28 février |
Que les hommes aillent sur Mars ou sur la Lune est une complète aberration. Ce serait une inconsciente régression de plusieurs milliers d'années pour la race humaine. À part quelques poussières de roches, aucune vie n'existe. C'est le grand vide absolu pour nous, les humains. Cela va à l'encontre de l'évolution des hommes. Qui aurait-il donc à faire là-bas qui pourrait nous apprendre sur nous-mêmes à part de démontrer une fois de plus nos futilités ? Inutile et absurde serait d'investir dans ces projets farfelus où il y a tant affaire sur notre vivante planète et qui pourtant, demande toute notre attention. Sur cette terre qui nous portent comme une martyre, beaucoup de gens souffrent, plusieurs en silence. Ils acceptent la souffrance parce qu'ils ne sont pas capables de la transcender. Les gens s'identifient à la souffrance en perdant une partie de leur liberté et les moyens pour l'acquérir. Être libre dérange la société, car elle a besoin des gens qui s'oublient et se perdent. Être libre pour la société, c'est s'engager envers elle et à ses guerres stériles au détriment de soi-même. Certaines croyances affaiblissent nos libertés. Deux souffrances existent : la longue, insidieuse et tranquille qui s'accroche longtemps, rendant l'homme inconscient de lui-même, et puis, la souffrance courte et intense qui demeure passagère. Je parle ici de toutes les souffrances possibles d'ordre émotionnel, psychologique, moral et existentiel. Il n'a que les lourdes souffrances physiques qui handicapent la liberté d'action et de dignité. Ça prend du courage et de la volonté pour transcender la souffrance, ce que les religions ne permettent pas. La souffrance est tellement présente qu'elle se banalise. Autant se taire et endurer, diront certains. La religion permet de se soustraire à la souffrance qu'en la présence de Dieu, et la mort sa délivrance, car nous rejoindrons Dieu au paradis si nous lui avons été fidèle. C'est pour ces raisons comme celles-ci que je préfère la philosophie aux religions. Cesser de souffrir exige de la reconnaître et de l'accepter. Ce n'est qu'en diminuant ma souffrance que je peux ressentir la paix et l'amour qui me porte. La véritable liberté est la plus belle chose que je puisse m'offrir. Au début, il y a eu un travail, une carrière, une profession qui m'ont libéré et qui, plus tard, m'a enfermé dans un univers clos et limitatif que j'ai moi-même créé. J'avais tissé ma propre toile inconsciemment dans une prédominante avidité. Dans une étrange motivation de dépassement et de reconnaissance, j'avais oublié les raisons premières de cet engagement initial. Et puis, il y a eu les conseils non sollicités et les critiques acerbes qui ont brimé mon ardeur, ma fraîcheur, ma liberté. J'étais en train d'apprendre à la dure, ce qui ne devrait pas être nécessaire dans un monde juste et équitable. D'une part, j'acquérais liberté et pouvoir ; d'une autre part, mon égo devenait démesuré et cinglant de prétention. Je tentais éperdument de me figer dans le temps et j'ai compris, plus tard, que la vie est changement et mouvement. Ce qui un jour va mal, ira mieux demain paraît vraisemblable jusqu'au jour où demain se distança considérablement au point de devoir rompre avec la main qui me nourrissait. Ma souffrance provenait du fait que je voulais faire comme Sisyphe qui avait été puni par les dieux pour avoir tenté d'enfermer la mort dans un placard. Depuis que j'ai largué les amarres de ce navire que fut ce travail et cette obsession que j'avais obnubilé délibérément, je vois le monde sous un regard, dégagé, raffermi. Cette grande part de liberté retrouvée, je peux faire quelques pas à la rencontre de l'autre sous une approche différente en décelant de nouvelles voies que je croyais obstruées à jamais. Je m'étais tellement abrité dans un rôle, que je ne voyais qu'une infime partie de l'homme qui a peur devant sa propre nudité. À propos des wokes... Ceux qui se regroupent sous cette appellation se donnent un ascendant moral injustifié en alimentant l'intolérance à l'égard d'opinions différentes, portant atteinte à la liberté d'expression notamment via la cancel culture. Ceci est une attitude misérable qui provient de l'individualisme et de la peur incontrôlée qu'exercent, à tort, autrui dans leurs différences et leurs divergences d'opinion. C'est un réflexe inconscient d'insécurité généralisée devant un tas de phénomènes qui n'existent que tout récemment, notamment devant ceux des grands flux migratoires que connaissent les sociétés actuelles et de se qui est étranger à nos yeux et nos oreilles. C'est une contraction de nos valeurs devenant largement plus conservatrices. Toutefois, nous ne sommes pas encore rendus aux extrêmes, du moins de notre côté. Un pastiche est une imitation du style d'un auteur ou artiste, mais qui ne vise pas le plagiat. Le pastiche est à différencier de la parodie ou de la caricature, bien que ce mot puisse être employé comme un synonyme de parodie. Le pastiche remplit plusieurs fonctions : mémoire, dérision, hommage plus ou moins respectueux, voire un pur exercice de style. Le pastiche est un style qui me plaît d'adopter en littérature. Depuis quelque temps, je découvre un style littéraire qui m'est propre, c'est-à-dire l'essai philosophique et le journal intime parsemé de récits autobiographiques et de voyages d'aventures. L'aventure a, depuis ma venue au monde, fait partie incessante de mon existence. Ma vie fut une putain d'aventure qui me plaît à raconter sous différentes formes littéraires et qui, avec un léger recul, devient une source intarissable d'inspiration. J'ai aussi développé une méthode de travail, d'étude, d'observation à l'intérieur d'une routine rigoureuse en vérifiant le contenu de chaque chose devant lesquelle je me sens concerné. Aujourd'hui, je n'entrevois plus ma vie de la même façon et sous différentes perspectives avec beaucoup plus de nuances et de relief. Je réussi à laisser des espaces vides dans mon récit où je peux prendre mon souffle. Tout est tellement relatif. Il n'y a jamais de vérités absolues et surtout pas dans les multiples tentatives d'illusions qui se déploient sans cesse devant moi. Il n'y a que mon propre amour qui dure et me sauvera. Une chose est certaine, c'est que tout est incertain. Il y a de ceux qui croient qu'on leur porte ombrage. Il y a les petites personnes dans leurs indifférences mesquines. Il y a ceux qui prétendent que je suis paresseux car leurs motivations sont autres. Il y a ceux qui jugent et d'autres qui sont jugés. On dit que l'oisiveté engendre l'ennui. C'est parce que tout le monde travaille comme des forcenés que nous manquons de compagnie. Si, au contraire, nous étions tous oisifs, nous n'éprouverions nulle lassitude, car nous nous divertirions les uns les autres. C'est chose amère, comme mentionne Robert Louis Stevenson dans l'apologie des oisifs, que d'avoir peiné à gravir des pentes ardues, pour découvrir en définitive que l'humanité est indifférente à ma réussite. Je me borne à croire que si un homme n'apprend pas dans la rue, c'est qu'il n'a aucune faculté d'apprentissage. En ce sens, j'ai réussi à compenser la rigidité des sièges d'écoles par le travail dans la rue et dans les bois. Je tente de démontrer que mon cheminement s'est fait à la dure et à l'inverse du troupeau en m'appropriant de sages études à la retraite. En réalité, la retraite n'existe pas tant que l'esprit se meut et que les genoux ne fléchissent pas. La véritable éducation, c'est apprendre à voir les choses sous un jour nouveau. J'ai longtemps préféré les chemins de montagnes délicieuses, que plutôt faire comme tous ces gens, en pataugeant dans la même soupe édulcorée et insipide.
26 février |
Je ne reconnais plus le monde où je vis depuis la pandémie, il y a une profonde rupture avec la civilité et les traditions qui pourtant, ont façonné notre identité. Quelle est cette nouvelle identité qui nous est proposée ? Celle d'une application auto-programmée qui consiste à faire de nous des automates vivant à l'ombre de soi-même. Les gens deviennent blasés, car ils ne sont plus capables de comprendre que les liens qui nous unissent sont plus forts que tout et qu'un homme seul est un homme mort. Autour de moi, je ne vois que des gens connectés, mais aucunement reliés. Voici le déroulement d'un atelier d'écriture qui m'a été proposé dans laquelle je viens de participer: N'oubliez pas vos écouteurs pour ne pas être distrait par les gens autour de vous en évitant de leur parler. Quittez sans dire un mot et si vous ne revenez pas, on s'en fiche. On n'est pas là pour créer des liens, ni pour discuter. On se rencontre en groupe pour être seul, face à son portable en attendant la notification nous indiquant de déguerpir rapidement. En fait, on ne sait pas trop pourquoi on assiste à ces ateliers, si ce n'est que pour avoir l'impression d'être en groupe alors que nous sommes désespérément seuls et désunis.
Qu'est-ce qui remplit une identité à part le travail dans la vie des hommes ? Aujourd'hui, c'est mon anniversaire. De vieilles connaissances s'en souviennent, quel soulagement de savoir qu'une partie de moi existe encore. Quelques bons repas, des sushis, des bisous qui me rappellent qu'il fait bon vivre malgré le fait que je me dessèche lentement. Je prends des nouvelles initiatives sans cesse pour tenter de croire encore que je vis parmi les humains ou à ce qu'ils ressemblent. En écrivant ces lignes, un musicien joue les meilleures chansons folk qu'il me puisse entendre à l'intérieur d'un café que j'affectionne. Des écrivains amateurs s'installent tout autour de la grande table où je suis assis. On se présente. Nous sommes une dizaine avec des parcours différents. L'ambiance est bonne, les gens semblent motivés. Qu'il est étrange de me retrouver ainsi dans cette atmosphère du bout de l'Amérique profonde et ce, à quelques rues de chez moi. Je suis souvent parti très loin, ne sachant pas que je pouvais voyager dans ma propre cour. Mon amie est ma source de joie et de fraîcheur qui, sans elle, je serais trop sérieux, trop rigide. Elle m'apaise tendrement de ses mots doux, de son regard joyeux. C'est en vieillissant que l'équilibre se manifeste, devenant ma meilleure amie, elle aussi. Depuis quatre ans, j'ai changé. Assis à cette table ce soir avec ces écrivains sincères, du moins en apparence, j'ai l'impression de faire un tout avec le monde. Quel magnifique hasard ces mélodies qui me traversent en même temps que j'esquisse des phrases existentielles. J'ai l'impression d'avoir vécu ce moment dans une autre vie, dans une vie qui est passée trop vite sans savoir pourquoi, sans savoir comment. Curieusement, le café porte le nom de quoi. Le jeune propriétaire au visage blême et fragile est un personnage hors du commun par son humilité. Jeune entrepreneur humaniste et visionnaire, je reconnais ma jeunesse en lui pour les vérités qu'il crois détenir. Ses études bibliques démontrent une personnalité distincte du reste du troupeau. C'est un mover and shaker, comme disent les américains. Malgré ce qui se passe au sud de la frontière, j'aime les américains, pas tous évidemment, mais la plupart, car tout y est plus lent qu'ici, malgré les apparences. Se rassembler autour de cette table avec cette bande de troubadours amorphes, hors du monde virtuel, démontre la volonté de se vivre autrement dans un cadre créatif, peu importe les cultures, les motivations. Durant un court instant, nous devenons tous pareils, mais toujours identiques. Le dénominateur commun de ces profanes littéraires est de désirer devenir profondément humain ou de vouloir le devenir. Cette démonstration indique qu'il est possible de rompre avec l'isolement et l'indifférence d'une société malmenée par tant de divisions et de somnolence. Franchement, j'ai passé l'un des plus beaux anniversaires car, mes gestes coïncident avec ce que je suis, un rêveur, un homme libre et un artiste de l'esprit. Pour mon anniversaire, j'ai acheté du thé vert, m'affirmant un doigté plus vif sur le clavier. Une amie vient de m'écrire qu'être heureux simplement de faire partie du monde des vivants est le summum du bonheur. Le cœur se délie et la joie resplendit spontanément dans l'unité retrouvée. Je crois que vieillir n'est pas si terrible ce soir, il faudrait bien que je célèbre mon anniversaire plus souvent.
25 février |
Un jour, j'ai découvert qu'il y avait des bureaux pour travailler et que c'était à périr d'ennui. Toute ma vie, j'ai refusé d'entrer dans quelque chose qui m'aurait rendu fou. Il faudra bien qu'à un moment donné, je me fasse confiance en récitant mes propres histoires et troquer les mots d'usage qui me lient pour un peu d'existence. Qu'il est difficile, après certaines lectures, de retrouver les mots qui m'appartiennent. Ma première note, en naissant, était sombre et amère. Ce chant fut peu mélodieux à mes oreilles, encore moins élogieux pour me faire une place au soleil. Un jour, j'ai découvert que je pouvais écrire dans la lumière de la lampe. Depuis, je n'ai cessé de scribouiller des étincelles. On aurait dit qu'à ce moment-là, j'ai mis au monde des paroles inédites et prospères. Enfant, esseulé, des chants mélodieux sortaient du vieux radio, m'accompagnant du noir jusqu'à l'aube. Plus tard, ces étranges émanations sonores me sont apparues, malaisantes et révoltées dans l'absence de naître. Il était trop tôt pour détenir ce long silence. J'ai compris qu'en écrivant, c'était le seul moment où le temps s'arrête. Depuis, je n'ai cessé d'extirper cette peur qui s'est trop longtemps attardée. En remuant les mots, j'arrive à me convaincre que j'existe. Mes souvenirs s'enfuient inlassablement à une vitesse folle. Devrais-je m'en soucier ou me blâmer ? La question qui me vient est : qu'est-ce que j'ai donc fait de tout ce temps ? Quelqu'un a dû abdiquer pour mettre cet enfant au monde ? Depuis, j'ai dû renaître depuis un millier de fois et mourir tout autant de fois. Qu'est-ce qui a fait que je n'ai pas cédé, je me le demande encore ? La renaissance s'appuie sur l'espoir que tout n'est pas perdu et que la patience est un allié sincère. Le silence m'a épargné tant de voix maussades et moribondes. Je reconnais dans la nature, ce livre qui s'ouvre en permanence dont le vent tourne les pages. Marcher dans la nature, c'est comme se trouver dans une immense bibliothèque où chaque livre ne contiendrait que des phrases essentielles. Depuis, ce sont ces mots atrophiés et pourtant essentiels qui me servent d'appui pour continuer de vaincre et de marcher.
