Bienvenue sur mon blogue personnel. Ce journal intimiste exprime un désir de dépassement et d'authenticité.
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Polarsteps
26 août |
Je ne peux accepter l'idée que ma vie se contente de l'ordinaire, de l'habitude, qu'elle se borne à la consommation, à la production. Je ne peux me contenter des slogans qui animent le discours public. Je ne peux renoncer à un supplément de sens ou de valeurs dont je ne trouve ni la source, ni l'image précise, mais qui demeure en moi comme l'écho d'un monde perdu ou jamais connu. Les processions d'autocongrulations font tant d'adeptes, le complexe récréo-festivalier est devenu si puissant, qu'on finit par croire que plus rien ne manque, qu'il n'y a plus rien d'espérer et qu'il est malvenu de se plaindre ou d'exiger plus. Bienvenue au pays du monde ordinaire est le livre qui n'a rien d'ordinaire de Mathieu Bélisle que j'apporte avec moi à mon prochain road trip. Il est possible que je ne le lise qu'au retour pour me pas m'asperger de choses ou de pensées ordinaires qui pourraient nuire à mon périple. Ma copine veut me pousser des romans. Il m'est impossible de lire ce genre littéraire, si excellent soit-il. J'ai trop tendance à nous comparer aux autres cultures, pauvre petits moi que nous sommes devenus. J'ai tendance, comme le fait si bien Mathieu Bélisle, à regarder ce qu'est devenu mon petit peuple bien ordinaire. Je suis incapable de m'y soumettre, pauvre rebelle en perdition que je suis. La situation actuelle en est une de détente, où il ne faut rien exiger davantage. Vouloir le faire paraît mal aux yeux de la majorité. La pensée du terminus qui est celle où se retrouve le monde ordinaire qu'il ne faut pas déranger. Il a la certitude d'être arrivé à destination et ne fais rien pour changer quoi que ce soit à part son auto ou sa maison de temps à autre. Cette pensée domine la vie politique, culturelle et celle du quotidien dans son ensemble. Avoir l'air cool avec des excès de jovialité est le seul leitmotiv du monde ordinaire. L'ironie et la mélancolie sont considérées comme des phénomènes suspects. Est-il possible que le voyage tant espéré ne nous ait pas portés aussi loin que nous le pensions ? Je nous vois, après un long détour, près du lieu que nous avions quitté. La vie ordinaire n'a pas seulement que du mauvais, bien au contraire. C'est en écrivant, en me rapprochant des auteurs idéalistes pour ma part, que je réussis à transcender la vie ordinaire. C'est aussi en la quittant momentanément, comme je le fais dans mes escapades aux États-Unis, que je réussis à survivre dans un monde de plus en plus cloisonné dans ses certitudes. Je visiterais bien d'autres pays que les États-Unis, planant sur mes rêves en campeur, mais c'est le seul voisin étranger à ma disposition possèdant la faculté de pouvoir m'élever de la vie ordinaire. Le Canada, malgré la diversité culturelle m'apparaît tellement monochrome. Le compte à rebours a débuté vers une autre chapitre de la vie extraordinaire dont je reviendrai une fois de plus transformé, en meilleur ou en pure, je ne saurai.

22 août |
Partir pour quelque part, toujours partir. Lorsque les gestes se répètent, partir encore. Bienvenue au pays ordinaire de Mathieu Bélisle est le livre récupéré à la bibliothèque aujourd'hui. Le titre me va bien. Par chance que l'art et l'amour existent encore. Par chance qu'il y a les exercices à prodiguer au corps pour ne pas s'affaisser et s'alourdir. On ne peut pas vivre dans l'inaction, pas plus que dans l'action frénétique. Je compte cet automne me procurer un bouquin sur l'étymologie des mots, leurs racines grecques. Abruptis sont ceux qui ne savent pas de quoi ils parlent. Il m'arrive aussi de manquer de verbes dans mes moments de paresse et de nonchalance. Je ne suis plus seul, je suis avec moi-même. C'est à force de frapper sur des portes fermées que j'apprends à vivre par et pour moi-même. Mon voisin l'haïtien part demain en vacances aux chutes du Niagara avec sa copine. Il dit que les autoroutes sont belles et rapides. Une fois devant les chutes, ils feront demi-tour et ils reviendront travailler. Faire tout ce long trajet ennuyant pour ne voir absolument rien à part la chute sur le bord de la balustrade accompagné d'une foule d'abruptis qui s'empilent dans les boutiques à souvenirs stupides jonchées de parcs automobiles. Quelle horreur ! Je lui ai suggéré quelques destinations et parcours originaux qu'ils ont refusés pour se morfondre sur les bretelles indifférentes d'autoroutes. L'aventure pour plusieurs est de magasiner une paire de chaussettes neuves assorties à son chandail. De quoi je me mêle après tout, chacun son dada. Il est de ces gens qui ne sont pas faits pour l'aventure. Leur vie n'est qu'une ligne droite. Ils font des additions, des soustractions, ils consomment pour oublier que leurs vies n'ont pas d'éclats et de sens. Leurs médiocres récompenses est de consommer des choses trop souvent inutiles. À la fin, ils se demanderont ce qu'ils ont fait de leurs vies. Qu'une putain d'autoroute pleine de contresens qui ne mène nulle part. Mon plaisir à moi, c'est de prendre les chemins de traverse, toujours les chemins les moins fréquentés. Combien de fois je me suis senti un étranger chez moi à raconter des histoires que personne ne comprend. Combien de fois j'ai marché dans les vents contraires. En attendant le prochain départ imminent, je sirote la vie ordinaire. Ça ne pas être la fête tout le temps.

21 août |
Routine pré-automnale. Légère odeur de bois dormant. Les champs passent sous peu à l'écumoire avant le gel. Les classes reprennent. Le travail de l'homme s'active malgré que la terre est fatiguée d'être à son service. J'ai toujours aimé le cinéma. Ça s'appelle le septième art. Les images défilantes, le récit, la trame sonore, les intrigues, l'aventure. Ce goût provient de ma plus tendre enfance alors que ma mère me donnait quelques pièces pour voir des films. Cela a débuté dans les salles paroissiales. C'est comme si c'était hier. Il en coûtait vingt-cinq sous pour voir un film dans ce temps-là. Les spectateurs, jeu est et vieux, parlaient sans cesse. C'était vraiment une autre époque. C'était du temps où l'on s'identifiait à une paroisse, surtout à la sienne. Quand on est jeune, on ne sait pas encore ce qu'est la misère. Dans ce temps-là, les égouts de la haute ville se déversaient dans les bas-fonds de la ville. Les femmes qui prenaient de l'âge étaient toutes grosses et mal en point dans le quartier où j'ai grandi à St-Zériphin-de-Stadacona. Cette paroisse misérable que j'habitais, moi et ma mère près de la rivière aux rats, de la rivière à marde, comme on disait dans ce temps-là, ne m'était pas destiné. Je l'ai subi à contrecœur, trop jeune pour faire mieux, trop faible pour prendre une autre direction. C'était cet immeuble, rue de l'Espinay et ce quartier de paumés que j'ai tant voulu fuir. Pour y arriver, de longues marches sur la rivière gelée aux rats m'apprenait à rêver d'horizons meilleurs. C'est à ce moment que je suis devenu fugueur ou marcheur. J'ai marcher surtout pour fuir et m'enivrer qu'ailleurs serait toujours meilleur. Cette paroisse était l'une des plus pauvres et inquiétantes de la ville. Des dépotoirs à ciel ouvert jonchaient ce quartier oublié des braves gens, de la bonne société. Plus tard j'ai habité, comme on disait, dans l'un des blocs à Raoul de Notre-Dame-de-la-Recouvrance à Ville Vanier à côté du parc minoune, l'autre bord de la track de l'avenue Plante. Les minounes, ils en avaient. Pour vingt-cinq sous, un jeune garçon perdait sa virginité, étendu sur un morceau de carton dans un champ quelconque où est situé aujourd'hui la place du fleur de lys. Sylvain chantait quand on est d'la basse ville, on n'est pas d'la haute ville. Y en a qui s'en souviennent, d'autres qui aiment peut-être mieux pas. J'ai passé mon enfance et mon adolescence dans les quartiers défavorisés de la basse ville. Moi je suis d'une ruelle comme on est d'un village, entre les hangars de tôle, pis les sacs à poubelle, entre l'école pis l'église, ma p'tite enfance est là. Cette chanson, je la reconnais. Elle représente cette jeunesse de tarés que j'ai subite. Alors que les jeunes de la haute ville allaient bon train dans le plaisir, vers l'avenir, le mien s'effritait sur les trottoirs désunis et moribonds. Les amis sont bien différents lorsqu'on vient de la basse ville. En haut, on étudie pour s'éduquer et obtenir un avenir. En bas on fait semblant de prier pour ne pas mourir de misère. Je ne sais pas comment j'ai pu survivre à cette chienne de vie. Le temps que j'aurais dû passer à apprendre à vivre, je l'ai passé à rêver de vivre. La misère m'a côtoyé trop tôt, me laissant avec des séquelles. Depuis l'âge de trente ans, je vis à la haute ville. Plus d'une journée en bas de la ville me rend triste et blafard. Il est bon de me souvenir d'où je proviens pour comprendre ce que je suis devenu. D'autres enfants qui, comme moi, proviennent de ces quartiers-là n'ont pas eu la chance que j'ai eue malgré tout. Lorsque je visionnais des films, je commençais déjà à m'envoler ailleurs dans un monde meilleur que celui que je n'ai jamais désiré. Dans ce quartier-là, on ne riait pas monsieur, on pleurait. Les plus forts se retenaient pour ne pas brailler, car dans ces temps-là, monsieur, un homme pleurait en silence pour ne pas passer pour un lâche où un faible. Comme il est bon de mettre tous ces songes sous des mots. Comme il est bon de mettre tous ces souvenirs dans un récit qui a fait de moi ce que je suis devenu. Depuis quelques mois, je prends plaisir à voir des films chez moi dans une application conçue pour ça. Jamais, je n'ai vu autant de films en un aussi court laps de temps. C'est qu'au cinéma ou à la télé, il n'y a rien qui vaille ces temps-ci. Le cinéma est un formidable divertissement qui me permet de m'oublier quelques instants. C'est à ça aussi que ça sert le cinéma. Ça prends des américains pour penser à ça, car nous on est né pour un petit pain, comme on a si souvent dit. Ça sert aussi à s'offrir des histoires lorsque les miennes deviennent ennuyantes. C'est comme ça que j'écris mon blogue. Ça me fait des histoires à me raconter, et qui sans cela, je ne ferai que remuer du vent en maugréant ma peine d'ici.

