollandais, étrusques, espagnols et français. Des églises italiennes et françaises, j'ai prié pour que se poursuivre mes voyages et ma chance. J'ai surfé les archipels d'Hawaii, Bocas del Toro et Halong. J'ai dormi dans les ghettos de la Nouvelle Orléans, de New York, de San Francisco et dans les trains de l'Oklahoma et du Kansas. J'ai failli mourir à Playa Dominical, Cotopaxi, Rio Napo, Lahaina, Manicougan, Kodachrome, Tikal et Watertown. Combien de fois j'ai tenté de me perdre sans jamais y réussir ? Combien de cartes postales ont quittées ces lieux ne restant aujourd'hui que des songes étranges aux odeurs de sauge sauvage, de lavande ou de pin ? À quoi aura servi tout cela, à part d'avoir humé les vents contraires et fumé quelques joints moribonds sur tous les continents. Brève nostalgie d'un temps qui s'achève au pied de la montagne, j'ai survécu à de nombreuses crises mystiques et solitaires. Souvenirs passagers des nuits d'été dans la plaine et sur les rivages tourmentés, j'ai vu le soleil de minuit au-delà de mes peines à me réinventer au temps des moissons. À part ce réel sentiment d'avoir aimé tous ces rêves devant lesquels je me suis tellement identifié, il ne reste que des mots épars et de vagues esquisses pour n'avoir fait que passer. J'existe encore malgré les vents contraires et le calme retrouvé. J'ai vu au fil du temps, mes contacts diminués au point de se fondre dans l'oubli. Serais-ce possible que les vieux soient moins attractifs et séduisants ? Est-il possible qu'il y est moins de gens pour aimé les vieux et les apprécier à leurs justes valeurs ? Je n'arrive pas à comprendre ce qui s'est passé entre cette frêle jeunesse et le temps des siestes profondes. On dirait que j'ai perdu un petit bout entre le temps des rires fous et mes peines. Personne, mais personne ne pourra m'enlever mes rêves et ces années de gloire passagère à me construire et me défaire sans cesse jusqu'au moment où ma mémoire ressurgit. Que reste-il de mes amours chantait l'autre dont j'ai oublié le nom ? Il me reste à écrire pour ne pas oublier la source des vents qui m'ont vu naître. J'écris pour rester sur la plage humaine et pour croire encore qu'il est possible de s'ouvrir à autrui par le coeur et l'esprit. Les boîtes aux lettres disparaissent des intersections, évitant ainsi de vous plaire de mille mots à votre attention. Il restera toujours les textos, mais c'est pas pareil. Philosophe marcheur, je le fut en me méfiant du langage d'autrui et de ses distorsions. Malgré tout, j'ai persévéré et me suit battu plutôt que de me taire. Philosopher, c'est refuser l'immobilité des choses, en ce sens j'ai réussi à maintenir une ligne sinueuse, parfois maladroite, mais toujours digne et fière. En marchant, il y a toujours mon ombre qui me suis pour m'indiquer la subjectivité et la dualité de chaque chose. En marchant dans la cité, je ne cesse de voir un monde triste et déprimant, il en a toujours été ainsi. C'est pour ça que je me suis tant promené en nature, pour oublier d'où je viens et pourquoi j'y existe. Ma condition en a voulu ainsi que je me pardonne de ne pas avoir misé plus haut et en me rebattant sans cesse sur cette misérable terre et cette cité malheureuse. Il en faut du courage pour quitter son pays et ses racines mêmes si elles pourrissent de l'intérieur. Dans cette putain de ville qui pourtant je m'y suis attacher sans cesse par nécessité, tout me porte aux lamentations et à la culpabilité. On m'a toujours dit de garder le moral même dans les