23 février |
Quand on regarde l’actualité, crises, guerres, climat qui part en vrille, comment ne pas se laisser abattre, et puis ça sert à quoi ? Camus disait qu’il fallait se révolter, vivre et créer malgré tout. Plutôt que de broyer du noir, autant transformer ce pessimisme en moteur pour agir. Voir le pire, d’accord, mais en faire quelque chose, c’est encore mieux. Suis-je plutôt du genre à subir ou à me battre ? Beckett disait à la fin de sa vie que l'amitié est un artifice social, comme le capitonnage d'un fauteuil. L'art est l'apothéose de la solitude. La pulsion artistique ne va pas dans le sens d'une expansion, mais d'une contraction. Beckett choisit la déformation, c'est-à-dire l'art. Nous avons été créés par les mots qui ne viennent pas de nous. Tout geste tendu vers l'extérieur et destiné à unifier est inutile. Mais nous devons continuer, dans le vain espoir de transgresser notre propre moi, qui, de manière croissante, dépérit. L'attente et l'ennui sont liés. Très tôt, ils sont venus à moi, ne me reconnaissant pas dans leurs absences. Je vis dans les mots, à travers des mots, créés par des mots, les mots des autres et de soi jusqu'à ce que les mots se taisent. Cependant, je ne me tairai jamais, même s'il n'y a plus d'auditoires. Qui dit vie humaine dit obligatoirement absence de sens. Les mots sont porteurs de sens, peu importe les interlocuteurs. Mes attentes furent à ce point insoutenables qu'elles m'ont façonné étranger à moi-même. Je n'ai jamais pu m'échapper du désir d'un moment à venir, telle fut la source de ma douleur. On peut, dans la solitude, se reposer en soi-même au lieu de se reposer sur des choses et des hommes dont le mouvement est si rapide qu'ils ne cessent de nous glisser entre les mains. La conscience invite à réfléchir sur la vie que je mène. Dans notre époque où l'efficacité est érigée en valeur, je voudrais bien que tout soit érigé en un temps record, mais ce type de réflexion qui touche au plus profond de mon être requiert précisément du temps. Au lieu de prendre mon temps, j'ai souvent choisi de le gaspiller. Mes plaisirs ont-ils une valeur au-delà du temps qu'ils furent ? Renoncer à la douleur reviendrait à me déshumaniser. Une juxtaposition d'expériences isolées sans aucune profondeur est tout simplement insuffisante. Je dois prendre le temps de vivre l'ennui, parce qu'en lui résonne l'écho de la promesse d'une vie meilleure. Pour accéder au bonheur, je dois renoncer à exercer une quelconque influence sur le monde. L'important est de vivre avec les problèmes et non pas pour eux. Les cures pour remédier à l'ennui doivent être entreprises pour elles-mêmes et ne méritent pas d'être réduites à un moyen d'échapper à l'ennui. C'est une chose d'accepter le destin, s'en est une autre de l'aimer, disait Nietzsche. Je viens de terminer deux volumes très laborieux sur un thème sérieux : l'ennui, qui converge dans une multitude de données qui caractérisent mon évolution. J'éprouve beaucoup de gratitude et de respect envers les écrivains et les philosophes qui prennent le temps de me partager leurs formidables expériences de vie, sans lesquelles bien des questions seraient sans réponses et qu'il n'y aurait même pas lieu de discuter. Il est de ces chapitres, comme celui-ci, qui ne laissent peu de place devant d'aussi grandes révélations exprimées dans un langage éblouissant. Comme mes muscles deviennent puissants à l'exercice, ma conscience se développe à côtoyer les grands esprits. Peut-être irais-je jusqu'à l'éblouissement total et aux solutions miracles, j'en doute. Peu importe la destination, c'est la route que j'entreprends qui prend tout son sens. Quand je suis né, on m'a proposé le menu du monde, et il n'y avait rien de comestible. Mais quand l'autre est vraiment avec moi, je peux manger des cuillerées de lumière. J'ai toujours ressenti l'étonnement et la lassitude d'être au monde.
22 février |
J'ai passé trente ans dans une entreprise de services dans laquelle j'ai entretenu des relations intenses et dévouées. Il ne suffit que de quelques jours de chômage forcé causé par la pandémie pour que je disparaisse des esprits. Depuis, je bois à la coupe de la misanthropie, car, après six mois d'isolement involontaire qui suivirent, j'en suis venu à détester mes semblables. Le réseau que j'avais constitué sur plusieurs décennies s'est effondré comme un misérable château de cartes. Ce réseau, en réalité, était un labyrinthe désert. Quel étrange songe, quelle étrange aventure que la vie auprès de ses semblables. Amères illusions. Le côté positif dans tout cela fut que j'ai agi selon mes principes, mes valeurs et mes intérêts avec une prodigieuse autonomie et qui, sans cela, je ne serais pas celui que je suis devenu aujourd'hui. Voilà en partie ce qu'offre le travail : une expérience et un salaire, c'est tout et bien assez avec le recul exercé. Depuis, j'ai entrepris de la philo-thérapie, qui fonctionne bien mieux que toutes les psychothérapies réunies. J'ai toujours cru que les psychologues étaient plus tarés que la plupart de leurs clients. Tout me renvoie à l'individu isolé que je crois être devenu. Moi qui croyais avoir obtenu une nouvelle famille à l'intérieur du travail que j'avais créée, ma peine fut de constater que je n'étais qu'un pur produit de consommation que l'on jette après usage. Depuis, je connais l'autosuffisance et je n'adhère plus ni à cette vie passée ni aux représentations qu'elles avaient générées. Elle n'a pas plus de consistance aujourd'hui qu'un sac de plastique qui flotte dans la rue au gré des vents. C'est donc quand je ne suis plus rien que je deviens un homme, constate Œdipe. Le trait le plus manifeste de la modernité est que l'homme endosse le rôle autrefois dévolu à Dieu. Dans la modernité, la liberté subjective est séparée de la raison générale, ce qui conduit à un pur individualisme qui s'exprime dans l'hédonisme et le matérialisme. Cette époque est traversée par un grand vide qui ne s'amenuise pas. Pour le contrecarrer systématiquement, les gens fuient dans le divertissement pour la grande majorité ou le mysticisme. La liberté est une bonne chose, mais il faut savoir quoi en faire pour l'apprécier. Ceux qui ne l'ont jamais possédé auront le vertige à ses côtés. La liberté est un concept d'apparence abstraite pour ceux qui ne l'ont jamais véritablement côtoyée. Elle peut paraître impossible ou insensée laissant des séquelles aux gens peu habitués à elle. Encore faut-il savoir de quoi l'on parle avec la liberté. L'autonomie radicale d'un homme ne débouche que sur l'ennui. Son égocentrisme ne connait pas de limites en le noyant dans l'introspection la plus totale qui l'isole davantage, croyant à tort qu'il devient autonome. Ludwig Tieck, dans William Lovell, dit que longtemps il s'est efforcé de faire de l'étranger, du lointain, ma propriété, et dans cet effort je me suis perdu moi-même. Comme est vraie cette phrase qui me révèle à moi-même. La soif d'aventures du héros dans lequel je me suis identifié si longtemps est une réaction esthétique à la monotonie du monde, ou plutôt, à celle que j'ai connue. Ma soif de liberté m'a poussé dans une transgression des limites qui auraient pu m'être tragique à maintes reprises. Ce n'est pas de l'adversité dont j'ai survécu, mais de moi-même. Pourtant, l'existence ne serait-elle pas un cocktail auquel nous serions tous invités ? L'individualité a pris la place de l'universalité. L'humanité n'est pas prête pour une joyeuse communauté, car l'unité s'est éparpillée en une multitude d'intérêts égoïstes et particuliers. Il ne s'agit pourtant pas de revenir en arrière dans la foi chrétienne, mais de mieux saisir le monde qui s'effrite dans lequel nous évoluons, afin d'y tenter, d'y apporter quelques corrections. Sans cette unité, il sera impossible de changer le cours des choses et d'envisager des jours heureux. Nous sommes tellement épris de fiction que la réalité nous échappe. Devant un obsédant sentiment de vacuité, les gens se vouent à tous les extrêmes. Ceci est vrai dans toutes les sphères de la vie moderne. On le voit un peu partout : dans un monde de vacuité, l'extrémisme devient séduisant pour contrer l'ennui mortifère. Je crois qu'en vieillissant, on devient de plus en plus stoïcien et qu'avec les passions qui s'estompent, la sagesse augmente. La répétition sert à m'échapper de l'ennui, à le transgresser.
21 février |
Les stoïciens, contrairement aux épicuriens dont ils sont les redoutables adversaires, croient au destin. La sagesse consiste donc à accepter la place qui nous est donnée dans l'univers, à vivre en harmonie avec la nature en prenant soin de son corps et de son âme par la pratique de la vertu et le rejet des passions. Elle a pour but ultime la recherche de la sagesse morale et considère que la seule source du bonheur est la vertu, et non le plaisir. Boèce, Sénèque, Marc Aurèle, Épictète furent d'éminents exemples de philosophes stoïciens. Les voies de la résurrection philosophique m'ont littéralement submergées pour ne faire qu'un avec mon être. Comment occuper le temps qui me sépare du coucher de soleil ? J'aime les gens ironiques car j'en possèdent les caractéristiques. Feindre l'ignorance me met en relation avec l'esprit socratique. Depuis la retraite et reconnaissant le vide installé autour et en moi, Socrate m'enseigne. Je n'ai plus de travail, mais je suis encore quelque chose. Je ne dois pas adhérer à l'événement qui me supprime, car je suis plus qu'un événement. M'être réfléchi dans l'angoisse me permet lentement de progresser vers l'écriture adoptant un langage qui m'est propre. Je sais que si je devais écrire pour autrui ou dans quelques travaux que ce soient, je pourrais immédiatement devenir incommodé par le devoir de me soumettre à une responsabilité et une tâche. Jean Louis Cianni raconte, dans la philosophie comme remède au chômage, la façon dont il a survécu au vide existentiel. Cet ouvrage me confirme être sur la bonne voie afin d'évoluer substantiellement. Depuis, j'ai un horaire régulier et structuré en développant l'entreprise de me mettre au monde par la philosophie et la littérature. Je m'emploie en quelque sorte de reprendre contact avec moi-même et aux valeurs qui me portent. La philosophie requiert du temps pour l'assimiler et s'y soumettre. La vie active n'offre pas suffisamment de temps pour la mettre au monde en soi. Méditer provient du latin qui signifie s'exercer à… Mes méditations me poussent à écrire substantiellement en comparaison avec les années précédentes. La philosophie se présente lorsque les réponses existentielles font défaut et que le vide s'installe. Je prends conscience ces temps-ci de l'évolution des hommes, de mon évolution. Il aura fallu des milliers d'années d'évolution aux hommes pour être parvenus à ce qu'ils sont devenu aujourd'hui. La somme de l'évolution qui nous traverse se distingue que très lentement à l'image de montagnes russes. J'ai souvent commis l'erreur de vouloir obtenir des résultats instantanés, bien souvent par sentiment d'urgence. Les hommes évoluent tous à différents degrés selon les circonstances et le terreau qui les ont vu naître et se développer. La vie se manifeste par un jeu d'essais et d'erreurs, d'où les hasards prédisposent les configurations de nos existences. Le monde tel que nous le connaissons est celui des atomes en mouvement perpétuel. En ce sens, la vie évolue, même si nous cessons d'y croire. Les hommes ne sont que poussières et la vie nous surpassera sous des apparences diverses et infinies. Nos actions et notre pouvoir sont limités dans un monde en permanente évolution. Le philosophe prend ses distances à l'égard des évènements, cela me console de l'apprendre. Je repense au temps où je faisais parvenir des dizaines de curriculum vitæ, résidu imbuvable où se fait la carrière et les courses dans une civilisation de jeux de cirque, l'économie libérale en possédant les remparts. Le facteur humain n'est qu'une pure distraction dans les marchés de l'économie, il est un objet de convoitise pour engendrer du capital, rien que cela. Une amie qui vient de solliciter un logis dans une coopérative d'habitation vient de voir rejetée sa demande auprès du comité de sélection. Il me semble aberrant et immoral que des subventions soient accordées à un groupe de citoyens visant à juger celui ou celle qui a raison d'exister dans son droit fondamental de se loger. Il me semble que tous devraient avoir leur place au soleil sans être sélectionnés pour différentes raisons préjudiciables. Mes lectures me réconfortent de ces événements courants et tolérés par un trop grand nombre d'individus. Il est de ceux dans les sociétés qui ont le pouvoir de juger à tort de ce qui est bien ou mal en lien avec des raisons existentielles. Pourquoi devrait-on mettre des enfants au monde afin qu'ils subissent le prix des injustices et de l'indifférence ? Est-ce là la loi du plus fort qui détermine les vainqueurs des vaincus ? Jean Louis Cianni dit qu'il faut une force de colosse et un feu intérieur de maître spirituel pour résister au découragement, à la culpabilité et à l'exclusion. Pas étonnant que plusieurs lâchent prise et quittent pour la rue, la délinquance ou la mort. Diogène a dit que la philosophie permettait de vivre avec soi-même, ce que j'approuve et éprouve indiscutablement. Je n'adhère pas qu'à une seule doctrine philosophique, mais à toutes sur différents sujets qui les attisent. Il est étonnant de constater à quel point les costumes deviennent superflus à la retraite. De simples tissus, parfois les mêmes, suffisent pour passer une bonne ou une mauvaise journée. Je n'y vois plus aucune différence, car l'habillement représente un rôle qui ne s'adapte plus à mon quotidien à part de me vêtir simplement, correctement. Qu'est-ce qui rempli une identité à part le travail dans la vie des hommes ? Qu'à peu de choses. Durant des années, mon image s'était déposée dans un rôle, une fonction. Le sevrage est long. Depuis, mes rêves du jour et de la nuit ne sont plus pareils, même éveillé.
20 février |
Lorsque le monde devient ennuyeux, j'ai besoin de prendre des risques et des chocs. Les choses deviennent ennuyeuses lorsqu'elles sont transparentes. Une grande part de l'ennui est due à la répétition, l'ennui ne demandant qu'à être soulagé par des sensations neuves. C'est pour cette raison que j'ai tant voyagé et gravi des sommets. La question que je me pose est comment me libérer fondamentalement d'un monde ennuyeux auquel je suis bien forcée d'appartenir ? Schopenhauer décrit cet ennui comme une quête épuisante. Je me suis souvent demandé si je me retrouve dans un état d'ennui ou si je commence à m'ennuyer parce que le monde est ennuyeux. Et si l'ennui était un état qui reflète une pauvreté de vécu, dit Lars Svendsen. Un trop plein d'événements peut avoir le même effet qu'un manque de distractions. Chose étrange, sur la route, j'ai ressenti l'ennui du geste de découvrir par habitude. Comment est-ce possible de se lasser de tant de beautés et de libertés comme quoi la vie de l'homme est rempli de contradictions et d'absurdités ? Comme il est étrange comment tout devient interchangeable aujourd'hui, même chez les hommes et ces soldats qui partent en guerre. La mode nous insuffle toujours plus de nouveautés, sinon l'ennui se faire ressentir incessamment. Certains, qui comme moi, ne se sentent jamais à la mode sans pour autant se sentir démodé. Il est intéressant de noter Pascal, premier grand théoricien de l'ennui racontant que le divertissement pourrait presque sembler préférable à la misère de la vie. Pour aller plus loin dans cette réflexion, je dirais que vouloir échapper à l'ennui par les distractions revient à vouloir échapper à la réalité. Je préfère enlacer mon ennui plutôt que de le fuir, car elle m'offre une meilleure connaissance de moi-même. L'homme cultivé est poussé à l'ennui par sa quête effrénée de plaisirs toujours nouveaux. Je ne suis pas apte à définir mon niveau de culture, mais je conviens avoir d'étonnantes curiosités envers elle. Lorsque mon ennui est trop grand, je ressens une profonde vacuité et un dégoût envers ma propre existence. Est-ce que la vie a un contenu hors du travail ? C'est une bonne question qui me fait réfléchir. Mais en effet, que signifie le véritable travail si ce n'est pas de se mettre au monde ? Je pourrais associer le travail avec mes études philosophiques et littéraires. Être payé pour un travail n'équivaut pas à le rendre plus attrayant, si la satisfaction du devoir accompli n'est pas au rendez-vous. Beaucoup de gens travaillent pour des raisons pécuniaires ou d'ennui. Le travail désintéressé offre le même résultat, sauf qu'il ne se fait pas au détriment d'autrui dans de curieuses malversations inéquitables. Ceci est un grand sujet qui n'a pas de place actuellement dans le monde actuel car il est contre productif. Lorsque la vie arrive à son terme, il y a lieu de se demander : qu'ai-je fait de ma vie et a-t-elle eu un sens ? La mort semble plus effrayante à ceux qui n'ont pas vécu. Moins les sujets vivent intensément, plus brutale, plus effrayante sera la mort. Je laisse en moi germer ces profondes réflexions en lien avec l'ennui me réjouissant profondément des éclairs de lucidité qu'elles me procurent. Tellement de réponses me parviennent à la lumière du jour qu'il me semble pouvoir m'envoler dans une délicieuse allégresse. Kierkegaard disait que le sentiment d'ennui est constitutif de l'homme raffiné. Ceux qui s'ennuient sont le tas, la plèbe, l'infinie masse de gens en général ; ceux qui s'ennuient eux-mêmes sont les élus, la noblesse. Ce qui vient d'être cité par le philosophe provient d'un autre temps, comme dit le dicton ; autre époque, autres mœurs. Depuis, la classe moyenne est apparue radicalement au fil du temps pour laisser place à des problèmes et des solutions différentes à l'intérieur de contextes hautement plus variés et complexes. L'idée de Dieu simplifiait la vie des mortels. Toutefois, les hommes se ressemblent à bien des égards au fil du temps, toutefois ce sont les moyens pour atteindre le bonheur qui diffèrent. L'ennui suppose un temps d'autoréflexion, de contemplation de sa propre situation au monde, ce qui réclame du temps, et ce temps, à l'époque de Kierkegaard, n'était pas offert à la multitude. C'est à ce moment que le discernement et la connaissance entre en matière pour bien saisir les mots employés, de façon à ne pas être induit en erreur. La souffrance est une condition fondamentale de la vie, l'ennui en fait partie aussi, car elle suppose une souffrance. La quête de la vie est tendue vers l'existence, mais lorsque celle-ci ne fait plus problème, la vie ne sait plus que faire et succombe à l'ennui. La misère est le lot de la masse et l'ennui est pour ceux qui ont trop de temps libre. L'homme a du désir, et le but de ce désir sont la nature, la société ou l'imagination qui le donnent. Si les buts ne sont pas atteints, il en résulte la souffrance ; s'ils sont atteints, il en résulte l'ennui. Par manque de satisfaction dans le monde réel, l'homme se crée dans le monde imaginaire avec autant de tentatives pour échapper à l'ennui. Là est la base de toute activité artistique comme celles que j'ai choisies sous l'apparence de mots et d'images. Nietzsche a dit que l'ennui est le calme plat qui précède la croisière heureuse, les vents joyeux. Je crois que les esprits créatifs supportent l'ennui et que les pauvres d'esprit la subissent et la fuient. La civilisation technologique provoque l'ennui en s'installant sans cesse dans des connexions futiles et peu durables. Peu de répit est offert aux usagers virtuels. Je suis bouche bée devant toutes ces lectures philosophiques tentant de révéler les mystères qui nous habitent. Si je possède cette faculté de réfléchir, autant l'utiliser à bon escient en m'évitant de dépérir hâtivement et de tourner en rond.