19 août |
Je crois que si j'avais le choix, je vivrais en hauteur. Que ce soit dans un immeuble ou sur le haut d'une colline. Voir le monde sous mes pieds me réjouit. De cette façon, je regarde de haut ces fourmis, les hommes. Je ressens toujours ce duel besoin de m'approcher et de fuir les hommes. Légèrement en retrait me suffit. Il n'est pas nécessaire de trop m'éloigner, sauf lorsque je ressens la nausée d'être trop près d'eux ou trop longtemps. Aujourd'hui, j'ai vu un physiothérapeute. Excellent soignant et pédagogue, il m'a semblé m'offrir davantage de discours que de soins. La suite des traitements me le dira. Tous et chacun vendent leurs salades pour vivre. Le problème dans la société actuelle, c'est que trop de gens vivent dans des vases clos et avec l'intention d'exploiter les autres. Il est aussi vrai dans le système de santé. Les nouveaux étudiants formés en médecine spécialisée ne voient pas les humains dans leur ensemble. Ils ne se soucient guère des causes multifactorielles qu'engendre la maladie. Chacun sa spécialité dira-t-on. C'est comme ça que l'esprit se cloisonne et s'attelle à la tâche, à sa spécialité, qui est de gagner sa vie. Triste sort des hommes. C'est comme ça qu'à très court terme que l'ordre règne et que les sous s'encaissent plus facilement dans l'illusion la plus complète. Le système est ainsi fait et il n'est pas prêt de changer. Le risque serait trop grand de vouloir le changer et se changer. Le risque serait trop grand pour ceux qui détiennent le pouvoir de le perdre. Le développement de mon esprit passe par le plaisir de croître en sagesse et en connaissance. Le travail sur mon esprit par l'écriture est vital. La création littéraire m'est, à juste titre, l'objet d'une source de plaisir intarissable. Écrire représente la tentation de transcender l'ordinaire. Écrire me permet d'élargir ma créativité en vivant l'instant présent avec plus de paix et de lucidité. Écrire me permet d'observer les nuances en quelque sorte que la vie me propose. À l'approche de l'automne, j'irai à la recherche de livres pouvant m'inspirer dans mon quotidien qui, parfois, m'apparaît singulier. À ce moment-là, je sais que je ne suis pas capable d'attirer vers moi la beauté du monde. À ce moment-là, je sais que j'ai besoin de leur aide. Je sais que mon regard, à ce moment précis, tente de se rapprocher des faiblesses du monde. Curieusement, il est ainsi lorsque les chaleurs torrides de l'été font leur apparition. Tout comme les ours hibernent, je m'éveille dans les subtilités de l'automne. Tranquille dans ma tanière, mon esprit refait surface après une trop longue exposition au soleil. Mon signe astrologique est poisson. Le poisson aime les profondeurs et les eaux fraîches. Ceux qui vivent dans les eaux chaudes baignent de lenteur et d'obésité. J'ai besoin de vide pour rejaillir, renaître. Dans le trop-plein de soleil, mon cerveau languit et se liquéfie. J'aime les lumières douces et tamisées. J'aime la lumière absentes de violence. Plus je me connais et plus j'aime le monde tel qu'il m'apparaît dans une certaine distance. Mais attention, trop de hauteurs me donnent le vertige et ce sentiment incongru d'isolement. J'arrive de plus en plus à me définir grâce à l'écriture. Je puis dire que cet art louable de sens m'éveille loin de ce monde bruyant et insolent qui est le nôtre, qui est le mien, devrais-je dire. Je suis au centre du monde. Sans cette place qui m'appartient, le monde tel que je le connais n'existerait simplement pas. En ce sens, le monde existe en soi seulement et tout le reste est purement secondaire et accessoire. Les expériences forment mon esprit au quotidien, qui la plupart du temps sont imperceptibles. Ce n'est qu'à la venue de l'automne que je sais que je ne suis plus le même, que les roses se fanent. Je sais qu'un jour, je ne serai plus effrayé de quitter ce monde beau et sordide car j'aurai compris qu'il me faut déguerpir ailleurs. La seule et unique chose en réalité qui m'effraie est de souffrir de douleurs mentales et physiques, du manque d'amour et de sens. Écrire me permet de repousser ce moment intrusif dans la vie de chaque homme. Me renouveler sans cesse dans l'instant présent est la seule et unique source de bonheur durable qui puisse me convaincre d'exister. Qu'il est donc difficile de vivre, de cesser d'avoir peur. Qu'il est donc difficile d'aimer, de s'aimer.

16 août | Ste Lucie-de-Beauregard, Chaudière Appalaches
J'ai passé une formidable fin de semaine active avec mon amie dans Bellechasse, région de Chaudière Appalaches, en prenant la route vers le lac Frontière. Au programme, la montagne du lac, randonnée pédestre d'une dizaine de kilomètres avec un retour hors sentiers à travers les érablières. Le spot pour la nuit fut extraordinaire avec un ciel rempli d'étoiles filantes en cette période des Perséides. La canicule effroyable qu'a connue le Québec nous a enfin quitté. Nous avons campé près d'une petite rivière. L'endroit sauvage est d'une grande beauté et d'un calme divin. C'est le lieu idéal pour le bondooking qui rendra mémorable ces instants pour mon amie et moi-même. En fin d'après-midi, la baignade à la plage du lac Frontière est superbe. Le lac aux eaux claires et pures est situé sur la frontière avec le Maine. Ce weekend est une initiation au bondooking pour mon amie. Elle a adoré ainsi qu'à moi-même qui voyage toujours en solitaire, non pas par choix. Nos préliminaires pour le vanlife sont fait pour la suite des événements. Le lendemain, nous avons pris la direction des tourbières de St-Just-de-Bretonnière dans le parc régional des Appalaches. D'une longueur totalisant dix-sept kilomètres, le sentier traverse une immense tourbière qui mérite largement une visite. C'est l'un des sites naturels les plus remarquables du Québec, et surtout pour la raison que très peu de gens s'y rendent. Notre deuxième campement fut près d'un étang à castors à St-Lucie-de-Beauregard. Ce village niché au creux des Appalaches est parcouru par la rivière Noire Nord-Ouest qui alimente le lac Frontière. Malgré l'espace restreint à l'intérieur de la van, nous avons réussi à bien nous débrouiller sans que cela nous empêche nuise pour dormir et s'alimenter. Ce weekend fut le premier grand test vers ce que nous projetons de faire à la fin septembre dans le Maine pour un long parcours. La saison de la randonnée atteindra à ce moment la température idéale pour parcourir les grands espaces naturels du Maine que j'affectionne particulièrement. D'ici là, je prévois de partir quelques semaines sur un road trip à vélo dans les Adirondacks au nord de l'État de New York. Le printemps et l'automne sont les meilleures saisons de l'année pour partir à l'aventure et, je compte bien en profiter. Ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse ? C'est lorsque je suis sans projets que mon corps se pétrifie et que mon esprit s'ankylose. Un passage de quatre heures à l'hôpital aujourd'hui m'a rappelé le temps qu'il nous reste, sans quoi il ne faut pas atteindre à demain pour réaliser ses rêves.