vents contraires. J'appelle ça l'acceptation de la misère, l'acceptation de ses douleurs. À les écouter tous, je devrais toujours revenir remplis de sourires et de grâces malgré les tâches obscures et dégradantes. Soumission ou acceptation, choisir ou fuir mais pour quoi faire et aller où ? Voilà la question auquelle il m'est difficile de répondre avec précision. Voilà pourquoi j'écris pour tenter d'y répondre ou bien de me taire. Comment faire pour demeurer joyeux sous de tels hémisphères ? Et pourquoi la joie serait préférable à la tristesse si ce n'est que pour faire semblant d'être heureux ? L'espace est plus restreint depuis que je lis et que j'écris et c'est bien ainsi n'ayant besoin que du strict nécessaire pour me changer les idées et me réinventer. N'est-ce pas ainsi qu'il me soit possible de transformer le monde à ma façon aujourd'hui même ? Cette réflexion est forte intéressante et révélatrice du point où j'en suis rendu dans mon corps et mon esprit. Tout est une question d'équilibre et je suis le parfait exemple de ma rédemption. Deux choix me sont proposés qu'il me soit difficile de répondre ou de trancher ; sangloter ou m'exulter. Chaque sentiment doit s'éprouver. Les bloquer ou les censurer serait inutile et contre-productif. Jean Louis Cianni dit qu'il est mieux un désarroi sincère et approuvé qu'une joie affichée mais superficielle. Je n'ai vraiment jamais été un être entièrement joyeux ni malheureux, ce qui m'indispose au purgatoire ambivalent et douteux, si toutefois il existe. Devant cette réalité qui m'a toujours habité, j'ai souvent nagé à contre-courant dans une mer d'incertitude. Pourtant, c'est cette absence de trouble chère à Épicure que j'ai nettement recherché. Je n'ai pas toujours suivi à la lettre ses recommandations en tempérant mes plaisirs et en combattant mes inquiétudes. Tout comme Épicure, je tente de mettre en pratique la modération en toute chose et de faire la différence entre les plaisirs naturels et artificiels, ceux qui sont nécessaires de ceux qui ne le sont pas. Il est de ces plaisirs dévorants et dangereux devant lesquels je n'ai plus envie de me soumettre et dont la sagesse appelle à m'y soustraire. La sagesse est nécessaire pour reconnaître les différents plaisirs troubles ou nécessaires. Le plus difficile pour moi, afin de capter cette sagesse, est de me détourner des tourments qui m'affligent et d'en reconnaître leurs causes. Ces tourments se sont incrustés que je m'en suis porté acquéreur par habitude ou en m'identifiant à eux. Pour m'en dégager, rien de mieux que la philo-thérapie et la littérature pour me cultiver et me découvrir. La joie ainsi retrouvée rétablira un état d'équilibre rompue et perdue dans la nuit des temps. Alors, le seul fait d'exister me comblera de bonheur sans le filtre d'une époque révolue et dépassée. Spinoza a fait appel à la raison pour développer la joie. Depuis quelques temps, je l'ai adopté au lieu des passions pour développer mon bonheur d'exister. Lorsque les forces manquent, la raison m'aide à discerner ce qui m'est préférable. Plutôt que de rechigner dans une complainte excessive, je fais usage de la raison qui m'apporte un droit de passage vers la joie. Cela revient à faire un choix philosophique délibéré en affirmant une liberté ainsi retrouvée. Lorsque je m'étendrai sur la plage cet été, c'est que je l'aurai choisi et décidé. On ne naît pas joyeux, on le devient par le plaisir et le désir d'être et ce, même si la joie est cruellement passagère disait Spinoza.