Le plaisir est autant revendiqué qu'il est insatisfait. Je retrouve un désir de l'expérience et de l'autonomie dans la littérature. J'ai développé un rapport avec cette chose qui m'éloigne de l'ennui, ce qui n'a pas toujours été ainsi. Sans cette marque d'intérêt, je ne pourrais pas définir le contenu de ma vie. T. S. Eliot écrit : où est la vie que nous avons perdue en vivant ? Où est la sagesse que nous avons perdue dans la connaissance ? Où est la connaissance que nous avons perdu dans l'information ? L'information devient notre expérience. Le produit phare des médias est l'information intéressante qui n'est, ni plus ni moins, qu'un pur produit de consommation, rien d'autre. C'est ainsi que, par désir de vérités plus significatives, j'ai succombé à la littérature par instinct de survie. Le problème avec la technologie, c'est qu'elle nous sépare de l'expérience. Elle fait de nous de plus en plus des spectateurs et des consommateurs et de moins en moins des participants actifs, ce qui nous rend déficitaires en sens, affirme Lars Stendsen. La perte de sens chez la société contemporaine est indéfectible et personne ne peut prédire où cela mènera. Le sens d'ordre existentiel relève davantage de l'individu depuis l'époque romantique. Les convictions se sont fractionnées dans une multitude d'avatars flétris au gré des étoiles filantes. Une société qui fonctionne correctement favorise la capacité de l'homme à trouver du sens à la vie, ce qui manifestement ne le fait pas. Dans un autre monde, le collectif faisait l'affaire. Bien entendu, ma vie conserve quelques brides de sens, mais ce dernier semble effroyablement limité. Partout, j'entends du vacarme dû à la surabondance du n'importe quoi où plus personne ne s'entend. Le sens regorge de partout, mais ce n'est pas celui que je recherche. Mes projets individuels se heurtent à un problème de sens puisqu'il n'existe plus aujourd'hui de sens collectif auquel je pourrais prendre part. Il est probable aussi que pour différentes raisons je ne regarde pas dans la bonne direction. Toutefois, j'ai cette conviction d'avoir tenté à maintes reprises l'élaboration de plusieurs plans sans succès apparent à part quelques amères illusions. Je crois, néanmoins, qu'il n'est jamais trop tard de voir apparaître des miracles, aussi petits soient-ils. Le nihilisme propose deux choix, Dieu ou le néant, c'est en choisissant ce dernier que l'on devient Dieu ou bien le nom que vous voulez bien lui donner. L'absence de Dieu a obligé les hommes à exprimer leurs propres vérités. Nous ne nous en sommes pas encore remis. Nous avons tenté le socialisme, le capitalisme et l'état providence, et nous n'y sommes pas encore parvenus. Trop fractionné, le monde tel que l'on connaît n'est plus capable de supporter le nombre effarant de contradictions. De là proviennent les fluctuations tentant de trouver des points d'appui dans un univers de plus en plus instable et convoité. Depuis quelques années, je prends conscience que je pense le monde au lieu de l'habiter ; toutefois, c'est toujours mieux que de fixer les interstices du néant. Les seules occasions où j'ai la nette impression d'être un tout est dans la nature et les chemins de traverse et le soir venu dans mes bouquins. Je me rappelle de toutes ces années où j'exprimais mon ennui existentiel en recourant la chance en demandant aux passants quelques réponses et solutions qui vaillent. La plupart du temps, ces bonnes gens me recommandaient le travail et les passe-temps d'usage jusqu'à tout récemment. J'ai compris alors qu'ils n'ont pas réellement saisi ma véritable essence en m'offrant des solutions d'ennuis mortelles. Je ne peux en être offusqué, car je sais bien qu'aujourd'hui qu'en moi, je détiens des réponses claires. Par chance que je n'ai pas été naïf à ce point, malgré toutes mes peines en me faisant prendre à ce jeu où les moutons se suivent à la queue leu-leu. Depuis une certaine époque, les gens se sont lassés des moutons en préférant les itinéraires solitaires ou fractionnés. Pourtant, ce qui se gagne d'un côté, se perd de l'autre. Cela a pour effet de fragiliser les individus. Le sentiment réel de liberté prend soudainement la forme d'un vide où les autres sont exclus par accoutumance, par divergence ou simplement par manque d'intérêts. On a perdu dans la société moderne le goût aux autres, car les technologies les ont remplacé. L'ennui n'est pas une question d'oisiveté, mais de sens. Pessoa disait que l'ennui des grands actifs est le pire de tous. Je considère aujourd'hui que plus j'ai des choses à faire, et plus j'ai des ennuis à subir, ce qui n' a pas toujours été le cas. L'oisiveté ne confère pas plus de sens à l'existence que le travail ; la question relève davantage du comment je vis cette oisiveté. L'oisiveté à la retraite est moins culpabilisante aux yeux d'autrui qu'à mes vingt ans, le regard plongé dans mes rêves à la recherche d'un monde meilleur qui n'a jamais existé, à vrai dire. Ce n'est pas une activité quelconque qui me rend plus libre, et surtout pas le travail en ce qui me concerne. Par chance que tous ne sont pas comme moi. Dans un monde bien ordonné, tous ont leur place au soleil, surtout les rêveurs et les anarchistes. Ma profession jadis est née d'une immense passion. Je me suis réalisé à l'intérieur de mon fort intérieur, tel l'artisan créant le monde à mon image jusqu'au jour où ma création s'est lassée de moi afin que je prenne une nouvelle direction. Le sens de ma vie avait sa raison d'être dans le jeune homme que je devenais. L'action était le centre de mes préoccupations jusqu'au moment où qu'il faille m'arrêter, car je devenais le seul à m'agiter dans toutes les directions sans vraiment savoir pourquoi. En réalité, le véritable artisan n'a plus beaucoup de place dans un monde déshumanisé. La technologie a remplacé l'artisan au cœur de sa passion à rendre le monde plus beau. Qu'est-il devenu, à part quelques images stéréotypées au cœur d'un boîtier monochrome ? La passion d'aujourd'hui est devenue notre indifférence collective qui lentement nous vaincra. Sans vouloir idéaliser le passé, je crois qu'il faille m'y référer pour faire une sage lecture de ce que nous sommes devenus.
18 février |
En cela, je suis rassuré que mon oisiveté des dernières années m'a permis d'écrire des créations littéraires par l'intermédiaire de ce blogue et raffiné la qualité de mon esprit. Je n'écris pas à titre de confession autant que par désir de clarté provisoire. Georges Bernanos nous indique à propos de l'ennui qu'elle est comme une fine poussière qui recouvre notre visage. Il faut alors s'agiter sans cesse pour secouer cette pluie de poussière. C'est ainsi que le monde s'agite beaucoup. À ceux qui croient que je plagie des textes, je leur réponds d'aller se faire foutre. S'ils n'aiment pas ce qu'ils entendent, personne ne les retient dans mon atmosphère. Je ne me sens pas obligé ni de plaire ni de convaincre. Ils n'ont qu'à fermer ce poste en étalant ailleurs leurs venimeuses critiques. Même les pratiques sociales peuvent m'imprégner d'ennui. Baudelaire affirmait la métaphore suivante : ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage. L'ennui n'est pas seulement un état intérieur, mais aussi une caractéristique du monde, affirme Lars Svendsen dans la petite philosophie de l'ennui. J'en ferai mon thème principal lors des prochains chapitres, car ce sujet délicat m'interpelle assurément. Il serait insensé de ma part de vouloir écrire une dissertation sur le sujet sans, préalablement, me référer à quelques auteurs concernés. C'est en juxtaposant des lectures et mes opinions que j'arrive à être le plus précis possible avec mon ressenti et non avec les vérités communes, si elles existent. Le monde paraît-il absurde parce que je m'ennuie, ou je m'ennuie parce que le monde est absurde. Il paraît que les hommes sont davantage enclins à s'ennuyer que les femmes, par exemple Adam s'ennuyant d'être seul, Ève fut créée. L'ennui est ce qui me rend incapable de me situer au monde, car j'ai déjà perdu le rapport au monde. Ainsi, les lieux deviennent des ombres. Je crois m'être identifié à la mélancolie car elle m'habite depuis toujours. J'en suis presque venu à m'en faire une amie. L'ennui n'est nulle autre qu'une expérience qui m'ouvre une voie d'accès à la philosophie. Parfois, je me demande ce qu'il m'arrive de ne point me souvenir de lectures précieuses. N'en demeure pas moins que la lecture est un geste qui s'adresse avant tout pour moi au moment présent. De toute façon, il y aura toujours quelqu'un à lire, quelqu'un pour s'exprimer dans lequel son écho reconnaît ma source. J'y éprouve un si grand plaisir, une si grande volupté à ce faire que le temps s'amoindrit. L'un des objectifs, en plus de me reconnaître, est le renforcement des neurones de mon esprit dans l'instant présent ; pour la suite, on verra bien. Je crois que plus la société repose sur une source importante de divertissements, plus l'ennui risque d'en être la cause. Avec l'ennui, il est préférable de s'en faire une amie, sinon elle ira grandissante. Si l'ennui augmente, cela peut signifier que la culture ambiante en est la cause. Bien malin sera celui qui pourra faire la part des choses. Ce thème me convient bien, car l'ennui fut le premier état que je me souvienne, le premier mot énoncé. L'ennui existentiel provient d'une désaffection du sens global de la culture qui c'est effacée pour la civilisation. Peut-on parler encore de culture, si elle en a une, lorsque des milliers de gens sont connectés à leurs appareils sans arrêt dans une indifférence à l'autre la plus totale ? Dans les lieux communs, je me sens désormais aussi seul que sur mon fauteuil au crépuscule de la lampe. Si je suis chanceux, j'attraperai au passage quelques menés pour me distraire. Si je suis chanceux, ils ne seront pas artificiels. L'enthousiasme a perdu son enthousiasme à force de constater qu'elle n'a plus de place. Lorsque les gens passent des heures devant leur téléphone ou leur téléviseur, est-il possible que les causes en soient l'ennui ? Est-il possible que ces pensées nous arrivent en devenant vieux ? Je ne regarde quasiment plus la télévision sauf pour le téléjournal de fin d'après-midi, c'est bien suffisant, car elle n'a pas grand-chose de nouveau à m'apprendre. À temps plein à courir d'une activité à l'autre signifie avoir peur du vide ou de la voir s'installer. Le pire dans tout cela est que je n'ai même pas envie de me tuer, car c'est trop ennuyeux. Pessoa disait que le suicide ne peut venir à bout de l'ennui et qu'il faudrait cesser d'avoir même existé. On peut dire, avec raison, que ce n'est pas la joie qui émane de ce texte, j'en conviens. Mais je reconnais que de soustraire l'ennui lui donnerait davantage de force pour agir. Tenter de fuir l'ennui serait de l'augmenter. En ce sens, je ne perds aucunement mon temps à vouloir la définir et, par le fait même, de m'en extirper.
Moment de solitude imprévu et intense, la communauté humaine ne répond plus à mes attentes. Débrouille-toi, c'est la seule leçon qu'elle vient encore donner. Le monde se brise, le monde me brise. Il me revient de m'éclairer et de me réchauffer par mes propres moyens. Les utopies sont derrière moi, dans le souvenir d'une vague éclatée. Silence radio, la terre s'assèche sur ma peau déroutée. Dans les autobus de la voie lactée, les regards sont inquiets, les visages délabrés comme les poules qui partent à l'abattoir. Mes châteaux de sable d'antan n'ont plus le même relief, la même consistance, ils ne racontent plus les histoires fougueuses qui m'ont mise au monde. Sortir de son enfance en retrouvant la communauté et son désordre ultime dans la danse de la discorde. Le monde et son appellation ont reflué derrière les écrans tactiles qui passent par le filtre d'un froid discours. Les préjugés s'animent sur les versants de la toile versatile. La vie contemplative est en voie d'assimilation du portable numérique. La vie devient réelle que derrière la lumière vive de l'écran tactile. La ville est tatouée à l'encre de la rentabilité. La vie s'urbanise à grands pas, délestant les hommes et les grands fauves. Somnambules, les âmes s'affaissent dans la lourdeur du béton et de la brume. Les doux paysages perdent leur éclat dans les zones éphémères du mercantilisme acéré. Les promoteurs autoproclamés s'agitent sans cesse sur une terre dénaturée, instable. Il n'y a souverain que le mot et la tentation d'y parvenir. L'humanité a pris Descartes en considération, en rendant maîtres de la nature, les atrophiés du subterfuge et de la diversion. Partout, je ne vois que délire destructeur. Il faut être ingénieux pour retracer les beaux espaces absents de l'homme qui-se-fout-de-tout. Les jolies plages restantes de l'été deviendront payantes sous peu. Les restaurants factices aux sombres atmosphères auront quelques miettes lucratives à offrir aux passants pétrifiés. Contempler, c'est retrouver des raisons de résistance en refusant son propre effondrement devant la laideur du monde. J'y suis toujours parvenu dans les chemins de travers que parsème mon horizon fugace et transitoire. Ils sont si beaux, si purs que j'ai peine à y revenir.