10 août |
Parfois, en discutant avec des inconnus, je suis surpris de constater à quel point certaines de mes idées convergent. Ce n'est pas tant de savoir qui a raison que d'observer l'attitude déployée devant tels ou tels sujets. Je me considère comme étant assez ouvert d'esprit, peu rétrograde mais avec certaines idées qui m'appartiennent, notamment à propos des libertés et de la culture. Je suis atypique, je l'ai toujours été. Un ami me demande si j'ai un déficit d'attention, ce à quoi je lui réponds par la négative. Je n'ai jamais été diagnostiqué pour ce trouble. Mon problème est davantage le fruit de l'anxiété. L'anxiété ouvre la porte aux dépressions et teinte la qualité de la communication. De là à dire qu'un trouble du déficit est une autre histoire. Rien dans la vie n'est soit blanc ou noir. Les nuances et un bon discernement sont de mise pour qui veut s'ouvrir aux autres. Cela ne suffit pas toujours toutefois. Une bonne éducation, du respect, des valeurs et de l'empathie est de mise. Toutefois, tout cela ne peut ne pas suffire aussi, si les autres restent hermétiques et cloisonnés. Je suis un être social et extraverti. Toutefois, si je vois que la communication semble dériver à des portes closes et rétrogrades, je fiche le camp. Il aurait mieux fait dès mon jeune âge d'accepter les controverses. Tout comme au jeune âge, l'abrisseau qui pousse de travers, il est trop tard à mon âge pour tenter de lui mettre un tuteur. Seul l'amour me redresse, à commencer par le mien. Il m'est aussi impossible de vivre sans l'amour des autres, si minime soit-il. À propos des différences, cela m'est complètement égal, d'abord parce que je ne me sens pas jugé. De toute façon, je m'en fiche plutôt dorénavant. Je n'aime pas les phrases toutes faites comme : tu aurais donc dû, c'est la vie, c'est pas comme ça qu'on doit penser, c'est pas normal car tout le monde le fait, dans la vie, bla bla bla, tout le monde le fait, fais-le donc. On raconte dans les nouvelles et j'en passe. Les généralités ne font pas bon ménage avec moi, l'autorité excessive, l'ignorance, le manque de curiosité non plus. Les histoires que l'on me raconte doivent être courtes. S'exprimer avec l'esprit est mieux qu'avec les armes. L'indifférence est le pire des maux, j'en sais quelque chose pour avoir grandi en sa compagnie. Il faut la combattre, lui trouver des alternatives tout en cherchant à comprendre comment nous sommes rendu là. Il ne faut pas se culpabiliser de ne pas avoir pas la force de faire venir à soi les beautés du monde. Si la conversation est trop ardue et apporte trop de divergences, je pars en courant, mon temps étant trop précieux. Je mourrai bourru plutôt que soumis à la bêtise humaine. Il fait chaud, trop chaud, malgré ma visite à la piscine municipale. Des jeunes courent, ils font du jogging. Ils se mettent en forme physiquement mais leur santé mentale me semble suspicieuse dans certains cas. Une compétition excessive n'est pas toujours bonne. Le jogging est aussi devenu une mode. Je déteste les modes et ceux qui font comme tout le monde. On n'a pas le choix, comme on dit. Et c'est lorsqu'on cesse de réfléchir aux raisons qui nous poussent à agir que l'on devient des crétins, des automates. La plupart des gens s'achètent des maisons pour être maîtres chez eux. L'illusion est grande et aversive. Malgré tout mon bavardage caniculaire, la fraîcheur reviendra bien un jour. Je l'anticipe. Je vois mal la vie sur Terre dans une centaine d'années si le climat continue de se réchauffer. Mon esprit sent le réchauffé et mon corps s'atrophie en attente des vents frais. Écrire me permet de me poser dans l'instant présent avec les pensées qui me traversent. Mes pensées se délient et se délectent dans le flux de mon doigt sur l'écran lumineux. Ce médium est devenu une extension de moi-même, une trace de mon passage dans cette hallucinante histoire et qui me concerne à la fois beaucoup et très peu.

7 août |
À chaque jour, je refais mon histoire. Une nouvelle page s'imprime au lever de soleil, qui n'est jamais la même. Il y a un ordre dans le désordre de l'univers. La mutation de toute vie est la règle. Le passage de chaque homme dans le temps est de courte durée. Mon appui dans cette expérience qui est mienne repose en partie sur le fait de raconter, d'écrire mon histoire. La vie est à la fois belle et cruelle. Belle, car nous saisissons sa magnificence, cruelle car une fin est éminente à chaque espèce dont nous-mêmes. Ce n'est pas autant ma finitude qui m'effraie que la douleur et la perte à la fin de chaque chose. Mon logis est éblouissant de lumière. Il est splendide dans chaque élément qui le compose. J'aime le mois d'août et septembre. J'aime le printemps et le début d'hiver. Je déteste le mois de juillet, insolent d'un trop-plein de bruit, de lumière vives et brûlantes. La plus belle expérience en juillet m'est apparue sur la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse où les vents frais de la mer se conjuguent avec la brume et les vagues. De tous mes voyages passés, cet endroit de douce fraîcheur est celui qui m'a le plus enchanté dans ce mois qui semble ne pas bougé. Je me demande toujours que faire en juillet. Peut-être ai-je là ma réponse. En cinq ans, j'ai parcouru, 100,000 kilomètres avec mon campeur d'un océan à l'autre du Canada aux États-Unis. J'ai encore des projets de voyages à l'agenda. Les voyages et le mouvement aura été le centre de mon existence. Je ne me projette pas au-delà d'une année. Il en a toujours été ainsi. J'ai toujours aimé faire des randonnées à vélo, non pas pour le seul plaisir de rouler, mais pour découvrir de nouvelles terres. Je sais qu'un jour au mois de juillet je retournerai en Nouvelle-Écosse. Je sais qu'un jour, je partirai sur la Terre Neuve, province qui m'est inconnue. Mon vélo sera absent à ce moment pourune reposer de lui ayant atteint la plupart des objectifs que je me suis donné. Je sais qu'un jour, je devrai me poser, mais pas m'endormir pour de bon. Ce n'est pas seulement moi qui décide. J'ai horreur des certitudes et de ceux qui croient les posséder. Le vélo est l'une de celles qui m'ont aidé à franchir mon histoire. Elle n'est pas terminée, pas encore, mais rien n'est acquis. La foudre peut me tomber dessus à chaque instant. Je pourrais croire qu'en restant tranquille dans mon logis, je puisse m'exempter de maux. Ce serait une erreur de ma part en vivant dans les regrets. Ce serait amèrement regrettable de ne pas prendre la chance au passage d'accomplir mon destin ou que sais-je. Les voyages ont leurs raisons d'exister et c'est surtout au retour de chacun d'entre eux que la transformation s'effectue. Combien de fois j'ai voulu cette transformation, comme si je n'acceptais pas celui qui je suis. Combien de fois j'ai voulu me fuir dans quelque chose qui n'existe pas. C'est en réalisant ces voyages que je finis par comprendre certains aspects de mon histoire qui n'est pas rectiligne. Je suis tout sauf une ligne droite. Mes plans sont toujours le fruit d'une émotion et non de la raison. C'est fatiguant à la longue les émotions. Encore plus lorsqu'elles ne sont pas exprimées, comprises ou acceptées. La lumière du soleil dans mon logis se reflète dans la couleur jaune des murs. C'est bien ainsi. Août est un mois qui m'apaise. J'aime vivre dans la lenteur lorsque tout le monde est affairé à ses besognes. Les étudiants de retour en classe, les parents de retour au travail, les vacances d'été qui se terminent pour la plupart. J'ai toujours été à contre-courant. Je me repose lorsque tout le monde travaille, l'inverse est aussi vrai. Je ne suis pas à la mode et ne suis jamais démodé. Tout ça n'est que foutaise, comme bien des choses qui font les hommes des esclaves, des ignorants. J'écris ces lignes en attente d'un appel important. Cela m'aide à rompre le flux d'émotions qui me traverse en attente d'un dénouement substantiel. Plus tard dans la journée, une entente est signée en médiation en collaboration avec un avocat des petites créances avec un organisme public gouvernemental. Victoire ! Après une année de revendication, la justice me donne raison et somme l'organisme en question de me dédommager pour préjudice moral. Les gestionnaires ont finalement reconnus leurs erreurs dans le traitement de mon dossier. C'est dans appel et un remboursement ne sera versé dans une semaine après de longues tractations. Ma victoire est autant éclatante que j'ai eu gain de cause auprès du gouvernement, ce qui n'est pas une mince tâche. Rare sont les fois ou le gouvernement reconnait les erreurs commises de leur part. J'ai monter mon dossier avec vigueur avec l'aide d'un ami qui m'est cher. La finale de cette histoire est que j'en ressort us fort et surtout fier de m'être tenu debout devant l'adversité. La lumière continue de jaillir sur la couleur jaune des murs de mon logis. Elle me semble plus éclatante après cet appel. Il existe encore une justice dans ce pays, mais il faut savoir bien se défendre et être patient.