5 mars |

Sartre explique que l’angoisse est, au final, la conscience de la liberté. Il pleut. Moment de solitude intense. Malgré tous les stades et les salles de cinéma, j'avance incertain, fébrile. Le monde aujourd'hui s'est brisé devant l'insatisfaction qu'il m'apporte. Décadente saturation d'un savoir faire d'une existence calfeutrée d'ignorance. Persécution malveillante d'un monde intransigeant à se ruer d'insolence. Pourquoi mes mots intempestifs ressemblent aux bouches édentées de l'indifférence ambiante. Simplement qu'ils sont le reflet monstrueux d'une étrange poésie qui me délivre d'un mal ancestral qui m'a toujours habité. Que dire sinon me taire ; plus jamais ? Dark side on myself in this exalting think of my journal. It's not a true story but i love it, because it's the only one i got. Je me réchauffe par mes propres moyens, ceux que j'ai à ma disposition. Méditer est gratuit, j'en profite, d'autant plus que c'est l'un des meilleurs placements que je possède. La méditation est, avec l'amour, l'une des seules choses qui apportent du bonheur durable. J'ai déjà essayé avec le chocolat, la seule chose qui soit durable avec lui, c'est la douleur au ventre qu'il m'apporte. Je revêts une lueur d'espoir en m'exprimant de la sorte. Renaître est la joyeuse affirmation d'une liberté retrouvée ou jamais acquise. La lecture me procure un état d'éveil savoureux. Saturé par toutes ces impulsions électroniques compulsives, la lecture m'apparaît, tel un baume, dans cette existence qui se fatigue d'exister. Lire sous la pluie est un pur délice, lorsque le soleil ne peut me distraire de ses promenades. Lire m'aide à surmonter ma paresse, surtout lorsqu'il s'agit de philosophie. Lire m'enseigne à moi-même dans un mouvement de liberté continue. Lire, c'est me pratiquer à savoir vivre et à forger ma conscience. En lisant, je reprends l'apprentissage raté de ma jeunesse à trop vouloir faire qu'à être. Pourtant, ce fut l'inverse qui aurait dû se produire. C'est la jeunesse qui le voulait ainsi et je n'ai pas été épargné. Peu m'importe maintenant que j'ai tout mon temps pour vous écrire mes amères silences. Ma résurrection ne se fait plus attendre maintenant que ma raison vient à ma rencontre. Je ressens toujours cette pensée étrangère et qui, à la lecture d'autrui, je forge la mienne. Je fais exactement, en ce moment précis, ce que mon père aurait attendu de moi en reprenant des textes à ma manière et qui comme lui, l'a fait de son vivant. Je suis honoré et fier de suivre ses traces par le désir de m'éclairer et de lui plaire. Pour penser à moi-même, il faut que je sois capable de m'ouvrir à la pensée des autres, c'est ce à quoi la lecture m'apporte. En réalité, j'aime l'expression silencieuse de mes interlocuteurs à travers leurs écrits plutôt qu'à leurs paroles. Mon corps se nourrit d'apport extérieur, il en est de même pour ma pensée. Sans cet apport que m'offrent mes lectures, je ne serais que l'ombre de moi-même dans la seule distraction de tourner en rond. Lire, c'est remplir la feuille blanche de mon existence, c'est me retrouver dans des mots jaillissants d'extases délibérées et sincères. Sans poésie, il n'y a rien d'autre sur quoi bâtir mes espoirs. Sans poésie, le verbe aimer n'existe pas. Sans poésie, les paysages ne seraient plus les mêmes. Sans poésie, je ne pourrais m'éclater en mille morceaux. Grâce aux auteurs et écrivains, je me rallie à une époque, à une tradition, à un savoir. Je lis, car les idées me viennent et m'apaisent de mes absences. La philosophie est comme, dit Jean-Louis Cianni, la figue de Barbarie, piquants à l'extérieur, suaves à l'intérieur. Je reconnais un bon auteur par l'intemporalité de ses ouvrages. C'est par la lecture que je m'initie au monde des vérités transitoires, relatives, évolutives. La philosophie n'est pas la somme de vérités, mais la multitude de mes recherches. La philosophie ne m'apporte pas de réponses claires, mais elle suffit à mes questions. La philosophie m'offre une quête singulière devant des problématiques éternelles, existentielles. Philosopher me permet de dépasser la rampe de l'actualité. Penser par moi-même ne signifie pas penser tout seul, en cela je l'atteste par les auteurs que je côtoie. Lire me permet de construire mon opinion en réaction aux idées reçues. Lire me libère d'idées fausses et préconçues que le jargon populaire tente de me soumettre. Ma sagesse commence où celle de l'auteur se termine. Les auteurs ne m'offrent pas autant de réponses que de désirs. Ces derniers sont empreints de lucidité, de justice et de liberté. Leur mise en pratique débute à travers la lecture. Philosopher, c'est aussi apprendre à déposer les livres. Que dire de plus en lisant ces paroles qui s'émissent au plus profond de mon être ? Comment ai-je pu m'en passer aussi longtemps ? N'étais-je tout simplement pas suffisamment prêt pour elles, trop occupé à me construire une image qui s'est affaissée dans un vide de transition, dans l'interstice de ma raison ?