Les asiatiques possèdent une épaisse couche de graisse sous-cutanée, également responsable de la couleur jaune de leur peau qui masque en partie les mouvements des trente muscles du visage intervenant dans les expressions. J'aurais bien tenté de discuter un brin avec un chinois aujourd'hui sur cette question, mais il est devenu soudainement rouge, impliquant le bon Dieu dans cette histoire qui ne lui a pas plu. Sans les esclaves qui travaillaient à leurs places, les grecs n'auraient jamais eu le temps d'aller au théâtre, ni de philosopher. Nous autres, esclaves consentants, il reste un mois sur douze pour nous réconcilier avec l'oisiveté et ses vertus. Je ne fais plus partie de ce groupe étant heureusement à la retraite, ce qui me laisse le champ libre pour réfléchir à ma guise. L'oisiveté est la mère de la philosophie. Les gens ne sont pas actifs mais super actifs de nos jours, l'humanité se vouant à une consommation frénétique. Une vie réussie sera forcément intense, voire épuisante. Je m'excite, donc je suis, pour reprendre la célèbre citation de Pascal ; je pense, donc je suis. Premier rappel : l'inactivité est source de bonheur. Dans l'apologie des oisifs, Stevenson fustige vigoureusement les fanatiques du travail qu'il compare à des zombies. Les nord-américains font partie de ce clan avec l'idée qu'il faille tout bâtir. Cela perdure depuis quatre cents ans. Cela n'aura pas suffit pas à se calmer, bien au contraire, en remuant sans cesse les pierres pour y étaler ses atouts, ses flamands roses en plastique et… faire du profit. Il y aurait bien lieu de prendre une pause, me semble-t-il, et de contempler ce que nous avons créé au lieu de nous agiter sans cesse. L'oisiveté rend libre ce qui ne démontre pas qu'il faille dormir toute la journée. Je me souviens d'un grand-oncle écrivain qui habitait une maison chaleureuse. Dans cette maisonnette où le calme régnait, il avait son bureau à l'étage où était disposées de grandes bibliothèques sur tous les murs. Sur un grand bureau de bois massif reposait une belle et ancienne lampe verte. Adossé à l'un des murs, un canapé ancien aux formes agréables proposait à l'écrivain de courtes pauses entre les lectures. Au rez-de-chaussée, un vieux foyer trônait au centre du salon où était disposé de confortables fauteuils posés sur de somptueux tapis. C'était un charmant havre aristocratique qui était en vogue à cette époque dans les quartiers cossus de la cité. L'empreinte anglo-saxonne agençait les lieux de façon solennelle et charmante. C'est de cet héritage que m'inspire le plus de cette ville qui m'a vu naître et dans laquelle je conserve mes plus beaux souvenirs. Ces ouvrages étaient de fiers romans historiques et patriotiques du Québec traditionnel. Sur la route fut l'un de ceux-ci qui m'ont inspiré à prendre le large tôt dans ma jeunesse. L'oisiveté, c'est le temps de se former, de se cultiver et de s'accomplir. Il est un bon narcissisme, celui qui permet de se livrer sans réserve à l'expérience d'être, écrit Jean-Louis Cianni. Sans grande éloquence, je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien. Cette citation de Socrate me permet de relâcher le contrôle de mon esprit en demeurant humble et éveillé. La philosophie sceptique reposait sur trois grands principes : le monde est indifférent, il convient de rester sans opinions sur tout, le silence et l'absence de troubles sont les voies de la sagesse. On dirait qu'il est plus facile, lors des grands relâchements estivaux, d'appliquer les principes du scepticisme. Comme il est étrange à quel point mes certitudes s'envolent avec le vent de l'apaisement. Comme il est étrange le temps qui assouplit les passions. Comme il est étrange de constater l'évaporation de mon système de références dans l'oisiveté. Comme il est étrange de ne plus rien savoir. Apprivoiser la route à la retraite ne se fait pas en criant ciseau. Il n'y a plus de carrière, ni de statut social, ni de repères. On perd sa carte d'identité et les amis qu'on croyait détenir. On n'a plus de visages, ni de noms. Il n'y a plus rien à dire, le temps de se reformater. Ce n'est que plus tard que l'esprit se révèle à lui-même, se transforme et se réincarne où il fait bon de retrouver la liberté de penser. Il m'aura fallu briser cette chaîne qui me gardait captif et ignorant pour comprendre le nouvel ordre du jour. Je crois avoir été et être encore un sceptique, le doute étant la pièce maîtresse. Il serait insensé de se présenter à un employeur ou à des clients en se distinguant du doute. Ainsi, il devient libérateur de quitter mes fonctions et cette identité dans lesquelles mes certitudes ont fait de moi un ignorant et un malheureux. Ma seule certitude est celle d'exister et qui préside à toute connaissance, selon Descartes. Ne pas savoir reconduit à un nouveau savoir, un savoir reformulé. Je vois partout autour de moi des gens qui savent, experts en tout et rien à la fois. Savoir que je ne sais rien, ce n'est pas savoir ce que les autres ignorent. Comme il est curieux qu'aux beaux jours de l'été on ne veuille plus rien savoir.
Émettre une citation est trop facile pour s'y soumettre pleinement sans un contexte nécessaire. Citons, par exemple, Philippe Guillemant ; on ne crée pas son meilleur futur avec son mental, mais avec son cœur. Je considère qu'il n'est pas sage de verser spontanément, soit dans l'un ou l'autre versant de la citation ; ce serait futile et simpliste dans plusieurs des cas exprimant ainsi un clivage. Certes, il y a là un sujet philosophique intéressant à débattre. Tout est une question d'équilibre. Si l'esprit et le cœur nous sont donnés, c'est parce qu'ils nous sont nécessaires et qu'il faut les utiliser à bon escient. Appliquer une citation à la lettre ne devrait être fait qu'avec discernement. L'habitude et les conditionnements nous rendent indifférents à l'homme qui dort dans la rue. On ne s'étonne plus que de son propre sort. Dans un monde de concurrence, il faut affirmer son point de vue, se justifier sans cesse et le faire prévaloir sur les autres. Je réfute cet exercice éreintant, car je ne m'y suis plus obligé à le faire, non pas par paresse, mais par nécessité et par choix. Je raconte ceci en prenant conscience de mon attitude dans un groupe d'échanges et de discussions auquel je viens de participer. Le besoin qu'ont les gens à vouloir interagir fait en sorte qu'ils parlent trop et trop fort. La résultante est que l'écoute devient moins sincère devant un aussi grand nombre de vérités. Il me semble important, dans un bon dialogue, d'amorcer un ou deux thèmes en les débattant correctement. Mal étreindre celui qui veut trop embrasser. Je préfère aller au fond d'un sujet que de m'étendre sur plusieurs actualités, n'effleurant que superficiellement le dialogue. Bien entendu, tout est relié et je ne me tiens pas à m'isoler dans une bulle restrictive. Combien sont ceux qui déballent un tas d'informations sans prendre le temps d'aller au fond du sujet ? Cela m'apparaît faire le perroquet en reportant le bulletin de nouvelles de la journée. Cela est l'équivalent de relayer un simple post affiché sur une page anonyme. Je peux être bien informé et ne rien savoir. Je viens de découvrir l'étymologie du mot étonnement, qui provient de tonnerre, l'idée derrière étant la secousse. Philosopher, pour moi, c'est m'étonner. Socrate disait que philosopher, c'est remettre en cause ce que l'on sait et ce que l'on croit savoir. Mon étonnement appelle l'ouverture d'esprit, la réflexion, l'analyse, l'examen critique. Je parle beaucoup en écrivant, ainsi je ne suis pas contrarié par les douteux haut-parleurs de la foule. Les divergences m'épuisent et me déconcentrent de l'essentiel. Je n'aime pas lutter avec autrui, préférant me battre avec moi-même. Par contre, je ne peux me priver de l'amour et du miroir que m'offre autrui saisi avec prudence et discernement. En réalité, me parler en écrivant me permet de me concentrer sur des sujets et leurs causes respectives. Philosopher selon Jean Louis Cianni, c'est donner un sens et une valeur à l'intranquillité, thème cher à Fernando Pessoa. Mais il vient un temps qu'il me fasse sortir de ma tanière afin de débattre de certains sujets dans lesquels, seul, il me soit plus difficile de prendre en considération. Dialoguer exige d'être deux. Si je dialogue avec moi-même, je risque de me fondre à mon égo, mais je risque de le débusquer en le faisant fuir quelques instants. Il m'est difficile d'aimer inconditionnellement un étranger ou une personne qui me méprise. Je reconnais chez moi la méfiance envers autrui donnant raison à mon mental de s'alimenter déraisonnablement, ceci dans le but de me protéger d'un danger réel ou incertain. Ma raison est trop souvent le résultat d'une étonnante mise en scène de l'égo empêchant l'énergie du cœur de se manifester. Il est curieux comment une simple citation peut laisser couler autant de mots. Il est étonnant de constater comment une simple citation peut laisser couler autant de maux. Certains dialogues se désorganisent dans des situations où ma capacité de maîtrise est nulle et en m'égarant dans une subjectivité malheureuse. Autant parler avec moi-même, le temps de renforcer mes convictions et mes opinions. Avant d'aller à la rencontre des autres, il faut s'être fait silence, le temps qu'il faut. Depuis les physiciens de Milet, terreau de la pensée occidentale, la science a progressé, mais il n'en va pas de même pour nos propres souffrances et angoisses qui nous demeurent plus difficiles à comprendre et à surmonter que les tempêtes. Ne plus s'étonner, c'est cesser de vivre. Il me faut du temps pour penser, du calme aussi. Être détourné de ma capacité de bien penser est souffrant à même titre que de cesser de vivre. Penser n'est pas mauvais en soi, ce sont les mauvais traitements de ma pensée qui affaiblit ma vitalité et qui font défaut parfois. Méditer alors devient une aide précieuse, dégageant un espace vital entre mes pensées pour le maintien de mon équilibre et évitant ainsi de me dévorer. L'espace libéré m'offre la liberté de penser par moi-même en m'évitant des situations douloureuses et conflictuelles. J'écris pour ne pas me noyer dans un océan d'incertitude et, qui exprime judicieusement un besoin devenu essentiel. Écrire, méditer, cela me permet de prendre mes distances avec ce que je crois être la vérité. Il devient urgent de rejeter les énoncés populaires pour penser par moi-même. Je dois lutter pacifiquement contre la volonté d'absorber inconsciemment les messages erronés populistes et médiatiques artificiels qui ne cessent de me berner et de m'abattre. C'est pour ces raisons que je décide volontairement de me retirer temporairement, le temps de ramener l'ordre nécessaire à ma raison. Le temps se rétracte, m'obligeant à m'occuper de moi-même dans une conscience renouvelée à l'intérieur d'une simplicité volontaire, loin de l'agitation et des opinions populaires. L'activité de penser me libère et me transforme dans une douce transhumance de lumière naturelle, me libérant de l'abêtissement du monde médiatique qui m'englue à chaque jour. En regardant le bon côté de la chose, je peux prendre en considération que de ces bêtises, j'y apprends des mots nouveaux à reformuler à l'égard de ma pensée. Rien ne sera complètement perdu. Socrate, ironiquement, prétendait faire le même art qu'une sage-femme en accouchant de la vérité. Que faire alors sur la plage ? Absolument rien, absolument tout.
14 février |
Quelqu’un a demandé : pourquoi certains britanniques n’aiment pas Donald Trump ? Nate White, un écrivain anglais éloquent et plein d’esprit, a écrit cette magnifique réponse : quelque chose me viennent à l’esprit : Trump manque de certaines qualités que les britanniques apprécient traditionnellement. Par exemple, il n’a aucune classe, aucun charme, aucune fraîcheur, aucune crédibilité, aucune compassion, aucun esprit, aucune chaleur, aucune sagesse, aucune subtilité, aucune sensibilité, aucune conscience de soi, aucune humilité, aucun honneur et aucune grâce, autant de qualités, curieusement, dont son prédécesseur Barack Obama a été généreusement doté. Pour nous, ce contraste frappant met en évidence les limites de Trump de manière embarrassante. De plus, nous aimons rire. Et même si Trump est peut-être ridicule, il n’a jamais dit quoi que ce soit d’ironique, d’amusant ou même de légèrement drôle, pas une seule fois, jamais. Je ne dis pas cela de manière rhétorique, je le pense littéralement : jamais, jamais. Et ce fait est particulièrement dérangeant pour la sensibilité britannique : pour nous, manquer d'humour est presque inhumain. Mais avec Trump, c'est un fait. Il ne semble même pas comprendre ce qu'est une blague, pour lui, une blague est un commentaire grossier, une insulte illettrée, un acte de cruauté désinvolte. Trump est un troll. Et comme tous les trolls, il n’est jamais drôle et ne rit jamais ; il se contente de pousser des cris de joie ou de railleries. Et ce qui est effrayant, c'est qu'il ne se contente pas de prononcer des insultes grossières et stupides : il pense réellement en les utilisant. Son esprit est un simple algorithme robotique composé de préjugés mesquins et de méchancetés instinctives. Il n'y a jamais de sous-couche d'ironie, de complexité, de nuance ou de profondeur. Tout est superficiel. Certains américains pourraient considérer cela comme une approche rafraîchissante et directe. Eh bien, nous ne le pensons pas. Nous le considérons comme dépourvu de monde intérieur, d'âme. En Grande-Bretagne, nous sommes traditionnellement du côté de David, et non de Goliath. Tous nos héros sont des outsiders courageux : Robin des Bois, Oliver Twist, etc... Trump n’est ni courageux, ni un outsider. Il est tout le contraire. C'est plutôt une grosse limace blanche. Et pire encore, il est la chose la plus impardonnable de toutes pour les britanniques : un tyran. Sauf quand il se retrouve au milieu de brutes ; dans ce cas, il se transforme soudainement en acolyte pleurnichard. Il enfreint toutes les règles élémentaires de décence. Il frappe vers le bas, ce qu’un gentleman ne devrait, ne pourrait et ne devrait jamais faire, et chaque coup qu’il vise est en dessous de la ceinture. Il aime particulièrement frapper les personnes vulnérables ou sans voix, et il les frappe quand elles sont à terre. Ainsi, le fait qu’une minorité significative, peut-être un tiers, d’américains regardent ce qu’il fait, écoutent ce qu’il dit, et pensent ensuite ; oui, il semble être mon genre d’homme. Il est une source de confusion et de grande détresse pour les britanniques, étant donné que les américains sont censés être plus gentils que nous, et la plupart le sont. Il n’est pas nécessaire d’avoir un sens du détail particulier pour repérer quelques défauts chez cet homme. C’est ce dernier point qui déroute et consterne particulièrement les britanniques, et bien d’autres aussi ; ses défauts semblent assez difficiles à manquer. Après tout, il est impossible de lire un seul tweet, ou de l'entendre prononcer une phrase ou deux, sans plonger son regard dans l'abîme. Il fait de l'absence d'art une forme d'art ; il est un Picasso de la mesquinerie, un Shakespeare de la merde. Ses défauts sont fractals : même ses défauts ont des défauts, et ainsi de suite à l'infini. Dieu sait qu'il y a toujours eu des gens stupides dans le monde, et beaucoup de gens méchants aussi. Mais rarement la bêtise a été aussi méchante, et rarement la méchanceté aussi stupide. En fait, si Frankenstein décidait de créer un monstre entièrement composé de défauts humains, il créerait un Trump. Et un docteur Frankenstein plein de remords agrippait de grosses touffes de cheveux et hurlait d'angoisse : mon Dieu qu’ai-je créé ? Si être un con était une émission de télévision, Trump en serait le coffret.