4 août | Maple Grove, Centre du Québec
C'est en pédalant dans les côtes que l'on devient fort. Les trois premières randonnées sont difficiles et ensuite les jambes se musclent considérablement. Sur les terrains plats, c'est pas suffisant pour développer l'appareil cardio-musculaire. Ma randonnée aujourd'hui a débuté à Dixville en pleine montagne. Le circuit fut très agréable et la route peu achalandée. Sur une distance totale de quarante kilomètres, j'ai traversé Coaticook, Barnston et Baldwin Mills. Sur certaines descentes vertigineuses, la vitesse a atteint soixante-dix kilomètres à l'heure. Plutôt euphorisant comme journée, malgré une épaisse fumée des feux de forêts. Coaticook et les environs regorgent de grandes terres agricoles. Décidément, les paysages sont fort différents à l'est du lac Memphrémagog qu'à l'ouest. Sherbrooke est la grande ville des Cantons de l'Est. Autrefois, gisaient un nombre important d'usines de textiles et de chaussures. Au retour de vélo, je pars vers East Hereford aux frontières du Vermont et du New Hampshire. De ce côté, il y a un nombre phénoménal de plantations de sapins qui seront vendus à l'hiver aux États-Unis et précisément au centre-ville de New York. À St-Venant-de-Paquette, un joli petit village haut en couleurs, réside Richard Séguin dans le haut du 9ᵉ rang de terre, lui et sa copine. Il vient d'avoir 73 ans. Sa maison isolée est jolie et modeste. Ce fut et est encore le chanteur-interprète de ma jeunesse. Les routes sont très mauvaises jusqu'à Cookshire. Au lac Aylmer, je bifurque pour aller rejoindre le chemin Gosford ou le chemin des diligences. Les chemins Craig et Gosford furent les deux routes construites au régime anglais dans le but de relier les convois postaux entre Boston et Québec et de développer le territoire de nouveaux colons anglais. Je m'installe pour la nuit derrière l'église protestante de Maple Grove à côté du lac William et de St-Ferdinand-d'Halifax. Le canton d'Halifax fut un pôle important de commerce au régime anglais. Demain, je serai de retour à la maison. Je termine ce périple d'une semaine assez active en ayant atteint tous mes objectifs. À l'odomètre du vélo affiche 225 kilomètres. De ce nombre, plusieurs kilomètres ont été effectués sur des chemins de terre en pleine montagne. Ma conclusion du voyage se résume ainsi. Brome-Missisquoi demeure étrangement un lieu à découvrir pour sa culture anglo-saxonne qui contraste fortement avec le reste de la province. Néanmoins, il n'y a pas de cours d'eau proprice à la baignade. Certains axes sont trop touristiques à mon goût, notamment Sutton, Lac Brome, Bromont, Frelighsburg, Magog. Toutefois, j'ai réussi à découvrir sur ma bécane un grand nombre de chemins de traverse pour faire de cette semaine une réussite. Les Cantons de l'Est est une région à part du reste de la belle province. J'ai revisité un grand nombre de lieux qui, jadis, avaient germé en moi l'aventurier que je suis devenu. Sans le cyclotourisme, ces voyages en vanlife ne seraient pas aussi fascinants. Ce n'est qu'à pied, en canot, en ski ou à vélo que l'on peut se fondre à la nature environnante. Je préfère le vélo car il englobe tout ce que je recherche, l'aventure douce dans une nature habitée. Cette petite semaine n'est qu'une petite mise en jambe de ce qui m'attend à la fin du mois chez mes amis les américains. L'aventure se poursuit.

3 août | Dixville, Cantons de l'Est
Si ce n'était de l'épaisse fumée émanant des feux de forêts de l'ouest canadien, il aurait fait très chaud aujourd'hui. Je pars à Sherbrooke rendre visite à ma sœur Suzanne. Elle habite dans une jolie maison avec son conjoint, Gaétan. Les deux pratiquent le bouddhisme. Elle a une fille Virginie et deux petites-filles âgées de quatorze et seize ans, Marguerite et Lilas. Elles sont sportives à un niveau avancé. Ses parents travaillent en éducation spécialisée auprès des jeunes en difficultés. Jadis, j'avais pour projets de vivre à Sherbrooke ou dans les environs pour différentes raisons. Aujourd'hui, il est bien tard pour y songer et le goût n'y est plus. En quarante ans, les Cantons de l'Est ont bien changé, moi aussi. Mon amour pour le cyclotourisme m'animait à ce point que j'envisageais d'y emménager. Je ne regrette pas mon choix d'être demeuré à Québec pour plusieurs raisons, dont celles d'avoir créer mon entreprise de voyages d'aventures. Aujourd'hui, je ne suis plus le même qu'à mes vingt ans. Après le lunch, je me dirige vers la plage municipale du lac Lyster à Baldwin Mills sur la frontière américaine. Il y a beaucoup trop de monde, je me dirige alors sur Wallace Lake aussi sur la frontière, à l'est de Stanhope. La frontière traverse le lac en deux. La petite plage municipale est vraiment très belle et l'eau est d'une clarté impitoyable. Le lac Wallace ressemble beaucoup à ceux que l'on retrouve aux États-Unis avec les grandes montagnes sauvages en perspective. C'est un secret bien gardé, encore inconnu de la horde de touristes qui prend d'assaut plusieurs sites des Cantons de l'Est. Déjà le lac Lyster n'est plus ce qu'il était, Magog étant tout près. La majeure partie des québécois habite sur une étroite bande de terre de la frontière américaine au sud, à l'Ontario à l'ouest et sur les rives du fleuve St Laurent au nord. À l'est de Québec, c'est le calme trop plat, pour ne pas dire platte pour moi. Après la baignade, je prends la direction de Dixville pour y passer la nuit. Le village est authentiquement anglo-saxon. Situé au sud de Coaticook où se réjouissent les amateurs de crème glacée qui porte le nom de la ville. Jamais je n'ai vu de ma vie autant de monde pour attendre et déguster un cornet. À voir tous ces gens, cornets en la gueule, j'ai envie de vomir. À Dixville, je m'installe pour la nuit au joli parc Cushing du nom de la rivière qui le côtoie. Personne en vue, le site est vraiment très beau et surtout très calme. Je suis émerveillé de ce petit havre de paix qui fourmille d'oiseaux.

2 août | Austin, Cantons de l'Est
J'ai passé une nuit délicieuse sur la rive de la baie Missisquoi. Le vent frais et les vagues m'ont rempli de bonheur, à ce point que j'ai eu du mal à quitter l'endroit. Sur l'autre rive de la baie se retrouve Venise-en-Québec en Montérégie. Quatre immenses campings s'y retrouvent depuis des lustres. Les gens se baignent et pêchent à travers les cyanobactéries, communément appelées les algues vertes. Les autorités le savent bien mais préfèrent se mettre la tête dans le sable que de voir ruiner son économie. Le village est une pure laideur. Je quitte vers St-Armand, à la frontière américaine, pour mon prochain départ à vélo. Je parcours une boucle de cinquante-cinq kilomètres sur un terrain plat. C'est le plus beau parcours des trois réalisés du séjour. Le sud-ouest des Cantons de l'Est est le plus anglo-saxon de tous. Nulle part ailleurs au Québec, j'ai eu cette étrange impression d'être aux États-Unis. Le périmètre le plus dépaysant se situe entre la baie Missisquoi à l'ouest, St Armand, Pigeon Hill, East Stanbridge, Mystic et Bedford. Ducht Road ou la 235 de la frontière à Morse's Line au Vermont jusqu'à Bedford est tout à fait unique et remarquable. L'expérience cyclotouristique y est formidable dans ce périmètre et a beaucoup à offrir pour ceux qui détestent les attrapes touristes. Il y a beaucoup de cyclistes dans le secteur, et avec raison. Les routes sont d'un calme étonnant et les paysages magnifiques. Au retour, je pars avec le campeur, direction Abercorn. De cet endroit, la route est l'une des plus belles du Québec le long de la rivière Missisquoi à l'ombre du mont Sutton. Le camping du Diable Vert est fort probablement l'un des plus beaux du Québec. Le site est perché sur une montagne derrière la Réserve Naturelle des Montagnes Vertes. De la route, la vue sur les Green Mountains du Vermont est spectaculaire. Je poursuis vers Vale Perkins où se retrouve une jetée pour bateaux au lac Memphrémagog. À côté, une jolie plage se pointe au meilleur moment pour me rafraîchir et surtout ne laver. Dans Brome-Missisquoi, la faiblesse de la région réside dans le manque de cours d'eau pour se rafraîchir. Après cette délicieuse baignade dans les eaux chaudes du lac, j'arpente la rive du lac Memphrémagog pour me trouver un beau spot. Grâce à mon flair inébranlable, je trouve un petit chemin menant à une belle clairière en forêt. Je suis à Austin, à côté de l'abbaye St-Benoit-sur-le-Lac. Deux vieilles chaises en bois et un rond pour le feu feront de moi un homme heureux.