4 mars |

Le tournant mondial que l'on vient de prendre est teinté d'instabilité et de précarité. Plusieurs causes en sont la raison, notamment l'étrange  et archaïque modèle économique actuel, les impitoyables changements climatiques qui ont déjà déversés leurs inquiétudes et les ressources naturelles qui s'amenuisent par les exploitations humaines insensées. La perte de sens est palpable dans plusieurs des sociétés, principalement dans les grandes cités. Devant ces nombreux phénomènes, il n'est pas étonnant de voir la progression de régimes conservateurs de droite et extrémistes. La mondialisation telle que l'on l'a connue durant les dernières décennies battra de l'aile sous l'égide d'un protectionnisme accru. Cette rétraction est liée à l'instinct de survie grandissant. Ce mouvement est celui de la peur qui règne devant notre impuissance à l'intérieur d'un monde en profonde mutation et dans lequel l'ordre et la cohérence régnaient encore il y a quelques temps encore. Les sociétés se contractent et se replient lentement sur elles-mêmes, car la vie telle que nous la connaissions se meurt et la peur s'abat dans toutes les directions. Dans toute cette agitation, l'esprit se tare d'ignorance et de contradictions. Les avancées technologiques, bien qu'évolutives à bien des égards, perturbent l'existence humaine par les rapides changements qu'elles apportent. Ce sont de ces sujets et thèmes importants que j'aime discuter lorsque l'occasion se présente. Ce matin, à l'entraînement, je m'entretiens de la foi avec un témoin dominicain de Jéhovah. Je ne partage pas son regard, mais je le respecte si ses propagandes doctrinales ne débordent pas dans les institutions publiques. Si cela peut la rendre heureuse dans son cadre personnel, pourquoi pas. On a discuté respectueusement un bon moment pour faire valoir nos opinions respectives. Pascal a dit que les grandes pensées viennent du cœur et que le cœur a ses raisons que la raison ignore. Cette pensée m'évite tous clivages et conflits qui pourraient survenir. Toute chose est bonne à dire, c'est la façon de l'exprimer qui importe. Le problème avec la foi n'est pas la foi en elle-même, mais le prêcheur recrutant ses fidèles parmi les misérables. Mais bon, le seul pouvoir que je possède réellement est envers moi-même, et puis encore. Je préfère de loin la philosophie et je ne m'en cache pas. Curieusement, ensuite, mon souhait s'est exaucé en faisant la rencontre de Constantin, un écrivain moscovite, comme il entend à dire. Grand et fier gaillard, sorti tout droit des vieux films d'espionnage. Il me confie écrire des scénarios pour la publicité et d'autres médias. Il me répond habilement que les scénarios d'espionnage sont trop près de la réalité pour en faire de bons récits. Son rêve est d'aller vivre à Saint-Pétersbourg en Russie, plus libérale et artistique. C'est la cité la plus occidentale du pays, à la lisière de l'Europe et de ses influences. J'avais quelques questions qui me venaient en tête et en lien avec la démocratie et les idées véhiculées actuellement dans son pays. Je reconnais ne pas pouvoir obtenir des réponses claires car il me faudrait m'adresser à plusieurs russophones du pays pour établir des statistiques précises sur l'indice de bonheur et de liberté. Notre conversation fut plus qu'acceptable, voyant en lui un profond démocrate et réflecteur de liberté. C'est dans les discussions et partages avec les étrangers ouverts au profond dialogue que converge mon esprit à caractère universel. Le coût de mon abonnement se voit ainsi allégé par les discussions qui l'entourent.