Le Brutaliste est un chef-d'œuvre cinématographique que je viens de voir. L'histoire est celle d'un architecte juif né en Hongrie, László Toth. Revenu d'un camp de concentration, il émigre avec sa femme après la fin de la seconde guerre mondiale aux États-Unis pour découvrir son rêve américain. Ce film représente une partie de mes racines. Mes parents biologiques étaient juifs, catholiques étaient mes parents adoptifs. Je n'ai vraiment jamais compris les religions. De mon enfance, je me rappelle avoir de la difficulté à rester les yeux ouverts à l'église. Je tentais, non sans peine, de faire comme les autres et de réciter des choses qui m'étaient incompréhensibles. Beaucoup plus tard, je fis la connaissance de quelques familles juives de Montréal pour la plupart, afin de remonter dans le temps et de découvrir mes racines qui, jusqu'alors, m'étaient inconnues. J'ai beaucoup travaillé en consultant les archives pour arriver et reproduire mon arbre généalogique constitué de quelques centaines de membres. L'un des grands moments fut d'être accueilli à la grande synagogue de Montréal avec quelques familles du même sang, anglophones pour la plupart. Après la cérémonie, je fus invité à partager une fête traditionnelle suivi d'un repas dans une grande famille d'Outremont où une quinzaine de convives étaient rassemblés. Je fus tellement ému que j'en pleurais à chaudes larmes. N'entre pas comme il veut chez les juifs. J'étais ému par les liens qui unissaient les membres de cette communauté forte et fière de leur appartenance. C'était des membres de ma famille lointaine mais je n'en reconnaissais aucun. Plus tard, j'envisageais de tenter de créer des liens avec la communauté juive de Québec en ayant une discussion avec le rabbin, au préalable, qui était plutôt orthodoxe. Fort éduqué, il provenait d'une riche famille du sud de la France. Je décide alors de participer à des cérémonies religieuses dans l'espoir d'en apprendre davantage sur la communauté et de tisser des liens. À la première rencontre, j'avais l'impression d'atterrir sur une autre planète et, de plus, je ne comprenais absolument rien de toutes ces rumeurs d'un passé abstrait et lointain. Le rabbin entremêlait, après les rituels, la religion et politique comme le font les musulmans. J'ai cessé alors de participer aux rencontres, car je ne m'y reconnaissais pas, de même qu'à tous les mouvements religieux, quels qu'ils soient. Je préfère me mêler à des groupes philosophiques pour évoluer et répondre aux questions que je me pose, la neutralité et l'objectivité des dialogues s'apparentant davantage à mes convictions sociales et morales qui conviennent à l'homme universel que je suis. Je ne suis pas et je n'ai jamais été l'homme d'un clan, d'une communauté, d'une famille ou de toutes autres associations professionnelles, non pas par choix, mais par accoutumance et méfiance envers l'autorité et les clans. Je ne reconnais que ma propre autorité, car le destin en a voulu ainsi. Ce destin n'est pas de tout repos, ayant sur mes seules épaules le poids de mes propres responsabilités et ce, depuis ma tendre enfance. Je dégage, certes, des avantages de cette condition tout en reconnaissant le dicton amer suivant : un homme seul est un homme mort. Karl Jaspers disait que philosopher, c'est être en route et Rimbaud de dire que la vie est ailleurs. Ailleurs, c'est bien, mais où ? Avec tous les sentiers parcourus, je crois être devenu un grand philosophe. Exister porte l'idée d'aller au-dehors, de sortir. J'apprends davantage sur les gens durant trois semaines de voyage qu'une année entière dans mon bled. Jamais je n'ai ressenti aussi fortement qu'en voyageant, la vitesse du vent et du temps qui m'effleure. Sur la route, je deviens l'acteur, le pays et l'itinéraire. Saint Augustin de dire : au lieu d'aller dehors, rentre en toi-même, comme quoi il n'y a pas qu'une seule vérité pour accéder au bonheur. Contradictoires sont les deux vérités. Le moi devient rapidement inhabitable, c'est d'abord un lieu de passage, un lien routier dit Jean-Louis Cianni dans ; philosopher à la plage, comme quoi il faut se perdre à l'extérieur de soi, faire abstraction de soi un moment, pour mieux y revenir. La meilleure façon de se dissoudre du soi serait dans un monastère zen où l'ambiance serait propice pour se faire. Sans les autres, sans aller vers eux, on n'existe pas. C'est auprès d'eux que je confirme ce que je pense, ce que je suis. La vie intérieure ne suffit pas. Solitude et multitude, le balancier oscille, auquel il n'y a pas de véritable repos. Une île ? Une ville ? Un chantier plutôt.
Deux justices existent ; l'une pour les riches, la seconde pour les pauvres. Que ce soit pour obtenir des soins de santé ou pour tous autres services ou tentations, c'est pareil. J'éprouve en ce moment une intoxication médiatique. Le gros bouffon orange me donne des cauchemars, même le jour en marchant. Cet imbécile égocentrique satanique se croit au dessus de tout et de rien. Jamais je n'ai autant détesté un personnage public, il me répugne et le mot est faible. Ce gros pachyderme et menteur invertébré raconte à tort vouloir sauver son peuple en l'aspergeant de blasphèmes diffamatoires. Enfin, comme le reste il passera. La fatigue empêche plusieurs de s'ouvrir aux autres. Je n'aime pas ceux qui n'ont que des certitudes inébranlables, ceux qui ne doutent pas, qui ont des excès de bonheur démesuré et qui ne se posent pas de questions. Ces gens-là me déstabilisent. Je crois au bonheur, évidemment, mais je doute de sa constance, car la vie est tout et son contraire. Mon esprit est las, car trop sollicité de pensées nauséabondes. Il n'aime pas rester longtemps dans le vide qui, en réalité, n'existe pas. C'est pourquoi les hommes sont si fatigués, car ils n'ont pas de repos et que tout est trop plein d'équations loufoques. Il est impossible de prendre congé de soi. C'est pour ça qu'existe le vin, les drogues et les divertissements, c'est pour oublier qu'on existe. Heureusement que je ne verse plus dans ses élucubrations loufoques pour usurper mon mal de vivre. Je préfère l'habiter courageusement. Un ami et moi discutions l'autre jour au café. Nos perceptions ne sont pas les mêmes, de même que nos degrés d'optimisme. Je l'envie presque d'être capable, constamment, de se tenir en état d'équilibre dans sa zone de confort, lui et sa famille. Ma réalité est bien différente, ce qui ne nous empêche pas d'être reliés par une amitié profonde. Ma vie est simple : m'étonner, moins m'étonner, lire, écrire, aimer, marcher et dialoguer lorsque je le peux, sinon je délibère à moi-même pour d'éviter les débordements. Parfois, la vie se révèle à moi dans un éclair de lucidité soudaine. À ce moment, je suis surpris par la vie qui émane de moi, comme si sa présence était devenue une inconsciente habitude. Sortir de ma torpeur devient mon leitmotiv afin de voir réapparaître le jour et de m'y émouvoir. Il n'y a pas de mode d'emploi pour apprendre à vivre et non pas d'instructeurs pour me faire la morale. Loin de moi ces faux prêtres de la bêtise. Devenir soi n'a pas de recettes généralisées et n'exige aucune initiation dogmatique. Devenir soi, c'est faire sa propre expérience pour le meilleur et le pire. Nul ne peut me montrer la route à suivre. Il incombe à moi-même de découvrir le véritable personnage qui m'habite, et de débusquer l'égo, ce malotru faisant ombrage à ma splendeur. Mon être véritable se terre, car il a peur de sa propre lumière, peur d'avoir peur et de perdre son temps à ne savoir qu'en faire. Un jour viendra que je marcherai sur mon propre élan et non plus derrière ceux qui sont absents ou indifférents. Existe l'hiver de la blancheur et l'hiver impitoyable du monde. Jadis, je voulais fuir la saison froide, maintenant je la chérie pour l'intimité envoûtante qu'elle me verse tendrement dans son silence racoleur.
12 février |
Les gouvernements n'apportent pas le changement. Ce sont les entrepreneurs et les idéalistes qui transforment les sociétés. Les gouvernements n'existent que pour le pouvoir qu'ils exercent en administrant les règles en place. Ils agissent qu'à des fins électorales. Il est rare de pouvoir faire bouger les gouvernements, car les dispositifs de lois et la lourdeur administrative rigides les immobilisent et les astreignent. Lars Svendsen dit qu'une société qui fonctionne bien encourage la capacité de l'homme à donner du sens au monde, là où une société qui fonctionne mal omet de le faire. Il y a l'ennui existentiel relié au sens de l'existence et l'ennui conjoncturel relié aux événements. Oscar Wilde dit qu'il n'y a que deux tragédies dans la vie : l'une est de ne pas avoir ce que l'on désire, l'autre est de l'obtenir. Ceci a de quoi s'interroger. Je crois que je n'ai jamais su arriver au bon port en assouvissant mes désirs, car aussitôt qu'ils sont atteints, d'autres réapparaissent immédiatement. Combattre l'ennui de la vieillesse par une hyperactivité intense, c'est un épilogue de substituts des sens qui fonce tout droit vers une fin de vie amère. Mais que supposait faire le vieil homme s'il ne s'occupait pas ? Je ne crois pas que j'aurais aimé les études universitaires, car j'aurais eu peur de me perdre dans des détails insignifiants. Une certaine oisiveté me plaît, sans contraintes professionnelles ou économiques, ce qui laisse place à l'essentiel de ressurgir à tout moment et à l'esprit de se transformer selon mon accord. L'oisiveté exige du courage et de la volonté. Daniel Klein dit qu'il peut même considérer comme une bénédiction l'absence de nouvelles expériences chez le vieil homme. Ayant donné dans la nouveauté, les dernières m'ont souvent paru insuffisantes. Sa balade avec Épicure révèle de nombreuses vérités sur la vie meilleure du vieil homme. Son expérience accumulée lui permet de la contempler et de la savourer en toute quiétude dans la lenteur retrouvée. En relâchant mes passions, je dispose davantage du sens aigu du calme et de la liberté.
11 février |
J'aurais aimé vivre au temps d'Épicure et philosopher avec ses convives dans ses jardins. Le dialogue est le résultat de la plus haute dignité au sein d'une société évoluée. Dans les jardins d'Épicure, une petite minorité s'exaltait loin des égarés que constituait la foule. Au gym, près de chez moi, où tous les bonnes gens rafistolent leurs beaux profils, guère sont ceux qui discutent. Les énormes écouteurs plus grands que leurs cervelles ornent le trône de leurs têtes. D'autres portent des fils dans les oreilles tels des automates programmés. Les jeunes gens aux corps musclés et sveltes possèdent des téléphones qui font parties intégrantes de leur anatomie, tellement ils y sont accrochés. Personne ne semble constater la présence de l'autre. De toute façon, ils s'en fichent éperdument. Ceux à qui je tente d'adresser la parole semblent être dérangés. Il n'est absolument pas question de parler aux dames sous peine de réprimandes. Les sourires sont absents et les regards de glace comme un tiroir-caisse. J'encourage par un bravo une haïtienne aux courbes disproportionnées, c'est la seule qui démontre une réelle humanité dans un large sourire. Les regards pétillants des lieux publics traversés proviennent d'étrangers. Je nage à contre-courant dans une mer d'indifférence où les agendas sont plus importants que la race humaine. Les seules valeurs sont devenues marchandes. Les femmes dans l'espace public semblent apeurées devant les inconnus. Ce qui est hors de leurs contrôles les effraient substantiellement. Les hommes les approchant arborent le profil du tortionnaire à leurs yeux. Leurs libertés qui importent à ces gens-là sont une parodie qui me rappelle la chanson de Jacques Brel ; faut vous dire, monsieur, que chez ces gens là, on n'cause pas, monsieur, on n'cause pas, on compte. Faut vous dire, monsieur, que chez ces gens-là, on n'vit pas, monsieur, on n'vit pas, on triche. Comment est-ce possible d'en être arriver là ? Le temps est compté à ce point que la moindre contrariété les embête et les distrait de leurs agendas disproportionnés. Ces propos ne peuvent plus avoir lieu dans l'espace public sans être condamnés de grossières indécences ou d'intimidation. Plusieurs préfèrent par manque de courage ou par mesure de sécurité, afficher des pseudonymes dans des vases de plus en plus hermétiques. Je m'en fiche, car je me suis désensibilisé à force de m'empêtrer dans ce jardin stérile, comme bien d'autres de mon espèce, silencieux. Le monde réel, pour une grande majorité, n'existe que pour aller prendre l'air trente minutes et faire quelques courses. Les jeunes sont comme des petits lapins, plein de vigueur, errant et l'esprit égaré par le sort. S'efforcer est la fabrique de l'homme jeune dans notre culture. Daniel Klein dit que l'idée du vieil homme à l'abri, ancré dans un port, est comme une bouée à laquelle je peux m'accrocher. Pour ma part, j'ai le sentiment d'avoir atteint la grande majorité de mes objectifs et je peux, sans aucune culpabilité de ma part, demeurer tranquille à l'écart des jeunes lapins qui sautillent sans pouvoir s'arrêter. Être un homme libre fait peur aux pauvres innocents. Ne pas porter de chaînes intimide, déstabilise dans une société où l'on n'est pas libre. Et puis il y a la route, au printemps venu, pour m'expatrier de ce panorama restreint au cloison délétère. Pourtant, cela dépend de nous qui pouvons relier les hommes de bonne volonté : nous avons ce pouvoir d’être une boussole, un phare signalant les écueils vers lesquels viendront ceux qui n'ont de cesse de chercher les bons repères. Un phare se doit de maintenir sa lumière dans les tempêtes de l'indifférence. Nous avons réellement ce pouvoir, il nous suffit de poser en nous ce qu’il y a de plus stable, de plus solide ; là est la posture du phare. La souveraineté en soi éclaire le discernement, chasse les peurs et rationalise les doutes. Elle provient d’une part de nous qui est notre essence primordiale au-delà des agitations, de l'indifférence et des illusions. Cheminer avec ceux qui ont pris le même chemin nous assure la sérénité dans le doute et l'indifférence. Collectivement, cette souveraineté prend une dimension créatrice de nature à accoucher ce nouveau monde auquel nous aspirons, là où une minorité souhaite un monde de contrôle, de soumission et d’absence de liberté. Comme cela était dit dans l’appel à soi, la traversée a été longue, mais nous sommes très près du rivage. Il n’est pas l’heure de se décourager après un tel chemin. Il est l’heure d’être au rendez-vous avec nous-mêmes. Épicure considérait le silence entre deux amis regardant l'horizon comme la caractéristique principale de la véritable amitié. Pour le vieil homme qui a mis le monde des occupations quotidiennes derrière lui, une telle camaraderie est le plus beau cadeau qui soit.
10 février |
La nature ne donne l'impulsion qu'aux êtres qui ont atteint leur plein développement et qui aspirent à sortir de leur coquille. Érasme dit que la philosophie enseigne plus de choses en une seule année que l'expérience, si riche soit-elle. Il s'agit de saisir le véritable sens de nos actions au lieu de les énumérer. Lorsque l'on voit les choses en courant, elles se ressemblent toutes. Un torrent est un torrent, disait Alain dans ses propos sur le bonheur. C'est ce qui arrive parfois en voyage, où la quantité de mouvements prime sur la qualité du regard. C'est ce qui arrive lorsque nos voix l'emportent sur la contemplation. Mais l'amitié se nourrit de communication. Celui qui parcourt le monde à toute vitesse n'est guère plus riche de souvenirs à la fin qu'au commencement. La vraie richesse des choses est dans le détail. Si je supprime l'opinion fausse, en moi, je supprime un certain mal. Il en est ainsi des critiques et des préjugés qui, à tort de m'en distraire, me font perdre ma force vitale. On peut se sauver d'un naufrage, mais on peut se noyer dans une eau tranquille disait Montaigne. Il est mieux de se garder des opinions populaires. Ce n'est pas ce que j'observe dans les temps qui courent sur tout et presque rien. Ma curiosité est plus grande que la capacité de l'absorber. Ma curiosité envers les informations me donne l'impression d'embrasser tout, alors que n'étreins que du vent. Je cite, par exemple, les romains qui croyaient que les gens vivant en dehors de l'empire étaient des barbares. La désinformation ne date pas d'hier. Et qui étaient les sauvages maladroitement nommé ainsi dans lesquels on a voulu assimilé ? Les plus sauvages n'étaient-ils pas ces prédateurs venus d'Europe ? Thoreau s'est inspiré du sujet pour parler du thème qui lui était cher; la désobéissance civile. Actuellement qui protège qui et pourquoi ? Le malheureux n'a que peu de ressources devant les injustices. Les lois visent-elles à protéger le pouvoir économique des mieux nantis ? J'ai vu dans certains pays, des pauvres qui étaient très pauvres. Aux États-Unis, pays des grandes richesses, j'ai vu la pauvreté extrême dans tous ces états. J'ai vu la pauvreté dans la soumission car l'oppression y est sévère. De ce côté, ça paraît moins, car il y a le filet social visant à protéger le malheureux. C'est aussi comme ça en Europe, malgré que le flux migratoire des dernières décennies affaiblisse les systèmes sociaux. Je trouve décadent que des multimilliardaires décident de comprimer les dépenses budgétaires aux démunis en accroissant leurs richesses. Comment réussit-ont à faire élever la voix du malheureux sans porter atteinte à ses droits et lui porter préjudice ? Même le plus puissant des barrages ne pourra retenir la force des eaux en colère. Ce qui me désole, c'est de constater que la démocratie est aux mains des plus grands capitalistes pragmatiques de ce monde. Est-il encore possible d'espérer encore et encore, aux prochaines élections, de changer le monde ? J'en doute, car nous sommes trop fractionnés pour faire front commun devant l'adversité. Le problème réside dans nos habitudes développées et qui sont devenu l'adversité. Notre insouciance est la même que ceux qui nous gouvernent, car nous sommes les petits gouverneurs, les petits rois d'un royaume fragmenté. Ce soir, je mange de la viande et je remerci cette offrande qui m'est offerte. J'ai beaucoup de gratitude d'être nourri par l'état qui me reconnait apte au grand répit qu'est la retraite. Sans cette aide précieuse, je serais contraint de travailler dans une désolation la plus totale et une parfaite indignation. La retraite ne signifie pas pour autant oisivité, au contraire. On dirait qu'agir par et pour soi-même dans une société est contre productif. Pourtant, le sens de l'existence passe, avant tout, par une plus ou moins longue alccamie pour saisir la place qui nous est destiné. J'éprouve de la réticence avec le mot travail dans lequel on attribue ce nom. J'éprouve un malaise, voire un mépris, devant la forme du travail dans lequel on évolue actuellement. Je note une régression éthique et morale en lien avec le travail actuel et qui consiste et exige de faire toujours plus avec le moins de reconnaissance. L'étymologie en latin du mot travail signifie un instrument de torture. Le travail sous sa forme actuelle n'est que pour esclavage dont nous sommes les seuls bourreaux. J'éprouve un malaise devant la soumission indigne de tant de gens. Il est fort probable que, dans une autre vie, mon salaire aurait été assigné pour l'écriture dans une recherche artistique ou intellectuelle. Possiblement est-ce le fruit d'un fantasme ? Qu'il me soit donné d'être contrarié que je m'indigne en me rétractant. C'est le fruit de souffrances indubitablement subites de ma plus tendre enfance et dans lesquelles j'ai évolué bien malgré moi. Manifester et s'indigner sont une chose, mais la question demeure : quelles sont les solutions de rechange à établir et sont-elles réalisables ? Mes critiques se sont affaissées au fil du temps, laissant place à la question qui est de savoir ce qu'il m'est possible de faire concrètement pour apporter des solutions. Seul, je peux me transformer, mais collectivement, je ne vois pas d'issues à court terme car le malheureux n'a point de support parmi la masse en liesse. Les véritables révolutions pouvant transformées la société proviennent du peuple qui souffre. La voix de celui qui souffre est-elle suffisante pour changer l'ordre des choses le statut quo de l'homme réside t-il dans son impuissance à se transformer ou bien par son manque de volonté ? Est-il possible que ces voix ne soient pas suffisamment nombreuses pour se détacher de ses chaînes? Est-il possible que le peuple n'ait pas suffisamment souffert pour que la métamorphose s'effectue ? Beaucoup de questions apparaissent sans que je n'y trouve de réponses. Et pendant ce temps, les forums sur l'intelligence artificielle apparaissent comme des champignons qui ne seront peut-être pas aussi magiques qu'ils tentent de démontrer.