1er août | Phillipsburg, Baie Missisquoi, Cantons de l'Est
Trente ans après l'indépendance des États-Unis auprès de l'Angleterre, ceux qui voulaient immigrer au nord de la frontière se voyaient attribuer des terres par les britanniques au Canada. Les premiers colons américains arrivèrent vers 1776, ils se nommèrent les loyalistes, qui étaient loyaux à la reine d'Angleterre. Quatre-vingt-treize cantons font partie du territoire depuis lors. Tous les cantons possèdent des noms anglais en référence à l'Angleterre. Dunham fut le premier. Les Cantons de l'Est se développèrent grâce au soutien de la Nouvelle-Angleterre. Ce n'est que vers 1840 que les canadiens français s'installèrent dans les Cantons grâce au soutien du clergé, afin de désenclaver les seigneuries. L'école où j'ai passé la nuit à Dunham fut la première institution à offrir des classes pour les femmes au Canada. La mère de Pierre Elliott Trudeau y a séjourné. Je débute ma randonnée à vélo sur la magnifique route des vins. De nombreux domaines viticoles ont pignon sur rue partout entre les lacs Champlain et Memphrémagog. De nombreux européens s'y sont installés pour développer la vigne. Je parcours au total soixante-quinze kilomètres à travers une campagne généreuse sur de jolies routes sinueuses. Je prends une pause sur les rives de la rivière Yamaska à la hauteur de Brigham. Le village à la limite nord des Cantons de l'Est est fort joli. Ensuite, je poursuis vers le sud à travers les champs. Aucune circulation automobile de ce côté. Où je retrouve des grands arbres, il y a des anglais. Où je m'émerveille devant tant de beautés, il y a des anglais. Les anglais ont une personnalité et un savoir-faire bien différents des nôtres. Je sais reconnaître, en voyant une maison, si ce sont des anglais qui l'habitent. Je m'arrête à East Stanbridge, charmant village sur le bord de la rivière des brochets. Devant le vieux moulin, le décor est sublime. C'est dans les Cantons de l'Est que j'ai fait mes premières armes à vélo, il y a fort longtemps. Depuis, il y a bien de l'eau qui a coulé sous les ponts. Ce petit séjour me fait remonter dans le temps. La population grimpe dans la région en partie grâce au télétravail. Je poursuis sur Ridge Road, qui est absolument magnifique jusqu'à Pigeon Hill. Le vignoble Ridge est vraiment très beau et surtout populaire à voir tous les assoiffés en vacance. Une longue ascension vers les cimes de Frelighsburg m'attend. Il me reste à faire la section de Frelighsburg jusqu'à Dunham. Je m'achète une glace devant le garage. Ça y est, le temps de manger ma délice qu'une camionnette m'amène moi et mon vélo vers Dunham, mon point de départ. Ce tronçon était de trop. Je m'achète quelques bières sans alcool en me dirigeant pour la nuit à Phillipsburg à la frontière américaine sur la rive de la baie Missisquoi. L'eau de la baie est stagnante et la baignade n'est pas propice. Il y a quelques stationnements en retrait du village. Des pêcheurs bangladais se pointent sous le magnifique coucher de soleil. Tout est parfait. Aucun autre endroit ne m'enchanterait de la sorte ce soir. Je m'invite autour du grand feu sur la plage. Le bonheur, il est au-delà des mots, devant ces journées magiques. J'ai toujours pensé qu'un voyage est une oeuvre d'art. Le mois d'août est rempli de promesses.

31 juillet | Dunham, Brome Missisquoi, Cantons de l'Est
Quel bonheur que de dormir enfin sous la fraîcheur et de pédaler dans les cantons de Stanstead et Ogden. Je me suis levé tard. Après un copieux déjeuner, je vais me stationné en face d'une belle grande maison victorienne. Je discute avec Josh, le fils de la propriétaire à qui appartient cette jolie demeure et qui provient de Cambridge près de Boston, à un jet de pierre de l'université Harvard au Massachusetts. Les cantons de Stanstead et d'Ogden regroupent un grand nombre d'américains aisés voulant investir dans l'immobilier dans la région et particulièrement à Stanstead et sur la rive Est du lac Memphrémagog. Beebee Plain fait partie de l'agglomération de Stanstead dans le canton du même nom. Je demande à Josh, qui est très gentil en passant, des informations sur le relief et les points intéressants pour le vélo. La rue principale de Beebee de nomme Canusa, contraction de Canada et USA. Je débute ma randonnée à vélo le long de la frontière américaine vers Stanstead. Cette ville est très jolie avec son caractère typiquement anglo-saxon. Plusieurs bâtiments témoignent d'un riche passé issu de l'extraction du granit. Le théâtre-opéra Haskell est situé en plein coeur de la frontière afin de permettre aux deux cultures de se fréquenté. Le magnifique Stanstead College offrait des cours de responsabilité civique au XXème siècle. Depuis quelques années, ce collège privé s'est détaché du financement auprès du gouvernement du Québec afin d'être libre de ses actions. Plusieurs belles et anciennes demeures sillonnent la rue Dufferin de la ville, dont le musée Colby-Curtis. Je poursuis le reste du parcours sur des chemins de terre à vélo sur une distance totale de soixante cinq kilomètres. Le relief est accidenté et le paysage magnifique. Je roule le long de la frontière sur des routes désertes jusqu'au lac Lyster, face au mont Pinnacle. Je m'arrête pour luncher à la plage de Baldwin Mills en face du lac. Il y a trois monts Pinnacle en Estrie, le premier près de Sutton et le second à Danville. Au sud de Magog jusqu'à la frontière américaine et à l'est du lac Memphrémagog, les Cantons de Stanstead et d'Ogden regorgent de paysages pittoresques qui font le charme des Cantons de l'Est. Cette région ne fait pas partie des grands axes touristiques de l'Estrie et c'est pour cette raison qu'elle me plaît. Plus tard, je prends la direction de Ways Mills. Ce village est l'un des plus beaux secrets de la région. Les routes y sont un pur délice pour mouliner. Plus loin, un rang indique un cul-de-sac alors que sur la carte rien ne le mentionne. Je réussis à traverser un grand territoire privé sur un chemin hasardeux qui m'amène près de l'autoroute. Ce long détour plus loin, cette fois-ci, m'amène à un réel cul-de-sac. Au bout du chemin, un jeune homme sur son tracteur m'indique une piste à suivre à travers les hautes herbes et des champs de luzerne. À deux reprises, je dois sauter par dessus des clôtures avec le vélo sous la main. Plus loin, je retrouve le chemin de terre tout en côtes en direction de la vallée de la rivière Tomifobia. Jadis, cette vallée verdoyante était le lieu où un chemin de fer sillonnait la ville de Lenoxville à Newport au Vermont. À la rupture du lien ferroviaire vers 1990, les municipalités ont entrepris d'y construire une piste cyclable au départ d'Ayers Clift au lac Massawippi vers Newport au Vermont à l'extrémité sud du lac Memphrémagog. Cette piste cyclable est l'une des plus belles de la province. Je termine cette magnifique boucle à vélo des deux cantons avec une grande satisfaction. Il y a longtemps que je voulais arpenté cette région à vélo. Je suis étonné de constater que ma forme est au rendez-vous. Je prends la route au retour avec le campeur en direction de Dunham sur la rive ouest du lac Memphrémagog sur Brome Missisquoi. Magog, Bromont et le lac Brome sont sur ma route. Ces trois villes touristiques ne méritent aucunement mon attention. Dans mon jargon, ce sont des attrapes touristes et ils sont nombreux à se faire prendre. Tant mieux pour moi, ils me laissent le champ libre vers les destinations qui m'interpelle. Brome Missisquoi est la région la plus anglo-saxonne du Québec avec l'ouest de Montréal. À Dunham, je trouve un petit boisé pour la nuit en face d'un vieux couvent fort éloquent de charme qui a pour mission de venir en aide aux enfants dans le besoin. Aucune indication ne mentionne que cet emplacement soit interdit pour passer la nuit. Demain, je serai au point de départ pour ma seconde randonnée à vélo.

30 juillet | Memorial Park, Beebee Plain, Cantons de l'Est
Après une douche rafraîchissante et un copieux déjeuner, je quitte la vieille capitale en direction des Cantons de l'Est. Comme toujours, mon vélo m'accompagne. Une batterie neuve et une bougie d'allumage ont été installées sur Béa, mon campeur avant le départ. Près de Victoriaville, un virulent déluge s'est abattu pendant près d'une heure. Je traverse Magog. La ville est trop commerciale, trop artificielle à mon goût. Son emplacement sur la rive du lac Memphrémagog et le parc du mont Orford est splendide, sauf qu'il y a trop de touristes, trop de promoteurs, trop de glamour. La ville n'a plus le charme de son passé. Les gens aisés de la métropole ont assiégé ce coin de pays désormais. J'arpente le long du lac Memphrémagog vers le sud, tentant désespérément de trouver une ouverture sur le lac qui franchi le Québec et le Vermont au États-Unis. Peine perdue, tout est privé. Je bifurque sur un chemin de terre à Georgesville vers Beebee Plain à la frontière du Vermont. Je m'installe pour la nuit au Memorial Park de Beebee. L'endroit est désert et chaleureux. Beebee Plain sera mon point de départ pour ma première randonnée à vélo en Estrie. Un gentilhomme vient me causer à ce point que je dois lui dire que je m'apprête à souper. Il est né dans ce village. Il me raconte à quel point tout a changé depuis que les promoteurs viennent hausser le coût des propriétés. C'est la dernière journée d'une longue séquence de canicule. Déjà un mois a passé depuis mon dernier voyage à vélo aux États-Unis. Je me sens légèrement rouillé. C'est toujours comme ça au mois de juillet sous les grandes chaleurs. Demain, je roulerai lentement à vélo sur une bonne partie de la journée.