3 mars |

En politique, la morale n’est qu’une fable, seule la force écrit l’histoire. La condition du bonheur est l'absence de trouble. Trump en est un, et lorsqu'il m'apparaît le cœur me lève de mépris et de dégoût. Pour placer sa notoriété, si elle existe et qu'en cela j'en doute, il relance des scandales sans autre finalité que de faire scandale. C'est ainsi qu'il a fait fortune, en vendant un grand nombre de stupides macarons à son effigie qu'à autant de stupides acheteurs qui se les procurent. Avoir trop de choses en ma possession représente aussi du trouble. L'oisiveté me permet de me former et d'élever mon âme pour m'accomplir. Stevenson disait qu'il n'y a pas de sujet libre sans un socle d'estime de soi. La vie de l'insensé se rue tout entière vers le futur. Visage humain de la folie qui part sans cesse vers l'avant, j'étais l'un de ceux-là. À cette vie ordinaire, notre époque ajoute la tyrannie de l'immédiat. Nous voulons communiquer, décider, agir en temps réel à la vitesse permise de nos gadgets technologiques. Ainsi, soit le temps n'avance pas assez vite et nous cherchons à l'accélérer, soit il devient trop rapide et nous ne pouvons le suivre. De là, résulte le décrochage du présent et de l'insatisfaction. Je ne tiens plus à m'entourer d'écoliers à instruire ni de pontifes doctrinaires. J'aime ceux qui ont la force du verbe et l'humour de leur méthode. Le repos étant bon pour le bétail, je préfère les tempêtes existentielles de mon esprit. Avant, je préférais l'action futile, que maintenant je choisis les activités intellectuelles que m'offre cette douce oisiveté. Les classes d'étudiants m'étaient insupportables, que j'ai opté l'école buissonnière. Autrefois, la présence des gens âgés était un remède, leurs esprits un antidote. Même les plus stupides avaient des choses à nous apprendre. Cette ligne de transmission s'est rompue laissant place aux réseaux technologiques froids et abusifs. Les acteurs de ces chapitres ne sont plus au rendez-vous. Ils ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes dans un univers atrophié, mourant aussitôt qu'ils viennent au monde. En rompant avec les traditions qui nous ont vus naître, les racines sont arrachées de leur terreau originel et les liens se sont tus. Mes opinions se renforcent au fil du temps, retiré dans mon ermitage, et qui deviendront de plus en plus clairsemées à mesure que le jour s'achève. À quoi me servent toutes ces interrogations ? Puis-je les éviter ? Ma condition se joue là, de penser à naître. Ma curiosité est la somme de mon ignorance. Mes questions transforment mes soucis en action. Me questionner, c'est affirmer ma liberté. Celui qui ne se pose pas de questions s'ampute d'une partie de son être. Mes questions ne paralysent pas mes actions, loin de là. Pas d'avancée sans les interrogations sur ce qui est ou n'est pas, disait Jean-Louis Cianni. La question accompagne la production de vérité. Je me suis souvent demandé quelle serait le courage, la beauté, la cité idéale. Je n'y suis jamais arrivé. Philosopher consiste à poser des questions. Le philosophe questionne, se questionne. J'ai souvent dérangé mes semblables avec mes questionnements. Il auraient préféré davantage cet homme docile mais pas trop car ils deviennent ennuyants et ennuyeux à la longue. Les pouvoirs oppresseurs redoutent les questionneurs, le système marchant aussi. J'ai connu leurs médecines, ne trouvant jamais ma place auprès de ceux qui enquêtent sur ma défection à venir. J'ai toujours douté, même d'être venu au monde. Les sujets évoluent avec les époques, la prochaine ne manquera pas de questionnement. Jeune, on me disait que pour être heureux il ne faille pas trop se poser de questions. J'ai toujours détesté ce sordide argument venu de nulle part. Jai connais des gens qui ne se sont jamais posé de questions et qui, aujourd'hui, ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes par les insouciances qui les ont portés. Il ne s'agit pas de contrôler l'incontrôlable autant que de me questionner sur le sens de la vie, en particulier la mienne, tout en refusant les mauvaises réponses. Dans mes questions, je m'ouvre à moi-même et au monde dans ses grandeurs et ses faiblesses et dont je fais partie, pour le moment. Toutes mes questions sont bonnes, car elles existent. Ce n'est pas autant les réponses qui importent, que de chercher à me connaître à travers mes questions. Trump est un être ridicule qui croit détenir toutes les certitudes du monde auquel il croit lui appartenir. Viendra le jour où il frappera le mur de sa propre répugnance. Viendra le jour, où la vie se chargera de lui-même et devant toutes les abyssales immondices qu'il aura fait subir aux gens de bonne foi. J'aimerais en ce moment, m'étendre sur la plage pour laisser dissoudre tous mes questionnements et dans lesquels je n'aurai pas suffisamment d'une vie pour y répondre.