7 février |
À propos de l'amour, taisons-nous et aimons. Mieux, allons écouter de la musique ou allons au cinéma. Cela pour dire qu'il n'est pas aisé de saisir l'amour. Aussitôt qu'on est tenté de le décrire, il disparaît. Tout dans la vie est affaire de malentendus, au sens où nous naviguons ignorants des causes réelles et peu conscients des effets. Comment adopter une morale avec si peu de substances ? La vérité n'est pas toujours facile à entendre. Pour que la vie reste vivable, il vaut mieux ne pas approfondir, disait Jankélévitch. Sa formule du je-ne-sais-quoi-et-presque-rien est celle de l'incertitude devant le bonheur. Rien ne dure et tout est cruellement passager. De là, provient tous les projets, et le pelletage par en avant qui vient à réfuter la nécessité du moment présent. Et un beau jour, vient la question : qu'ai-je fait de ma vie ? L'aventure est l'antipode de l'ennui. Je m'y suis tellement identifié que je lui ai consacré ma vie. Cette putain d'aventure, je ne la regrette pas pour avoir dissipé mon ennui d'un monde que je n'ai pas choisi. À partir de l'ennui, je me suis construit un univers à part, exceptionnel et unique. Ma vie, bien qu'elle ne soit pas terminée heureusement, a été bâtie sur le socle de l'ennui. Les seuls chemins de traverse que je n'ai pas encore terminé de parcourir sont en moi et dans la créativité que la vie possède. Il y a toujours un risque à l'aventure. Ceux qui ne le prennent pas au sérieux ne s'aventureront pas loin. L'aventure n'est pas un jeu dérisoire. La fonction de l'aventure est de produire de la lumière dans la nuit. Cynthia Fleury nous dit que l'aventure désigne un irréversible heureux, toujours ouvert, jamais obscur, l'irréversible des commencements qui donnent l'illusion de durer pour mieux éviter la tristesse. Le jour est venu pour moi de prendre au sérieux le présent et le goûter comme un fruit frais. Sénèque disait que solitude et société devaient se composer et se succéder. La solitude donne le désir de fréquenter les hommes. Mes promenades à la campagne et dans les bois me sont vitales pour mettre en pause un esprit surchauffé et que mon âme puisse s'élever dans l'espace libre au grand air. La déconnexion de la société est obligatoire pour cesser de vomir sur elle. La déconnexion est le signe de ma liberté et du choix que je fais pour m'éviter d'être pris au piège. La déconnexion est la désintoxication nécessaire des temps modernes et de ceux qui s'abritent dans la cité des fous. Le besoin de solitude et de la société est indissociable. La solitude n'est pas toujours aimable, mais j'aime être seul. Dans un pas de côté, je discerne ce qui m'est essentiel et les contradictions qui habitent la société et, par ricochet, les miennes car je suis la société.
6 février |
La guerre que mènent les russes prouve que la vie humaine n'a pas d'importance pour eux. L'honneur pour leur patrie est un camouflet reflétant des idées sombres à l'intérieur d'une expansion démagogique. Il n'y a pas qu'eux qui ne considèrent pas la vie humaine. La maltraitance et les guerres me touchent profondément. Passons. Je suis souvent seul, bien malgré moi, même si je possède la trame du solitaire. J'aime discuter, mais personne n'est là. L'appel du lointain m'a rejoint très tôt dans la vie, que ce soit sur les pentes enneigées, les collines sauvages, les plaines immenses, les déserts ou les mers. La solitude volontaire des dernières années en campeur m'a amené dans des lieux qui m'ont donné le sentiment de faire partie d'un tout. Ce fut à la fois exaltant et éprouvant. La vie nomadique en campeur me permet de ressentir des choses que jamais auparavant je n'aurais douté. Les conversations que j'ai eues avec moi-même et celle de mon âme m'ont profondément bouleversé. Pendant plusieurs semaines, j'ai développé la faculté de me suffire à moi-même, non pas sans vertiges. Ces années à trimballer ma carcasse en Amérique ont quintuplé ma croissance personnelle. Après avoir touché de si près les grands espaces, le retour vers mon refuge fut amer et déstabilisant. C'est comme si je refaisais marche arrière à l'intérieur d'un rêve perdu. J'ai cru pouvoir modifier, en quittant mes plus grandes inquiétudes, la réalité du décor immobile de la ville blafarde qui m'abrite. La marche est extrêmement haute entre les deux. L'improvisation de chaque instant, m'a permis de découvrir un monde d'une âpreté inégale entremêlée d'euphorie et de rêveries exaltantes. Une perturbation profonde d'être le seul à être confronter aux beautés naturelles associées à la mobilité et aux changements extrêmes m'ont bouleversé au point de ressentir mon coeur battre plus fort. Dans mon isolement, personne ne vient à ma rescousse, ce qui me renvoie ma petitesse dans l'univers. L'autosuffisance est dans la sagesse, c'est la clé du bonheur, mais le bonheur est toujours fugace, même au paradis des mortels. J'ai souvent filer, car j'avais le sentiment de ne pas être à ma place où je suis. Les problèmes se retrouvent ailleurs et les souffrances sont d'autant plus vives en croyant pouvoir les éviter. Christopher McCandless a écrit avant de mourir dans sa dernière aventure en Alaska, que le bonheur n'est vrai que quand il est partagé. Il ignorait que la solitude pouvait être si éprouvante et dangereuse. Je ne suis plus tout à fait libre de commencer par où je voudrais, disait Bergson. Mes illusions proviennent d'un passé déchu, trouble, cela se fait de façon inconsciente en axphyxiant le présent et le devenir. J'ai, dans mon existence, repousser mes limites à bien des égards. Regarder en arrière m'empêche de voir le mouvement réel, car la mémoire de l'expérience est figée dans le temps. Comprendre, c'est aussi faire, c'est créer et recréer pour Bergson. Mon œuvre, aussi humblement que possible, se nourrit de la vie et de mes épreuves. La valeur de la vie bureaucratique des gens, pour ne nommer que celle-ci parce c'est elle qui se présente à moi, n'est rien, pourvu que le travail est fait. Cette question pourrait être le sujet de bien des analyses qui seraient longues en dissertations philosophiques. Dans la vie professionnelle, nous ne sommes qu'un rouage de la société, qu'on le veuille ou non. Il nous est impossible de nous dissocier du monde dans lequel on vit, même lorsque le show business s'amenuise. Je crois que nous sommes tous interchangeables, que l'on le veuille ou non, sauf dans les amitiés sincères, mais encore faudrait-il déterminer le sens de l'amitié qui diffère les uns des autres. Jankélévitch dit que le courage ne se conjugue qu'au présent. On ne peut se définir courageux, on ne peut que l'être dans le présent. Ce qui est fait reste à faire. J'ai beaucoup aimé et j'aime encore la vie libre de la nature au mécontentement qu'engendrent les villes. Seul, ce fait me renvoie à une solitude non désirée et aux malaises de ne pas vivre intensément selon ma véritable nature. Krakauer, dans Into the Wild, dit que dans la nature, je deviens un citoyen de l'univers, en ville, membre de rien si je ne suis pas dans la chaîne de production. En nature, je ne suis pas isolé, mais seul. En ville, c'est le contraire que je ressens. Je ne m'ennuie pas tant des êtres que des types dont je ressens le besoin. J'ai toujours porté ce dilemme en moi en lien avec la ville et son fulgurant départ. Je n'ai jamais eu de réponses pouvant me satisfaire. J'adopte le statu quo dans le confort de mon foyer, parce que je sais que la véritable aventure pourrait me tuer. J'agis avec raison et prudence, ce qui ne m'empêche pas de prendre ma barque à l'occasion pour déguerpir. J'ai souvent fui pour sauver mon identité ou celle que je croyais obtenir. Ce n'est que dans le désespoir que l'espoir surgit, que la lumière provient de la pénombre et qu'il faut avoir été seul longtemps pour aller à la rencontre de l'autre. Camus a attribué une signification métaphysique à la révolte des solitaires ; l'homme refuse le monde tel qu'il est, sans accepter de lui échapper. En me rapprochant de ces auteurs, je prends conscience de mon état d'esprit, par le fait même, je constate que je ne suis pas aussi seul que je le croyais.
5 février |
Il faut toujours viser la lune, car, même en cas d'échec, on atterrit dans les étoiles. Je vis près de plusieurs services de proximité où je peux tout faire à pied. J'habite à quelques rues de l'un des plus beaux parcs urbains du Canada, le parc des Champs-de-Bataille. Mon logis, qui est plus que convenable, possède une belle fenestration et la location est raisonnable. Déjà trente années se sont écoulées depuis mon installation dans ce quartier que j'aime. L'immeuble est insonorisé et bien entretenu. À pied, j'ai accès à deux bibliothèques publiques, des centres communautaires, des piscines publiques et une artère commerciale agréable où je trouve de tout. Dans mon quartier, je retrouve une liste exhaustive des services essentiels pour vaquer à mes besoins ; trois chaînes d'alimentation à grandes surfaces, des pharmacies, un cinéma, un splendide gym où je m'entraîne régulièrement, un sauna, plusieurs cafés et restaurants, des librairies d'occasions, des boîtes à livres et le Vieux Québec dans ma cour. La canopée est magnifique et les maisons ont du charme. Une piste cyclable est disponible sur la rue, avec la possibilité de m'abonner aux réseaux de vélos électriques de la capitale. Plusieurs autobus urbains passent à quelques mètres de mon immeuble. À pied, rapidement, j'ai accès au Vieux Port et à la promenade Samuel-de-Champlain sur les rives du fleuve Saint-Laurent. Je reconnais la chance de ne pas posséder de voiture l'hiver. Voilà qui est dit à propos d'un certain bonheur de vivre dans un quartier qui est mien en toute simplicité avec les ressources qui sont à ma disposition. Toutefois, il n'est pas aisé de créer des liens, malgré toute la vie qui se dresse à mes côtés. Ce qui est un élément distinctif des grandes cités anonymes, très peu de gens de mon quartier et des environs sont disposés aux intimités et conversations. Mes familiarités se dressent aux rues et aux commerces, mais très peu aux gens que je croise. Bien souvent, je me sens étranger dans ma propre ville. Parlons de la synchronie cérébrale. Elle est possible en présentielle seulement. Il est très bénéfique pour le cerveau de rencontrer des gens en vrai plutôt que dans le mode virtuel. La solitude des réseaux sociaux est nuisible à la longue, mais j'ai des plans que je divulguerai dans un avenir rapproché. Ma retraite dégage une certaine sérénité du devoir accompli. Le temps libre, qui pour moi, est une source intarissable de bonheur. Depuis peu, je ressens une fatigue qui s'installe que le repos n'apaise plus. C'est le signe de diminuer mes activités, j'en conviens. Le deuil de la vie active mais non sédentaire s'amorce, découvrant en soi un être plus vulnérable, différent. La trame de relations diminuée, je n'ai pas toujours le goût d'en instaurer d'autres pour des raisons qui m'échappent encore. Mon énergie doit être en cause. Les quelques personnes alors avec qui je dresse une certaine intimité sont des êtres importants qui, sans eux, je perdrais le sens à mon existence et serais à la dérive. Je suis fatigué de maintenir le personnage que j'ai déjà été. J'ai cessé de m'identifier à lui et ne reconnais pas encore pleinement celui que je suis devenu. Entre les deux, un vide immense qui donne le vertige. Ma motivation actuelle réside dans mes pensées, ma mémoire, une routine bienfaisante. L'âge est tout ce qu'il y a à regretter et rien à espérer, disait Jankélévitch. Mon ancienne personnalité se dissout quand l'armure de la réussite sociale ou professionnelle s'efface. Il est prépondérant de revoir mes véritables intérêts associés à mes besoins actuels, sinon la dérive me guette. Le cours d'une vie n'est pas immuable, il est un remaniement continuel de soi lié au temps et aux changements de condition d'existence. Ma vie est une fiction personnelle remplie d'ombres vaporeuses. Comment donc tout cela devient si terne et banal ? David Le Breton dit que, dans nos sociétés, l'importance de l'autobiographie ou du blogue revêt la nécessité de se dire pour savoir qui l'on est et ce que l'on est devenu. Mon récit de vie est toujours une interprétation de ce que je fus. La seule vérité est la dernière version de moi-même. Le blogue qui me sert de journal intime engrange des souvenirs pour demeurer le même, tout en me redéfinissant sans cesse. Mon identité se construit sans cesse par narration, en me préservant légèrement du temps qui passe. La tentation de l'abîme m'a sournoisement approchée au point de vouloir disparaître. La vie est plus forte que ma volonté. Combien de fois je me suis empêtré de moi-même divulguant ainsi l'embourbement de mon existence ? Combien de fois je me suis senti enfermé en moi-même dans les combats que j'ai menés ? L'unité est souvent lourde à supporter au point de m'éclairer en mille morceaux. Mon existence est faite d'occasions réussies et manquées. Le hasard est ce qui a caractérisé ma trajectoire. Toute la vie en est constituée. Pour apprendre à vivre, il faut désapprendre à devenir. J'ai vécu, malgré l'adversité, dans la décence et la dignité par et pour les chemins de traverse qui m'ont offert une vie propre, un rythme à moi et toujours en gardant l'initiative. Aujourd'hui, je ne veux à tout prix demeurer dans le feu de l'agitation et de l'action inconsciente. David Le Breton parle de la blancheur comme d'une pause entre chaque mouvement, d'une absence à soi plus ou moins prononcée. À chaque étape de vie, la blancheur apparait. La blancheur exercée se trame dans la discrétion, la lenteur et l'effacement. La blancheur est une interruption temporelle à l'intérieur d'un refuge qui est mien. J'ai relâché depuis belle lurette toutes représentations sociales ordinaires. Je vis dans une sorte d'éclipse qui, paradoxalement, représente cette blancheur dont je viens de citer. Il existe une usure d'être soi qui exige un temps de repos. Je crois avoir besoin d'une retraite de la retraite et cette nécessité de cesser de me penser. Écrire exige une énergie plus grande que j'ai pu imaginé. L'écriture, la lecture, la création, la marche, la méditation sont des lieux où je n'ai plus de compte à rendre, ils sont des interstices où me posé. Ce sont des détours qui me ramènent paisiblement à moi-même et me donnent le goût de vivre le temps que le destin en aura voulu.