28 juillet |
On naît et on meurt frêle. Le temps ne s'arrête jamais. Les projets, les amours, toujours le travail. Travail sur soi, travail pour accumuler des biens, des provisions, de l'argent. Lorsque ma conscience s'élève un brin, assis tranquille, je regarde le parcours, les impulsions, l'agitation. Une petite voix tente de me rassurer, de laisser tomber cette frénésie que sont les illusions, les rumeurs, les affres de la pensée. Respirer, réfléchir, surtout écrire. La dérive est si près parfois, si intense, si douloureuse. Les arbres plantés récemment à mes fenêtres grandissent à vue d'œil. Les oiseaux et les abeilles sont de retour sous la canopée à mes fenêtres. Le bonheur est pourtant si près. La vie a voulu que je sois seul malgré mes intentions contraires. Cesser de lutter contre le destin est ma priorité. Rien n'est perdu, rien n'est acquis. Ne plus avoir ni regrets ni culpabilité. Rien ne sert de courir, de s'apitoyer ou de gémir si je suis devenu libre. Un seul mot : se connaître. Différent, je le suis, pour des raisons que j'éviterai d'énumérer. Nous sommes tous différents, à part ceux qui sont conformes aux règles abrutissantes existantes. Ils se soumettent soit par amour, par ambition, par ignorance, par envie ou par détresse. Il en faut des codes de conduite pour vivre ensemble. Je n'applique que mes propres codes sans être un despote. J'ai en horreur les codes de conduite, le conformiste sans toutefois négliger le respect d'autrui. Ne me bousculez pas, je réagis avec vigueur. Je n'ai jamais été un mouton et ne le serai jamais. Méfiant de nature, je ne laisse pas entrer n'importe qui dans ma sphère. Blessé dans ma plus tendre enfance, j'ai appris à agir que sous ma gouverne et qui ne s'appliquent pas aux petits moutons qui m'entourent. Ce que je déteste le plus, c'est l'ignorance. J'ai appris à la dure par mes propres expériences. Je prends du caractère en vieillissant comme le bon vin. Parfois des lueurs d'espoir se dressent devant moi comme les voiles d'un grand bateau soufflé par le vent. Je me suis tant laissé guider par les vents contraires que j'en ressors meurtri, mais joyeux. La vie est belle et cruelle comme cet étrange paradoxe de toujours faire des choix, de lutter ou d'esquiver, de mentir ou de fuir, de tout étreindre ou de tout abandonner.

25 juillet |
L'humus humain régénère la vie, capable d'aller chercher au fond de soi la confiance, les forces et du sens. Les bouillons de culture sont propres au plan collectif. Le bombardement médiatique ne me révèle pas être sain pour l'esprit des hommes. Le siècle dernier a négligé les valeurs de durée, de mémoire, de continuité, de résilience, de persévérance, de conscience historique. Il a surtout développé des valeurs de progrès, d'action, de libertés de changement, de la pensée, de l'autodétermination. Au fil des siècles, a toujours existé la continuité, les lignes de transmission du savoir, les traditions, la mémoire. Ce n'est que tout récemment qu'il y a rupture. Notre passé est révolu et enfoui loin de la mémoire. L'avenir a des perspectives qu'à très courts termes. Notre histoire intérieure se rétrécie dans une pléiade de gestes anodins basés sur l'action et le moment présent. Il n'y a pas de continuité, pas de distance acceptable avec le présent immédiat. L'aide médicale à mourir, en forte demande au Québec, est-elle la réaction devant son propre désespoir, sa propre inutilité ? La perte de sens rend la vie inacceptable. Là aussi les lignes de transmission se rompent. Comme je disais précédemment, c'est au Québec que cette demande est la plus forte au monde. Je crois que ce sont nos valeurs qui déterminent ce fait. Vieillir exige la reconnaissance, la continuité, en rompant avec l'action immodérée de l'instant présent. Vieillir, c'est de saisir et se remémorer son histoire intérieure pour ne pas oublier qui l'on est, d'où l'on vient. La mémoire collective au Québec est devenu une attraction lucrative et banale. La mémoire collective est devenue un divertissement commercial. La rupture est profonde et plus près que l'on croit. Être un vieillard aujourd'hui est contre productif, surtout si les revenus sont minces. Il y a une époque, des contrées où les vieillards étaient vénéré par le savoir qu'ils avaient acquis au fil des années. Je ne me sens pas de mon époque, je suis d'ailleurs d'un autre temps. Je suis une île au milieu d'un océan. À quoi sert un GPS, si la boussole intérieure fait défaut.

24 juillet |
La valeur la plus prisée de la société est le conformisme. Ce le fut et le sera toujours. Rien en dehors de toi-même ne peux apporter la paix, disait Ralph Waldo Emerson. Il existe des lieux dont l'énergie est douce. Il existe des lieux et des gens qui font interférence à notre santé psychique. Une forte énergie mentale déployée empêche l'organisme de maintenir des valeurs acceptables. Mes mots ont moins d'emprise depuis quelques temps. J'ai beau les rechercher, ils ont perdu leur sens. Passage à vide en milieu d'été, les promesses du printemps ont disparu, laissant place à l'agitation, telle une souris dans sa cage. Porter mon regard en moi-même, respirer, mettre l'emphase sur le calme, les couleurs. Laisser dissoudre les pensées qui s'accrochent au superflu, à ce qui n'existe plus. Reprendre contact avec l'essentiel. J'ai toujours ressenti l'urgence de vivre, de bouger. Il vient un temps où il faut mettre un frein temporairement à ses impulsions, à ses agitations. Je dois apprendre à observer cette lueur qui, de l'intérieur, traverse mon esprit comme un éclair. Ceux qui jugent que mes états d'âme ne sont pas importants, qu'ils aillent se faire foutre. Au garage ce matin, j'attends assis à côté d'un jeune berbère marocain. Il habite depuis quatre ans à Québec avec sa conjointe. Sans enfants, ils travaillent en informatique. Tout comme moi, il est d'avis que la ville est hermétique. Son mince réseau se retrouve à son travail. On discute de son pays magnifique que j'ai visité à deux reprises. Les prochains grands changements sociaux au Québec viendront de l'immigration. Que les plus forts l'emportent ; en ce sens, leurs forces et leurs nombres sont substantiels. Il faut avoir une grande confiance en soi pour se résigner à rester debout malgré l'adversité. Le monde actuel est en perdition, les guerres, les politiques, les changements climatiques, les enjeux sociaux et économiques font partis des aléas du quotidien. En écrivant sur le blogue et en attendant que mon véhicule sorte du garage, je suis attablé à un restaurant de chaînes communes. De grosses personnes défilent devant moi qui ne semblent pas de soucier de leur santé. Dans tous les fast-food, ces gens patrouillent. Le laxisme omniprésent est partout et demain sera toujours pareil. Le conformisme aura raison de nous. Ceux qui détiennent le pouvoir le savent très bien. Ils savent qu'ils ne doivent rien changer afin de conserver leurs postes. Le bonheur est dans le pré comme dit le slogan. Le bonheur est surtout en soi et dans ceux qui se libèrent de leurs chaînes. Est-ce encore possible ? Le mouvement de la vie me suis intraitable, inlassable. M'adapter ou périr sont les seuls choix. Un articlede la presse indique que c'est au Québec que l'aide médicale à mourir est le plus en vogue au monde. Il y a-t-il lieu de s'interroger ? Comment interpréter ce fait ?