2 mars |

À l'entraînement, je rencontre deux sympathiques algériens kabyles berbérophones originaires d'une région à dominante montagneuse de l'Algérie. Le dixième du pays de soixante millions d'habitants est occupé par la Kabylie qui n'est pas ouvert au tourisme. C'est une région d'une grande beauté avec des influences traditionnellement méditerranéennes. Dans le passé, j'ai connu les peuples berbères marocains. À deux reprises, ma carrière de guide d'aventures m'amena dans plusieurs régions du pays, notamment dans le Haut Atlas, dont je conserve d'incroyables souvenirs. Il m'est impossible d'oublier, en plus de ces paysages grandioses, ce peuple de fiers montagnards formidablement authentiques. Les berbères ont la peau généralement plus pâle que les arabes et même parfois les yeux bleus. Ils habitaient leurs terres bien avant les arabes. Je ne tiens pas à trop m'épivarder sur le sujet, car il y a trop à dire. Quoi qu'il en soit, ces jeunes hommes sont d'une gentillesse extrême, ce qui m'amène à méditer sur le sujet. À trop vouloir s'ouvrir au monde, il y a risque d'y être assimilé. Je ne suis pas contre le multiculturalisme, apprenant sincèrement de ceux qui n'apparaissent différents et qui, à bien des égards, ne le sont pas tant que ça à part la couleurs de leur peau. Toutefois, les règles d'immigration ne doivent pas être prises à la légère pour ne pas disparaître dans le néant de nos bêtises. Notre identité collective risque de s'affaisser sous le poids d'influences grandissantes venues d'ailleurs. Notre naïveté à cet égard a été plus que significative dans ce pays qui ne peut contenir, malgré sa grandeur, toutes les misères et les espoirs du monde. En réalité, qu'en est-il de l'identité culturelle d'un pays à quoi on s'attache autant ? La question se pose surtout lorsqu'on voit des grandes cités sous le joug de la diversité culturelle dans lequel plus rien ne reste de leurs braves passés identitaires. Que tente-t-on vraiment de protéger à travers tous ces discours nationalistes, à part la langue ? La culture collective d'une société ne devrait-elle pas être le fruit d'affinités communes et du travail de conciliation constant entre individus au lieu d'être le clivage entre races et nationalités ? Le vivre-ensemble est le mortier nécessaire pour élever une société. Les religions ne doivent à aucun prix s'attabler aux institutions publiques qui déterminent nos valeurs communes. Cette voie de terminologie complexe n'est pas simple et le progrès est bien souvent illusoire. Les graphiques et données concernant ce sujet mitigeur ne pourront se revendiquer de vérités absolues, car c'est de la vie humaine qu'il s'agit. Aucuns barrages ne peut retenir les eaux grandissantes de la vie, aucuns murs ne résistent aux marées humaines de l'intransigeance. Il est de notre devoir à tous d'adopter une attitude juste et équitable, sans quoi les conflits risquent d'émerger ou de perdurer. Le dialogue et une véritable éducation continuelle ne s'appuyant non pas seulement sur les technicalités, demeurent la base du vivre-ensemble. Ce n'est que par le cœur que les gens s'enlacent et se comprennent. C'est curieux à quel point les choses hautement humaines et authentiques ne sont pas tellement prises en considération par rapport aux sujets économiques si distinctivement mis à l'avant. Auparavant, les gens devaient disposer d'une éducation rigoureuse afin d'obtenir des bases solides pour leurs vies entières. Ce n'est plus le cas, malheureusement aujourd'hui, sauf dans quelques situations précises où l'humanisme prend tout son sens en apportant les lumières d'un monde obscurci par tant de maladresse, d'ignominie et d'ignorance. La parole est fluide, les mots figés. Écrire est plus prudent en s'affirmant, mais le mot reste gravé telle la preuve irréfutable de ses vérités ou de son venin. Je reconnais