3 février |
Un type me dit au parc que je marche comme un homme. Je lui réponds ; qui es-tu donc pour me dire ça ? C'est de cette façon, aussi banale soit-elle, qu'on en vient à ne plus comprendre ce qu'on raconte. Les mots ont une grande importance et doivent être utilisés avec parcimonie afin d'éviter des malentendus, quoique je n'en sois pas là avec ce type plutôt sympathique. En bon philosophe que je suis, je m'attarde de plus en plus aux contenus des conversations. Il va sans dire que, pour ma part, j'aime particulièrement l'autodérision dans les discussions. Si on ne vaut pas une risée, on ne vaut pas grand-chose. L'humour demeure un gage de rapprochement, en ce qui me concerne, mais qui doit être utilisé avec tact et bienveillance. Les bonnes vieilles blagues de ma jeunesse que l'on entendait à la télé ou que l'on se racontait n'ont plus leur place aujourd'hui. Serait-il que l'on entend plus à rire ? Dans une société divisée, les spectacles d'humour faisaient en sorte que tous riaient en même temps, ce qui donnait une sorte de sentiment d'appartenance entre les spectateurs. C'est comme si c'était l'une des dernières grandes occasions collectives pour se rassembler. Il y a moins de spectacles d'humour aujourd'hui, car les gens rient tout simplement moins, il me semble. D'autres temps, d'autres mœurs. Jankélévitch disait ; ne manquez pas votre matinée de printemps. C'était, en réalité, une invitation à passer à l'action, car la vie est courte. Je me demande parfois si les gens s'attardent toujours à l'essentiel. Il est possible qu'ils ne sachent plus ce qu'est l'essentiel et que plus personne ne le sache réellement. La question se pose. Parler est aussi essentiel que savoir se taire. Se vautrer dans le silence est parfois aussi essentiel que de parler pour ne rien dire. Lorsque certaines personnes parlent pour ne rien dire, il faut savoir décoder le message qui est bien souvent ; je n'ai rien à te dire, mais je voudrais qu'on se parle. La psychologie intervient au détriment de la philosophie dans les conversations. Le dialogue est un art à même titre que la peinture et la musique. Ce que je retiens de ma mère, en plus de son amour, c'est qu'elle parlait beaucoup. Étant privée de sa vision les dernières années de sa vie, elle parlait davantage pour équilibrer les sens qui lui restaient. C'est ainsi que le déséquilibre et la tristesse me frappa pour la première fois. Mon père riait et écrivait sans cesse, c'était un intellectuel ricaneur. Je possède des traits de sa personnalité, sauf que je ris moins qu'il le faisait, son décès prématuré en fut la cause. C'est éprouvant de revenir sur les histoires du passé. Je le fais pour ne pas oublier d'où je proviens. J'écris pour laisser quelques traces et me soulager d'émotions vives qui s'attachent encore à moi. Ne manquez pas votre unique matinée de printemps, me rappelle la fragilité des choses et les instants fugaces. L'expression ; ne ratez pas peut conduire à la culpabilité si j'évite l'occasion. Le temps file irrésistiblement, il est contenu dans la missive ; ne manquez pas. Cette simple phrase de Jankélévitch contient la morale, la philosophie et la métaphysique. Dans le printemps, on entend l'éternelle et impérative jeunesse. Le printemps ne reste pas et l'été se meurt, j'entends la fugacité de l'existence. Devant cette phrase, mon cœur bat plus vite. Hippocrate disait ; courte la vie, aiguë l'occasion. C'est peu que la vie des hommes. Cette phrase m'indique qu'il ne faut pas tarder. Voyez, j'ai beaucoup plus à faire que d'écouter les divertissements stériles à la télé car la philosophe m'entraine à me découvrir au travers d'études que je choisis et non pas de subir. J'ai toujours été et je serai toujours un autodidacte. J'ai trouvé une méthode adaptée pour étudier qui réside à juxtaposer la lecture et l'écriture dans des sujets et des thèmes qui m'interpellent. Le roman est exclu de mes apprentissages, me faisant perdre un temps précieux et en me déviant de ma trajectoire. Certes, la philosophie émane de toute chose, tel le roman, mais le genre littéraire ne m'émeut pas et ne m'apprend guère. Mes intérêts font bande à part, je l'avoue, mais ils font n'a distinction et j'en suis fier. L'occasion est unique comme le prochain printemps, car irréductible. Mais à quoi sert la philosophie dans un monde où tout sert à quelque chose ? La réponse réside possiblement dans mon attirance pour les chemins de travers que j'ai tant parcourus et aimés. La recherche de soi est philosophique. Dans le livre de Cyntia Fleury, professeure en philosophie ; un été avec Jankélévitch, me révèle de puissantes réflexions. Elle pose la question suivante à savoir si on peut vivre sans amour, sans musique, sans philosophie, et alors qu'est-ce qu'on fait ? Oui, on peut vivre au sens des marsupiaux et des hippopotames. Manger, brouter, dormir, pisser et, vous appelez ça vivre ? Elle raconte que les motifs de la vie, pour certains, sont plus importants que la vie elle-même. La vie est vivable lorsqu'elle permet l'humanité de vivre. Philosopher n'est pas seulement être un automate, aliéné dans le monde du travail qui a perdu l'accès à la pensée. La philosophie est une science qui sait qu'elle ne sait pas. Elle revendique le doute à chaque chose et c'est pour cela qu'elle me plaît, car je haïs ceux qui ne doutent. La nostalgie pour Jankélévitch, c'est la conscience de l'irréversibilité du temps. C'est surtout de cela qu'il s'agit lorsque j'entends ce mot et non la nostalgie d'une époque. Au retour de mes nombreux voyages, ce n'est pas de la nostalgie que j'éprouvais mais de la déception, celle de revenir à l'endroit de mon départ qui m'apparaissait telle une marche en arrière à l'intérieur d'un rêve perdu. La nostalgie est le temps passé entre le départ, le retour et le vide entre les deux. Jankélévitch parle de l'ennui, cet étrange objet qui s'est abrité en moi depuis l'éternité. L'ennui, ce ne sont pas les ennuis, car, dès que la conscience est préoccupée, elle ne s'ennuie plus. L'ennui est l'absence de l'amour ; celui qui s'ennuie n'aime pas. On ne tue pas le temps, on en fait quelque chose, cite l'auteur. L'absence de morale débute ici, s'avachir alors qu'il y a tant à faire. Alors faut-il savoir quoi et comment faire, qui est de l'ordre de l'apprentissage et qui, m'a cruellement manqué tôt dans la vie. Il est plus difficile de poser un tuteur à un arbre mature pour qu'il croisse en rectitude qu'à un buisson naissant. L'ennui est un mal nécessaire avant de passer à l'action. Agir, à de multiples égards, m'a porté pour fustiger l'ennui, la preuve se retrouve dans toutes les montagnes que j'ai déplacé inlassablement. Mes premiers dessins à la petite école étaient toujours les mêmes, un route défilant à l'infini bordé de montagnes et de forêts. Je ne me doutais guère alors qu'ils arboraient le chemin qui m'étaient destiné. Comment ne pas soupiré d'exaltation pour avoir pris ces chemins qui aujourd'hui m'amènent vers l'essentiel ? Il m'aura fallu dessiner un simple paysage pour en arriver où je suis rendu. Que la route fut longue, que la route fut vite passée.
2 février |
La plus grande solitude est apparue lorsque Dieu est mort, a dit Nietzsche. À l'instar de la révolution tranquille des années 60, les revendications sociales collectives actuelles se sont transformées au point de fondre comme neige au soleil. Le contexte n'est plus le même que celui qui, à l'époque, rejetait les valeurs sociales en place. Le boum démocratique de l'après-guerre a réformé une société sclérosée par la religion et les valeurs patriarcales. Les revendications sociales actuelles sont basées principalement sur l'amélioration de la qualité de vie professionnelle des travailleurs. Dans les années 60, elles remettaient en question l'establishment en place et le rôle des institutions de l'état par l'émergence de programmes sociaux universels et un meilleur accès à l'éducation. Les gens qui manifestaient à cette époque ont revendiqué des postes clés au sein de l'État et se sont mis doucement à s'ankyloser dans une étrange culture visant à purger les solides valeurs en place, la consommation à outrance et la spéculation. Ceux qui croyaient détenir le pouvoir ont relâché la pression à l'égard de la vigilance nécessitant les changements au point de devenir eux-mêmes les personnages soumis au système qu'ils ont, préalablement mis en place. On ne peut pas critiquer ces réformateurs qu'était la jeunesse des années 60, car ils ont agi de bonne foi avec des arguments substantiels et significatifs leur permettant de se libérer d'un passé austère et rigide. La vanité, le culte de la personnalité, l'appât du gain ont transformé le monde actuel. L'homme est un loup pour l'homme, dit le vieil adage. La société qui tissait les liens d'autrefois a disparu dans un contexte d'individualisation impitoyable. La société marchande et numérique outrancière que l'on connaît actuellement nivelle vers le bas les plus vulnérables et la classe moyenne. Tous et chacun doivent être interpellés par notre histoire et apprendre de ses erreurs. Tout n'était pas aussi sombre à cette époque, dont je citerai l'éducation rigoureuse et certaines valeurs rassembleuses. Ce qui a changé est le verni qui capte notre attention aujourd'hui dans un monde teinté d'amères illusions. Henri Bergson de dire que l'humanité gémit à demi écrasée sous le poids des progrès qu'elle a faits. Rien n'est donné, tout est construit signifie qu'il n'y a pas d'acquis en ce bas monde. Marx dit que l'histoire de la société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de la lutte des classes. Moins un peuple se regroupe et se préoccupe de ses libertés, moins il est en mesure de faire face aux dangers qui le guettent. Dans les années 60, le pouvoir omniprésent en place était d'ordre religieux. Je ne résumerai pas les qualités et les faiblesses de ce pouvoir, mais je considère toutefois qu'il a laissé un grand vide spirituel et social. La société a principalement acquise des libertés individuelles, scientifiques et technologiques évidentes, mais elles sont affectées par l'absence d'équilibre entre le collectif et l'individuel. Si les médias n'existaient pas, nous serions vraiment isolés. Est-il trop tard dans un contexte planétaire de mondialisation où les décideurs voient leurs actions cotées en bourse prendre la gouverne ? N'est-ce pas le signe que nous avons perdu totalement le contrôle de nos vies et que nous ne pouvons plus agir en toute connaissance de cause ? Y a-t-il encore lieu d'espérer dans un monde qui se contracte sous l'égide des trumpistes, dictateurs et milliardaires fanatiques corrompus ? Quel est le véritable pouvoir d'une société ultra-divisée qui passe une bonne partie de son temps à refléter sa propre image sur son écran, seule ? Peut-être que personne est à blâmer et que c'est simplement le cours de l'histoire qui se poursuit, celle de notre survie dans un monde en mouvement perpétuel. En aucun temps et en aucune circonstance, je n'ai la prétention de détenir quelconque vérité, mais j'ai la satisfaction et le plaisir de la rechercher. Socrate disait pour confirmer mes dires ; je sais que je ne sais rien et que, là où la volonté est grande, les difficultés diminuent. Ce qui s'impose n'est pas de trouver, mais de chercher. Et de conclure avec Descartes ; tâcher plutôt de me convaincre de changer mes désirs que l'ordre du monde.
Étrangement, Épicure disait que pour vivre heureux, il fallait se cacher. Certaines activités surinvesties sont d'abord des boucliers opposés au monde. Très tôt dans la vie, je voulais me fondre à la rue, me dissoudre dans l'espace, perdre mon identité pour en retrouver une autre, plus reluisante et revitalisante. L'errance fut la tentation d'arrêter le temps en contrôlant l'espace. L'incertitude planera toute entière sur ma vie et, insidieusement, le vide en moi se manifesta. Très jeune, je suis livré à l'inconnu que j'appellerai plus tard l'aventure. Je me suis donné corps et âme au romantisme de la route. J'ai fui de toute part à défaut d'être soutenu et contenu. J'ai marché depuis toujours pour ne pas m'effondrer. Malgré tout, de mes nombreuses fugues, j'ai réussi à gagner ma vie en marchant et guidant des pèlerins tout en développant une rigueur et une résilience exemplaire. Mes fugues délirantes à travers les routes du monde, inspirées par les aventures de Tintin et les manuels géographiques à l'école, débutèrent par le malaise d'être au monde et ma présence dans la modeste demeure familiale. La fugue fut le seul et unique moyen de rester vivant et de ressentir l'euphorie existentielle comme jamais auparavant. Mais il me fallait revenir à la maison, n'étant pas le nomade exemplaire que je croyais être et que le mal de vivre se ravivait. L'insécurité reliée au manque d'intimité personnelle est ce qui m'a le plus chavirer. Jamais je n'ai livré par écrit d'aussi exactes révélations sur mon parcours sinueux devenu une putain d'aventure. Plus tard, j'ai contracté un emploi à titre de guide d'aventures à vélo et, pour comble de malheur, je fus frappé violemment par une voiture dans l'exercice de mes fonctions. L'entreprise où j'étais engagé avait pour nom ; l'aventure douce plein air. Elle ne fut apparemment pas très douce après un accident foudroyant où j'ai passé y laisser ma peau me laissant dans le coma pendant quatre heures. Cet accident qui, au réveil avec le prêtre au-dessus de ma tête pour les derniers sacrements, m'a causé un traumatisme dont j'ai eu peine à me remettre. Ce fut un miracle que j'en sorte vivant projetant ma résilience une fois de plus l'année qui suivinre en devenant guide à vélo en Europe pour une société américaine. Le pire traumatisme dont je me rappelle dans mon passé fut de rester immobile chez moi pendant un moment. Alors j'ai marché, marché jusqu'au temps de m'assoupir le soir venu, et ainsi de suite. Les lendemains étaient toujours la même répétition jusqu'à tout récemment. Mon espace psychique était trop inhabitable pour nourrir un sentiment d'appartenance à un lieu précis. Je devais partir ou mourir, et c'est ce que j'ai fait, jusqu'au moment où j'ai commencé à écrire devant une certaine lassitude et un vide profond. Depuis, j'ai appris à réfléchir dans l'immobilité et à apprivoiser mon refuge. C'est un miracle que j'aie survécu aussi longtemps en dehors de moi-même. Sur internet, l'effacement de soi est intensément troublant en multipliant les pseudos et les avatars. Sur la toile, je deviens celui que je dis que je suis. Je m'y suis longtemps amusé, non par plaisir, mais par nécessité de croire qu'un monde meilleur existe et aussi pour gagner ma vie. Les illusions sont grandes à ceux qui ne savent reconnaître leurs besoins véritables. Je reconnais l'amertume qui m'habite, je reconnais en moi le désir d'en faire un récit qui témoigne de ce qui est advenu de moi au fil du temps, bâtard adopté. Je réussis, manifestement sans peine, à raconter mon histoire qui est mienne et que personne ne pourra m'en dégagé. En cela, elle représente toute ma richesse et toute ma détermination à me remettre au monde dans un esprit réincarné.