19 juillet |
Bien des fugues valent la peine. J'en sais quelque chose. J'ai peu de choses à raconter depuis mon retour de voyage. Quelques marches quotidiennes, le cinéma et une routine cruellement redoutable. Ça prend des intérêts, des passions pour meubler une vie. Apprendre en est une. Je comprends les pilotes d'avion qui savent saisir le monde tout en haut du ciel. Ça prend du recul pour comprendre les hommes. Ils passent leur temps à se raconter des histoires sordides, à écouter le téléjournal, à déterminer ce qui est bien ou mal sans vraiment savoir de quoi ils parlent. Je vis dans cette ville sans avoir toujours l'impression de l'habiter. Mon esprit est toujours ailleurs à me raconter des histoires. Je trouve étrange ceux qui n'ont pas de difficultés à se faire des amis, un réseau de contacts. Cela m'a toujours apparu impossible. Un ami me dit que c'est l'énergie que l'on dégage qui fait toute la différence. Je n'ai jamais rien compris à tout cela. Peu de gens dans la rue me renvoient mes sourires. Ils ne sont pas intéressés ou ils ne me voient tout simplement pas. J'ai toujours eu les yeux tout le tour de la tête. Je n'y peux rien. Rien ne m'échappe. Les femmes que je croise ont toujours l'air d'avoir peur ou d'être embarrassées devant un inconnu. Au contraire, pour ma part, j'aime discuter avec les inconnus, d'abord que les conversations ne soient pas superficielles. Je trouve les québécois affreusement hermétiques, principalement à Québec. Plusieurs ont peur de l'intimité, comme s'ils allaient perdre quelque chose. Pour ma part, je gagne à m'ouvrir aux autres, pourvu que l'ignorance et la stupidité ne soient pas au rendez-vous. J'ai toujours été hypersensible. Je me heurte facilement aux moindres contrariétés. Mes rencontres les plus authentiques sont avec les gens venus d'ailleurs, soit d'une autre ville ou d'un autre pays. Le Québec que je préfère est celui où les anglais ont vécu ou vivent encore. C'est le cas dans Brome-Missisquoi où j'irai séjourner bientôt. C'est dans cette région bordée par les États-Unis que la faune et la flore sont les plus diversifiées. C'est dans cette région que la douceur du paysage abonde généreusement. Plusieurs européens s'y sont établis en grand nombre, voyant en ces lieux une terre généreuse de promesses et de prédilection. J'ai plusieurs pistes à découvrir de ce côté à vélo. Les Cantons-de-l'Est sont la région du Québec avec le Centre du Québec qui m'inspirent le plus. Elles sont synonymes pour moi de décloisonnement et de possibilités harmonieuses. Ici, je parle de ce canton majoritairement anglo-saxon, Brome Missisquoi. J'ai failli tout quitter à Québec pour aller y vivre. J'ai refusé de le faire car, quelques mois avant de quitter ma ville natale, j'ai créé mon emploi que je n'ai pas pu délaisser pour l'inconnu. Je ne l'ai jamais regretté ou presque. La plus grande constatation que j'éprouve au retour de chez les anglais est à quel point nous, les gentils canadiens français de souche, sommes pressés en bougeant sans cesse par rapport à eux. Tout me semble affreusement anarchique dans nos façons de faire à tous les niveaux. On dit que c'est notre côté latin. J'en doute. J'ai tellement des questions à explorer, à développer sur ce sujet que j'envisage peut-être de suivre des cours sur l'histoire des États-Unis à l'université. Rien n'est sûr les cartons, mais ma curiosité est grande envers nos voisins qui possèdent de nombreuses qualités que je peine à observer de ce côté. Il est des fois où j'ai honte de ma nationalité, de ce que nous sommes devenus, de notre culture. En ces termes, je parle seulement de la ville de Québec et non pas en région où la vie est différente à bien des égards. À cela ne tienne, je devrai m'y faire en tentant de regarder ce qui va au lieu du contraire car c'est ici que j'habite. Mon bonheur dépend de la façon que je perçois les choses. L'indifférence, l'anonymat, la vitesse à laquelle les gens vivent sont les principales caractéristiques que je dénote auprès de mes concitoyens. Ces impressions puisent bien au-delà de la réalité, j'en conviens. Toutefois, peu d'efforts sont créés pour établir des liens durables, sauf auprès des femmes entre elles. Ceci étant dit, je voyage pour bien saisir la nature de mes propos. C'est en voyageant et en portant un regard vif sur le monde et les différences que je me permets de comparer les cultures ambiantes. C'est en comparant que l'on saisi la nature des choses et des gens. La nature humaine est à la fois si complexe que je n'aurai pas d'une vie entière pour tout saisir. Ce qu'il reste en réalité ne sont que quelques fragrances, nos pas qui n'ont de cesse de faire des allers-retours et les visages qui ne sont plus jamais les mêmes au lever du soleil.
18 juillet |
Le parc des Champs-de-Bataille est une oasis de paix, de fraîcheur et de beauté. Sans lui à mes côtés, je serais bien malheureux. La ville, depuis près d'un mois, est horriblement envahie de gens, de bruits et d'odeurs de monoxyde de carbone. La vie normale reprend après la forte canicule de la dernière semaine. À la piscine municipale, j'ai fait la rencontre insoupçonnée de Jean et Carole. Les piscines publiques sont de bons endroits pour faire ce genre de rencontres. Les gens sont libérés de toute tâches en s'accordant du temps pour discuter librement. Rares sont les fois, c'est le moins que je puisse dire, d'avoir l'occasion de rencontrer des personnages hors du commun comme ceux-ci. Jean a la nationalité québécoise et suisse. Le couple habite Sion dans le Valais, une magnifique vallée francophone au cœur de la Suisse. Ils sont ici pour rendre visite à leurs parents. Jean et moi avons eu le même mentor, Louis, dans nos plus belles années. Louis habite Sainte-Brigitte-de-Laval dans une vaste maison. Il fut pour moi, ainsi qu'à mon nouveau couple d'amis, l'image même de l'intrépide aventurier. C'est un raconteur enthousiaste qui n'a de cesse d'étonner ceux qui l'écoutent. Jean et Carole l'ont accompagné dans ses nombreuses aventures dans les montagnes du Québec. Pendant plusieurs heures, Jean et moi avons échangé sur les passions qui nous habitent, c'est-à-dire l'aventure, les randonnées et les chemins de travers. Volubile, il laisse place à son interlocuteur. Il est enthousiaste et sympathique, ce qui fait de lui un être profondément attachant. Nous nous sommes accordés immédiatement sur les sujets qui retiennent notre attention, les voyages et la culture. Depuis la retraite, je ne fais que très rarement ce genre de rencontres. Nous nous sommes entendus d'aller au restaurant tous les quatre dans les prochaines semaines. Chez moi, j'ai en ma possession le livre détaillé que Louis a écrit, le sentier des Jésuites, qui raconte l'histoire de ce sentier mythique dans la présente réserve faunique des Laurentides. Jadis, les amérindiens et, plus tard, les premiers français arpentèrent ce sentier qui reliait le lac Beauport au lac Saint-Jean. Pour ce faire, Louis a entrepris il y a longtemps le même parcours que ses prédécesseurs, en ski de fond le long de la rivière Métabetchouan. Louis m'a fait littéralement rêver avec ses connaissances exceptionnelles sur l'histoire du Québec et son territoire. Il a œuvré sa vie entière sur le terrain, accumulant des archives et des informations pertinentes sur le passage des anciens. La géomorphologie en lien avec l'occupation du territoire est un domaine qu'il maîtrise parfaitement. Durant ses dernières années de vie professionnelle, je le retrouvais dans son lieu de travail, le midi près d'ici, consultant ensemble avec enthousiasme des cartes topographiques pour me faire découvrir un monde que je ne soupçonnais pas. Louis a créé, et ce, bien avant que j'en crée un moi-même, son propre club de plein air du nom de Club Quatre Saisons. Monsieur Fardoche était son surnom pour sa passion pour les randonnées hors pistes ou hors sentiers précisément. Je raconte tout cela en jugeant approprié de noter par écrit les rencontres importantes qui ont fait celui que je suis devenu. Les rencontres que l'on fait dans nos existences sont très révélatrices, et encore plus qu'on ne le pense. Alphonse de Lamartine a dit qu'un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Les rencontres fortuites deviennent ce que j'appelle le vacarme des possibilités. Demain, je retournerai à la piscine.

14 juillet |
Il fait chaud, trop chaud. Je suis allé me baigner avec une amie dans une cascade d'eau pure et fraîche dans les montagnes. Quelques kilomètres de marche suffisent pour atteindre la rivière Sault-à-la-Puce de Château Richer. L'endroit, une pure merveille est peu accessible. Il n'y a que ça à faire pour moi lors des canicules qui perdurent. Les actualités m'épuisent. J'évite. Le climatiseur fonctionne à fond de train. Juillet et le début d'août ne sont pas les moments de l'année où mon biorythme est à son meilleur. Il en a toujours été ainsi. Je ne reçois plus de courrier ou très rarement. Les téléphones se font rares. Si ce n'étaient que quelques amis, je serais presque absent, oublié, inexistant du monde. J'ai projet de faire du bénévolat cet automne, si l'occasion se présente. L'embellissement de la ville par les espaces verts est le champ d'intérêt dans lequel j'aimerais m'impliquer. Protéger l'environnement par des actions concrètes me tient à cœur. Un autre sujet qui m'interpelle est la mise en place de moyens pour rompre l'isolement. Innover en ce sens, interagir, intervenir. Le monde actuel n'est plus celui d'hier et ne sera pas celui de demain. Trop m'activer ne me sert plus à rien, sauf en voyage où mes sens deviennent hyperéveillés. J'y reviens toujours épuisé. Mon enthousiasme, lorsqu'il se manifeste, soutenu, m'épuise. Je suis un être étrange, je l'ai toujours été. Toutefois, étrange est bien relatif. En ce sens, le monde est étrange. Ce sentiment à fait de moi un être qui se crée constamment. J'ai toujours possédé des cartes routières, topographiques, des guides de voyages. Je ne peux pas me passer d'eux. Je les ai toujours consultés, au plus loin que je me souvienne. Sans eux, je serais dans les eaux dormantes, somnolent, indifférent. Les projets nous tiennent en alerte, éveillé, émerveillé. Chaque nouveau projet ou départ est une promesse que le meilleur est à venir. La retraite est à la fois belle et ingrate. Belle, car on devient libre, si la santé le permet. Ingrate, car une partie de ce que nous avons été, tombe dans l'oubli. Nous ne sommes plus les travailleurs actifs de jadis, les réformateurs ou décideurs. Nous ne sommes plus les acteurs des grands projets économiques. Malgré tout, la vie continue avec ou sans nous. Nous qui croyons être irremplaçable, la réalité est difficile à accepter. Ne demeurent que les liens qui nous unissent et qui, sans eux, font que le bonheur ne serait pas le même. Le bonheur n'existe que lorsqu'il est partagé. Malgré la fatigue, la lassitude, mon devoir est de continuer, toujours et toujours d'avancer et de créer. Il y a peu de répit même pour les hommes libres.