que les verbes sont limités, car la vie n'a que faire de toutes ces élémentaires et futiles propositions divergentes. On raconte qu'une image vaut mille mots, encore faut-il savoir la détecter. Peu importe, je fais ce que je peux avec ce que je possède et, en ce sens, je préfère les mots que les ruminations. Les mots stimulent un temps long une partie de mon hémisphère, que l'image éblouit l'instant d'un éclair par les couleurs qu'elles portent. Toutes deux présentent les masques de l'esthétique une fois investi. Toutes deux peuvent s'avérer des camouflages lorsque caviardés ou manipulés. S'exprimer subjectivement rehausse les passions, que la raison n'a que faire de ces enchevêtrements puérils. La passion n'a de mordant que dans sa modération. Jouant avec l'esprit, elle devient plus perspicace et flamboyante. La parole est moins esthétique, quand même elle le voudrait. La parole peut être à la dérive, ce que l'image ne peut. Je parle de leurs formes brutes et non pas de leurs essences distractives, corruptibles. J'écris non pas autant pour me faire comprendre que pour l'art qu'il manifeste. Le premier devoir de l'homme est de parler. Les principaux sujets de conversations sont : je suis moi, tu es toi. La conversation est un art, chacun s'exprimant et se justifiant dans un chant intemporel flattant des vanités mutuelles et respectives. Une fois les limites dépassées, le sage, le charmeur et le courageux se réinventent dans une gloire incertaine et illusoire. Ainsi, en l'espace d'un moment, leurs paroles érigent un palais de délices. Écrire me permet de me maintenir aux sommets de ma gloire. Écrire possède en soi l'illusion que le temps s'arrête. Écrire me hisse aux plus hautes hémisphères, là où il n'y a que joie et la satisfaction de me plaire. Et c'est tant mieux si ces mots résonnent à ceux qui veulent bien entendre l'écho de mon humble voix.


1er mars |

Depuis quelques semaines, je me suis joint à un groupe qui n'est associé à aucune doctrine et à aucune activité en général. Une dizaine de participants se réunissent chaque semaine dans un café pour parler de tout et de rien dans une ambiance décontractée. En posant quelques questions à plusieurs d'entres-eux, je réalise que j'ai affaire à des survivalistes complotistes sceptiques ayant des difficultés à nuancer certains sujets actuels. La dernière rencontre portait sur l'enseignement de la radio émetteur pour se distancier des réseaux actuels en cas de pannes généralisées ou d'effondrement complet. L'idée en soi n'est pas mauvaise, mais là où le bas blesse, c'est que le contenu des transcriptions est superficiel. En réalité, je n'y vois que de légères discussions autour de la technologie et de ses composantes. Je demande quels sont les sujets entourant les communications auxquelles il me répond : test, test, one two, one two, I'm from Illinois, about you, Charlevoix or nowhere. Je traverserai la rivière lorsqu'elle apparaîtra, me disais-je. J'ai trop à faire du temps présent et avec des gens n'ont guère de soucis autres que du contenu stérile à l'intérieur de cruches vides. Ensuite, je m'avance sur un sujet délicat en ce qui concerne la politique internationale. Croyez-vous que la dictature existe en Russie et Poutine est-il un dictateur ? La réponse, aussi étonnante qu'elle puisse paraître, fut que c'est partout pareil, même au Canada. Je lui demande âprement par la suite si les opposants du Parti libéral du Canada ont été empoisonnés pour avoir signalé leur mécontentement. Bouche bée, il devient soucieux et perplexe. Après ces quelques tergiversations, je quitte délicatement les lieux n'ayant plus grand chose à y faire, délaissant le groupe poliment, les laissant avec leurs jouets respectifs. Lorsque je rencontre des gens dorénavant, je trouve juteux de poser des questions judicieuses et pointues devant lesquelles il