12 juillet |
Il y a beaucoup de gens qui passent sous mes fenêtres. Je suis retourné au gym aujourd'hui après six semaines d'absence. Martin est l'une des personnes avec qui je cause à cet endroit. Les autres sont trop affairés à lever les haltères ou à regarder leurs téléphones. Martin a pris sa retraite à 55 ans. Son écoute est exemplaire. Il occupait un poste important aux finances à Ottawa. Sa carrière, il l'a passée assise. Durant ses vacances, il a fait de nombreux voyages d'aventure à travers le monde avec des agences spécialisées. On a des choses en commun, de plus il est sans enfants, tout comme moi. Les québécois aiment se plaindre et critiquer, me dit-il en ayant vécu au Québec et en Ontario. Peut-être cela lui a revenu en m'écoutant. Aucune fois dans mon voyage aux États-Unis, je n'ai constaté cette caractéristique qui nous est propre. Je ne fais pas bande à part malheureusement. Les anglophones sont atrocement positifs. À leur contact, cela m'influence. C'est l'une de ces raisons qui me donne le goût d'y retourner. Éric, un entrepreneur bouquinier de mon quartier, aime parler aux passants. J'ai beaucoup de respect pour les entrepreneurs, d'autant qu'ils ne tentent pas de profiter des clients. Mutuellement on se fait des éloges. Cela me surprend. On discute quelques temps sans qu'il veuille me vendre quoi que ce soit. Au contact des gens et des livres, il s'enrichit considérablement. Il me demande ce que l'on pourrait faire pour changer la culture ambiante, trop indifférente à mon goût. Je suggère de saluer les gens, de sourire. Je viens de lire un article sur l'implantation de bancs publics dédiés aux conversations entre inconnus. L'idée ne provient pas d'ici. Ce projet nait d'un besoin criant. La culture d'une société n'est pas l'addition d'activités et de tâches à effectuer. Ce n'est pas leurs sommes qui compte, mais leur qualité. Le plus grand bien que l'on puisse avoir se retrouve dans les liens qui nous unissent les uns aux autres. Peut-être il y a-t-il trop de gens qui passent à mes fenêtres. On effectue régulièrement des sondages sur le bonheur en lien avec les lieux que nous habitons. Les petites municipalités gagnent la palme. Ça ne m'étonne pas à voir tous les passants anonymes qui passent à ma fenêtre. Lorsque les gens critiquent, c'est qu'en partie, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Il y a aussi ceux qui gagnent leur vie en chialant. Il y a ceux qui ont besoin d'attirer l'attention sur eux-mêmes. Martin et moi aurons certainement beaucoup d'autres choses à nous raconter. Nous aurons réussi, dans quelques échanges, à briser l'indifférence de ceux qui fréquentent les lieux. Les visages seraient beaucoup plus sereins si les gens avaient des choses à se raconter au lieu de voir défiler les actualités sur leurs téléphones. Le spectacle est triste à voir, me disait une Dominicaine au large sourire, le printemps dernier. Elle n'a pas renouvelé son abonnement, ne ressentant pas la joie et le désir de partage à l'intérieur de ce centre de santé physique. Le festival d'été tire à sa fin. Le mien aura été celui du repos et de Netflix.

6 juillet |
J'ai l'impression de revenir de très loin. Je fus vraiment impressionné de m'être projeté au temps de la glorieuse époque de la villégiature juive des Catskills. Hier soir, j'ai visionné de nombreuses vidéos, me replongeant dans un monde qui n'existe plus. De 1920 à 1970, les hôtels de Borscht Belt dans l'état de New York ont accueilli des millions de juifs en vacances. C'était en même temps que la Floride prenait en hiver son envolée touristique. Dans les années 70, avec l'arrivée des charters, des complexes touristiques et des destinations en vogue dans le monde, des croisières à rabais, les touristes de New York ont délaissé les Catskills et les grands hôtels qui ont marqués l'histoire. Tous ces villages où abritaient ces hôtels en réalité, étaient de grandes et joyeuses communautés qui ont transcendé le XXème siècle. Les hôtels firent faillite et tombèrent en ruines. J'ai retracé cette étonnante histoire, investiguant sur place les dernières pierres et des témoignages. Hélas, il ne reste que des débris et quelques hôtels en ruines qui servent de camps d'été aux juifs orthodoxes. Cette communauté est forte bien organisée. J'ai le vague à l'âme au retour. À titre de statistiques, depuis juillet 2020, j'ai parcouru avec Béa, mon campeur 64,150 kilomètres sur 517 jours investiguant des régions inédites qui m'ont toujours tenues à cœur. Malgré la nostalgie, j'ai réalisé des rêves qui m'ont toujours porté. Le confort n'était pas toujours au rendez-vous, mais les images fortes resteront. Au retour, je romps avec une voisine avec qui j'ai des différends. Ce n'est pas la première fois. Maintenant ce sera la dernière. C'est pas facile de bien vieillir pour plusieurs raisons. La solitude, l'isolement pour certains, les problèmes de santé, la perte de stimulation et d'intérêts devant des choses qui auparavant nous faisaient frémir, les regrets, la culpabilité. Les retours de voyage sont pénibles, mais ils me permettent de mieux voir ce que je quitte. Ils me permettent au retour de faire des choix plus éclairés pour la suite. Il est préférable de laisser couler le bois mort dans le courant de la rivière. S'y attarder avec vigueur m'entraîne dans un gouffre qui ne m'est pas destiné. Il faut mieux poindre mon regard vers d'autres horizons avec dignité et respect pour soi-même que de se morfondre dans un puit sans fond. Je n'aime pas me justifier devant chaque chose, chaque mot, chaque événement. La vie passe rapidement, cela ne vaut pas la peine de s'attarder à des pacotilles. Ma copine et moi avons fait la crémaillère dans son nouveau et lumineux logement. C'est une femme rayonnante et admirable qui sait me tirer vers le haut et voir le meilleur en moi. J'ai tourné une page sur mon passé, malgré le fait qu'il m'habite encore sans que je puisse l'empêcher de se manifester. En vieillissant, le regard que je porte sur le monde se transforme. Le regard des autres à mon attention, s'il y a lieu, se transforment aussi. Au retour de ce voyage intense et profondément enrichissant, je me questionne sur mes motivations et projets futurs. Je compte repeindre mon appartement avec des couleurs plus claires, plus apaisantes. Wabi-Sabi est le terme associé à cette mouvance venue du Japon. C'est une raison de m'adapter et renaître dans de nouvelles vibrations plus près de ma personnalité. C'est une raison pour rompre avec celui que j'ai été dans un nouveau départ. Je dors beaucoup depuis une semaine. Je dois accepter que le monde sous mes pieds soit bien tranquille. Je n'aime pas lorsque ma vie est trop tranquille. C'est un passage obligé pour renaître en quelque sorte. Ma copine et moi nous nous ressemblons à bien des égards. Elle est mon alter ego, un ange dont j'ai l'impression qu'elle veille sur moi. La chaleur est accablante dans mon logis. Les paysages ont cessé de défiler. L'excitation et l'enthousiasme du voyage de la vie nomade laissent place à la somnolence, à la lourdeur de la routine et du quotidien. Il me restera des souvenirs pour me raconter que j'ai vécu intensément cette saison qui ne reviendra plus. La nostalgie me guette assurément. À ce moment, j'irai me mettre la tête dans l'eau froide et attendrai sagement que la douleur passe.

2 juillet |
J'ai toujours trouvé les retours de voyage pénibles. Les derniers jours de voyage, j'ai cessé de faire mon budget, je mange au restaurant, envoie mon argent en l'air et cesser de me discipliner. C'est comme si je compensais pour un manque, comme si je perdais le contrôle de moi-même, si je puis dire. Ou bien c'est l'énergie qui n'est plus au rendez-vous. Je deviens alors anxieux et fatigué. Pour compenser, je fais des trucs étranges, comme m'envoyer une alimentation trop riche dans le ventre. Quatre semaines en solitaire, c'est légèrement trop, surtout si, comme j'ai fait, je passe quelques jours à New York sous la canicule. Je n'aime pas les grandes chaleurs humides. Je n'aime pas le soleil de juillet et du début août. La lumière est âpre, pas assez subtile. Au retour, je ne retrouve, jamais celui que j'ai été. Toutefois revenir dans les mêmes lieux m'oblige à répéter les mêmes gestes, la même rengaine. La routine revient rapidement après les courses et les mises à jour d'après-voyage. La vie coûte extrêmement chère. Les prix n'arrêtent jamais de grimper. Les salaires ne suivent pas les dépenses relatives au coût de la vie et je parle pas des pensions de vieux. On aime tous être en contrôle de nos vies. Les imprévus sont inévitables. Cela ne fait que vingt-quatre heures que je suis de retour et déjà écrire me manque. Sans ce moyen d'expression, je rate quelque chose. L'absence de mots provoque en moi un vide douloureux. Écrire me permet de faire le point de cette journée qui ne reviendra plus et qui, sans que je la note dans mon journal, ne serait pas la même. Écrire ma journée permet de ne pas l'oublier ou qu'elle tombe dans l'indifférence la plus totale. Continuer d'écrire me permet d'éviter de rompre mon rythme, de ne pas revenir en arrière, de ne plus retrouver celui que j'ai laissé. Écrire me permet d'élargir mes horizons en abattant les cloisons de mon logis. De telles expériences que je viens de vivre pendant un mois laissent des séquelles profondes. Elles sont positives malgré la fatigue qui stagne. Le monde est rempli de représentations et d'illusions. Ce qu'il reste au retour, ce sont les repères et les quelques amis que l'on retrouve. La vie n'est que mouvement. Comment ferais-je pour être immobile sans rien écrire et penser ? Je suis du genre à toujours me poser des questions existentielles. Je suis toujours du genre à m'interroger sur le sens de ma vie et sur celui des hommes en général. Les prochaines semaines deviendront un devoir pour moi de me reposer et de réfléchir sur les raisons qui me poussent à vivre ainsi. Plus j'avance en âge et plus il m'est difficile de me projeter dans l'avenir. Je n'aime pas les tâches en suspens. Je suis proactif, du genre anxieux. Je n'y peux rien. C'est mon corps qui m'oblige à freiner, sinon je traverserai sans cesse le mur du son. J'ai toujours aimé explorer, voir le monde, comme on dit. Curieux de nature, il m'est difficile de rester immobile trop longtemps. J'ai l'impression de procrastiner, de perdre mon temps. Avec le temps, je comprends que les pauses sont nécessaires. C'est à ce moment que mon journal prend toute son importance. Rn écrivant je ne suis pas immobile.