devient pertinent de reconnaître mes interlocuteurs, ce qui donnera lieu à poursuivre ou pas la discussion. Pour moi, certains faits relèvent du commérage. Il y a beaucoup de monsieur-ou-madame-je-sais-tout qui possèdent la voix de l'opinion générale. Toute recherche doit se faire selon une direction donnée, sinon ce n'est que du flânage et du pur vagabondage. Ceux dont les intérêts exclusifs se nomment affaires ne peuvent être maintenus qu'au prix d'une négligence perpétuelle des autres domaines. L'oisif s'oppose à tout cela sans pour autant se négliger. Un bon compagnon est le plus grand des bienfaiteurs, et si c'est une femme, c'est tout à mon avantage, m'assurant une probante complémentarité. Je lis en ce moment Robert Louis Stevenson, un écossais de santé fragile, décédé abruptement dans la quarantaine. Plusieurs auteurs classiques ou contemporains écrivent ou ont écrit le mal de vivre les habitants dans des turbulences de mots débridés. De ce nombre, il y a beaucoup d'orphelins et de gens provenant de milieux misérables et dysfonctionnels, pour ne nommer que ceux-là et qui, s'expriment pour tenter d'obtenir des réponses devant l'existence. En s'exprimant dans le calme de la solitude ou, pour certains, dans des cafés quelconques, ce désir d'écrire fait d'eux une force invisible et inconditionnelle au créateur littéraire en eux. Se raconter devient un exutoire nécessaire au maintien de leur équilibre. Plusieurs portent en eux des blessures profondes qui font d'eux des reclus sensibles et divergents de leurs semblables pour différentes raisons, l'exclusion en est souvent la cause. Écrire devient alors d'une nécessité abyssale qui transcende le monde dans lequel ils tentent de fuir ou de s'opposer. Je fais partie de cette grande famille d'artistes écrivains qui s'éveille après une trop longue nuit d'absence à somnoler de dérive. Je me reconnais de l'essayiste, je reconnais le même désir qu'eux de m'ouvrir le ventre en exposant mes tripes au grand jour avant qu'elles ne pourrissent de l'intérieur. Écrire devient d'une nécessité viscérale devant le grand vide qui m'a trop longtemps habité. Je le reconnais ce fainéant pour les vertiges qu'il a fait plané dans ma stratosphère. Je reconnais l'absence de moi-même au point d'en perdre la raison. L'apologie des oisifs de Stevenson est un baume ce soir qui me rappelle ne pas être le seul à souffrir d'exister. Tout comme moi, il a beaucoup voyagé pour chercher le meilleur de lui-même sous d'autres cieux, tout en cherchant en vain à fuir le mal qui l'habitait. Je me suis enfin trouvé un réseau d'amis fidèles en ces écrivains et philosophes et, en qui j'ai parfaitement confiance et qui me porte à penser que je deviens aussi mon meilleur ami. Mon objectif est de poser les questions essentielles l'une après l'autre qui me viennent à l'esprit pour retrouver le sens perdu de chaque chose. Je deviens ainsi l'observateur observé. Écrire est un geste profondément méditatif, laissant après chaque mot, chaque phrase, l'espace nécessaire au maintien de mon fragile équilibre. Dans chaque chose, il y a le positif et le négatif et, c'est au contact des deux que l'énergie circule. Je perçois l'analogie dans tout, même dans les boîtes de chocolats. Cela est à s'y méprendre, comme quoi je prends conscience de n'être plus l'être isolé que je croyais être. Les mots qui éjaculent ont ce rôle et ce pouvoir qui est de relier les choses entre elles. Les mots me permettent d'atteindre le juste milieu de toute chose en écartant l'ombre devenue obsolète. Depuis que je me réinvente par les mots, mon identité se réincarne dans la joie et la délivrance. C'est la plus étincelante et déterminante addiction qui m'aura affecté. Et si les étoiles me frayaient enfin ce chemin tant attendu pour retrouver cette place qui me revient dans le monde apaisé du murmure ou du silence.