1er février |
Fernando Pessoa, écrivain et poète portugais, meurt en 1935, il a 47 ans. Son œuvre principale est le livre de l'intranquillité. Dans cette œuvre monumentale, il crée plusieurs personnages dans lesquels il vit à travers eux, car Pessoa a cessé de vivre. Il se dit étonné de se mêler à la foule en se sentant hors de la respiration commune. Il a disparu de lui-même, refaisant à chaque jour la même routine sans jamais quitter Lisbonne, passant du bureau au café et à son misérable logis à quelques rues. Il reconnaît la beauté de la ville, ne s'y sentant jamais dedans. Il est absent. Il y a certaines similitudes entre Pessoa et moi-même dans la maladie d'être conscient. Je fuis dans les livres, avant sur les routes du monde et dans mes rêves. Les livres, c'est moins fatiguant, surtout à mon âge. Je me suis toujours représenté le personnage central de mes histoires ; Pessoa n'était rien à part ses personnages. J'ai trop de fois adopté la fuite pour éviter de ressentir ma présence. Pessoa et moi-même avons utilisé des subterfuges afin de ne pas être présent à soi-même. Les douleurs furent trop vives pour rester en place. Si j'écris ce que je ressens, c'est parce qu'ainsi je diminue la fièvre de ressentir. Je comprends les femmes d'autrefois qui faisaient des broderies par chagrin et celles qui font du crochet parce que la vie existe. Pessoa a réussi à sortir de lui-même par la création d'hétéronymes, moi par une fausse identité qui tend à disparaître depuis la retraite. Sa souffrance devait être insoutenable. Plusieurs génies littéraires ont la souffrance en commun de ne pas être capables de reconnaître le monde dans lequel ils vivent. Des événements troublants de leurs enfances associés à la perte ou l'abandon sont le dénominateur commun de ces artistes. Ce qui diffère avec aujourd'hui, ce sont les traitements davantage élaborés et l'époque dans laquelle les gens évoluaient sans aucun filet social pour les soutenir. Par contre, de nos jours, la stabilité sociale s'est considérablement effondrée. Nous vivons actuellement l'imprévisibilité de l'existence et de la relation aux autres. J'ai ramené à moi-même souvent bien des choses par inconscience et qui pourrait ressembler à de l'égocentricité ou du narcissisme. Ce réflexe ancestral avait pour but de me protéger de dangers existants. J'ai tellement été blessé que j'en suis venu à voir des menaces de tous côtés. Il est étonnant de constater, en écrivant ce soir, à quel point je sous-estime mon potentiel et mes forces. J'ai trop souvent cru que je n'arriverais nulle part, sans éviter une multitude de pièges. Ce sentiment d'impuissance se manifeste surtout lorsque je suis inactif. Ce qui est étrange maintenant, c'est l'inverse qui se produit. Je pense, donc je suis, disait Descartes et c'est bien suffisant même si cette affirmation remet en question un grand nombre de questionnement. Cette phrase, néanmoins, porte une dualité, par exemple le je et celui qui pense et qui est. Je n'irai pas plus loin dans ce sujet hautement métaphysique dont Descartes a soulevé un grand nombre de questionnement. L'empathie que l'on porte en soi diffère des uns des autres et selon ce qui nous a été enseigné. Si j'ai survécu, c'est grâce avant tout à l'amour de ma mère adoptive. C'est l'héritage que j'ai reçu qui m'a aidé à traverser les intempéries, malgré ses impuissances à m'offrir autre chose que son amour inconditionnel. Je ne peux associer le manque d'empathie à l'absence de personnages dans le blogue. Je préfère me référer à ceux qui existent que de les inventé. Il me semble impensable que je puisse faire vivre des personnages fictifs dans mes récits. Cela peut paraître indécent de ne pas être capable d'apporter de l'attention à autrui davantage dans mes propos pour la bonne raison qu'ils sont absents. Ne suis-je pas la personne la plus importante du monde ? Je n'ai pas la prétention d'être parfait, loin de là, mais je possède la volonté de m'améliorer même dans ma décrépitude. Ce qu'il me faut reconnaître, est de dire oui à la vie, de cesser les résistances inutiles et de croire qu'en moi existe un monde incroyable qui mérite d'être exploré et surtout aimé. Le sommeil est aussi une fuite pour s'échapper du monde, pour disparaître de soi, comme dit David Le Breton. Sortir du rêve est de renouer avec mon identité. Dormir me permet de ne plus être là. Assumer son existence n'est pas une mince tâche, surtout si les tuteurs ont fait défaut. Le bouquin de David Le Breton éveille en moi bien des réflexions. Je devrais alterner avec un autre genre littéraire pour ne pas m'enliser dans ma propre disparition. Je suis très exigeant envers la vie, car bien de résistances et de méfiances m'habitent. En me relâchant, cela me permettrait de voir que je ne suis pas le seul à vivre ces interrogations. En me relâchant, cela me permettrait possiblement de ne pas passer inaperçu. C'est ce qui arrive lorsqu'on passe trop rapidement : les gens nous voient, mais ne nous reconnaissent pas. Le blogue m'aide à apporter des nuances et à m'interroger sur le sens véritable de ma vie, s'il en est une. Avant de m'avancer, il faut savoir les raisons qui me poussent à le faire. Avant de faire un pas vers l'autre, il faut en avoir fait plusieurs vers soi-même. Depuis que j'écris, je lis mieux. Depuis que je me suis arrêté, je ne suis plus que du vent. Pour continuer de me mêler aux mouvements du monde, il faut cesser un moment de m'y engager. C'est le recul nécessaire à toute bonne chose, le tels qu'il faut. Conscient d'être le prisonnier d'une ornière de l'histoire, je n'en ai pas toujours conscience. Pardonnez mes fautes si je suis incarcéré à moi-même par des distractions stériles libérant un passé fragile. Comme je suis lourd et maussade devant ces pensées austères ! Les dépressions sont les maux les plus courants des sociétés contemporaines. Les dépressions sous ses formes différentes impliquent le ressassement de la perte. Elles s'installent afin de modifier sa trajectoire. Pour certains, il sera impossible selon les circonstances de les modifié; pour d'autres, c'est un choix délibéré. Il paraît qu'on a toujours le choix selon son entourage ; pour d'autres, c'est la vie qui le veut ainsi. Malgré mes efforts de rester vivant, je ne me suis jamais résigné d'abandonner, même si parfois la tentation fut grande. Je veux et j'ai toujours voulu la possibilité de créer ma propre histoire, plutôt que de la subir. Je ne subis pas la honte associée à la dépression, car je ne suis pas la dépression. La dépression s'installe insidieusement lorsque la vitesse nous tue et que nos valeurs ne sont pas considérées par soi-même pour différentes raisons. Non que je me présente sous les traits de Narcisse ou de l'égo et, je ne tiens, en aucune façon, à vouloir me justifier. L'affaire est de se libérer de soi-même par soi-même, de trouver ses vraies dimensions et sans se laisser gêner, disait Virginia Woolf.
31 janvier |
La défection est une possibilité de se retirer d'une situation qui paraît sans issue. Confronté à l'indifférence sociale du fait de changement de statut, après la retraite et à la difficulté de trouver ma place dans le monde depuis bien longtemps, j'ai renoncé à me battre en m'abonnant plus ou moins aux circonstances. Non que je sois misanthrope, mais j'ai appris dans le silence, dans l'intériorité, dans la sobriété une nouvelle voie qui l'emporte sur les avantages du lien social. Depuis la retraite, j'ai appris à n'être plus rien. Mon appartement étant devenu un monastère, un cloître, toutefois ma vie serait bien pire dans dans rue, en prison ou en institution psychiatrique. Sortant peu et que pour l'essentiel, surtout l'hiver, mes liens avec les autres sont devenus quasiment absents ou carrément superficiels au point de n'être plus rien aux yeux du monde. Lorsque je regarde les profils sur les réseaux sociaux, le cœur me lève d'indifférence. Tout ce monde est tellement éloigné de ma réalité monastique que j'éprouve à leur égard une sorte de malaise constant. Assurément, je me sens presque aussi seul dans la foule que dans mon refuge à me raconter des histoires. Les faits sont que je sais pas comment changer les choses, d’où mon retrait de plus en plus accentué. Toutes discussions seraient mises en échec. Mon sort dépend-t-il d'une conjoncture sociale et culturelle ? Je ne saurais le dire avec précision. Certes, cette solitude n'a pas et n'a jamais été un choix. Elle fut subite au départ. L'homme intérieur est le seul à exister vraiment, raconte David Le Breton dans un livre déconcertant sur l'homme contemporain dans lequel je m'identifie ardemment. Ce midi au restaurant, trois jeunes femmes discutent avec tant de colère dans un langage vulgaire de leurs employeurs qu'elles m'ont horrifié. Comment peut-on parler ainsi de ceux qui nous nourrissent ? Elles ne sont pourtant pas des esclaves et peuvent déguerpir à tout moment en pleine quiétude, m'apparait-il. Au lieu de laisser aller leurs tièdes frustrations, ne feraient-elles pas mieux de quitter leurs vies merdiques vers de meilleurs horizons ? Je reste convaincue que nous sommes à un moment charnière. L’heure n’est plus aux réformes cosmétiques. Une transformation radicale s’impose. Il faut rompre avec les modèles économiques, politiques et sociaux fondés sur la croissance infinie. Ces modèles anéantissent les sociétés et les lieux qui les abritent. La preuve est que l'endettement des classes moyennes a littéralement explosé. Les modèles s'appuient sur une compétition néfaste dont les résultats émanent des imbroglios sévères. Il est urgent de converger dans la décence de l'humanité pendant qu'il est encore temps. À quoi bon exprimer ces sornettes, si personne n'entends les alarmes. Ce n'est certainement pas moi qui changerai le cours du monde. Nous naissons tous fous, quelques-uns le demeurent. En ce moment, l'humanité, c'est moi, disait le célèbre écrivain et dramaturge Samuel Beckett. J'aime vivre dans un lieu d'amortissement du monde où je peux poursuivre mon existence au ralenti nous dit David Le Breton à propos de Robert Walser, écrivain et poète. Son désir de disparaitre de lui-même est d'une force inouïe. Le livre raconte une partie de sa vie et où il meurt en promenade en campagne qu'il aimait, dans la neige autour de l'asile qui l'abritait à la fin de ses jours. Dans le récit de Beckett, Murphy voit les malades non pas bannis d'un système bienfaisant, mais comme échappés d'un fiasco colossal. Il est étonnant de constater en parallèle avec ce livre, comment mon parcours fut une véritable aventure, comme quoi je veuille, en toute impunité, me retirer dans une vie simple et paisible. Je prends tout à coup conscience d'un monde qui est en moi et qui ne demande qu'à être exprimé. Il ne sert plus à rien de chercher en vain des oreilles attendrissantes. C'est pourquoi je comprends la nécessité pour mon bien-être et ma dignité, de me retirer de la confusion du monde dans le calme de mon ermitage à l'abri de la foule. Que pourrais-je donc attendre d'autrui qui n'est pas en moi ? C'est une question inquiétante dans laquelle je n'ai pas, aujourd'hui, de réponses précises. Mon plus grand héritage ne sera pas ce que j'ai fais, où je suis allé, qui a croisé mon chemin, mais consistera par les mots rassemblés, équivoques dans une pure éloquence qui m'épanouit et me transcende. Comment ferais-je pour discuter aux petits bougres après d'aussi étonnantes révélations ?
Choisir, c’est renoncer, nous disait André Gide. Et en effet, il semblerait que certaines personnes soient prises de vertige devant chaque intersection. Elles ne veulent surtout pas renoncer de peur de se tromper. Cela souligne le caractère angoissant du choix qui est, si je ne m’abuse, un passage obligé dans la quête de sens qui nous anime tous. L'insuffisance est le propre de l'homme contemporain. Il est le seul à la recherche de lui-même. L'individu est souvent désorienté dans sa construction personnelle, car il ne sait que faire de sa liberté. Cette dernière est octroyée dans le cadre démocratique de la société. Être sous sa seule autorité est une composante de la liberté, mais exige un effort constant parsemé d'inquiétude. Le prochain volume sur ma table, Disparaître de soi, de David Le Breton, éminent pédagogue et sociologue, se présente au moment opportun, comme si l'univers voulait me faire parvenir des signes importants. Il y a une espèce de chronologie du hasard qui, en prêtant attention, m'indique la marche à suivre pour mon évolution. Les luttes communes s'affaiblissent dans un monde de plus en plus fractionné. Prétendre vouloir changer le monde seul est utopique. S'identifier à la foule outre-mesure est de la pure folie sauf pour les carnavals. En s'identifiant aux masses, l'identité perd son lustre sauf pour les revendications sociales. Un juste équilibre serait censé, mais comment fait-on pour être équilibré lorsque tout bascule ? Soutenir sa place auprès du lien social implique une tension, un effort. Seul, les efforts sont d'un ordre différent. Le monde idéal n'existe et n'existera jamais sauf pour les grands initiés. L'individu hypermoderne est désengagé ce qui risque de l'affaiblir. Le lien social est plus une donnée d'ambiance qu'une exigence morale. Ne faudrait-il pas se surprendre de voir apparaître des menaces à à nos frères identités et à la démocratie. Le lien d'autrui est facultatif dans son ensemble actuellement et les habiletés sociales se détériorent sous l'égide des téléphones intelligents. Le temps que l'on dispose à autrui s'amenuise et est largement utilisé à courber la tête devant les écrans pathétiques de la Silicon Valley. L'individu contemporain est connecté au lieu d'être relié. L'ambiance sociale est hantée par l'emprise de la technologie. Le lien social, désormais, passe dans le prisme d'un ordinateur. Je ne peux m'empêcher de retranscrire sur le blogue des textes que je jugent si pertinents et qui précisent l'objet de mes pensées, que je n'hésitent pas un instant d'en faire appel sans aucune prétention d'en être l'auteur. Une amie me dit que je suis inclassable, tous les moules existants n'ont pas eu d'emprise sur moi, non sans douleurs. Sans tuteur, j'ai continué de croitre dans l'adversité. Je pars souvent d'une lecture pour me lancer. Retranscrire un texte est la meilleure façon de s'en imprégner. Viendra peut-être un jour que je serai apte à voler de mes propres ailes. En attendant je poursuis mes études, comme je le dis si bien, tentant ainsi de reprendre ce temps où j'étais occupé ailleurs. En écrivant, je découvre mon style, mes intérêts, mes valeurs, ma liberté. Je suis en train d'apprivoiser le créateur somnolent qui m'habite. Lentement, la forme, le caractère, la souplesse prend forme. Puis viendra la profondeur des mots repatriés dans un ensemble de paysages littéraires. Je n'aime pas l'immobilité d'un texte, sa rigidité de ses idées. Les nuances, les fragrances, l'authenticité et surtout la pertinence des mots m'inspire et m'imprègne de volupté. Il y a une mise en scène qui est, parfois plus révélatrice que le sujet. Elle amplifie le verbe, elle l'ocille vers l'absolu se révélant, telle une œuvre unique. Certains auteurs ont cette capacité de m'émouvoir et de transcender le réel en le rendant plus exaltif, plus beau. Seul, je badigeonne de mon sang la page blanche car les hommes, pas tous, me déçoivent au point de vouloir me parler à moi-même le soir venu. J'ai adopté une routine, j'ai compris qu'elle était mienne. Je reconnais avoir besoin d'inspirations littéraires pour parvenir à mes fins. Les seules choses que j'ai besoin de justifier sont envers moi-même et ceux et celles qui me témoigne une amitié sincère. Je suis de ceux qui veulent voir le monde de l'autre rive. J'ai tant de fois tenter des formes de vertige pour ne plus à avoir à penser une présence au monde douloureux. Le retour en arrière m'apparait impossible en absence d'amour sincère et désintéressé. Tout mes propos, décidemment m'étonne, et je ne fais que quitter l'introduction de l'auteur.
29 janvier |
Lorsqu'on me demande quelle est ma force de sagesse, je réponds devoir méditer pour la reconnaître. Que reste-t-il du passé à part quelques mots à gribouiller ? Que reste-t-il de mes amours à part quelques sursauts dans mes songes ? Rien de tout cela n'a plus d'importance au soleil de minuit. Mon sang multiforme, liquéfié, lentement se verse dans un entonnoir. Je nais sans cesse, je meurs à chaque instant, agonisant depuis ma venue au monde. Que reste-t-il de ces beaux jours ? Des matins fringants, le corps alerte ? Quelques frissons, les pieds endoloris et le doute de n'avoir fait que passer. Chère nostalgie que je ne cesse d'embrasser, je te reconnais au point de ne pouvoir t'oublier. Les réponses rarissimes ne parviennent pas à troubler le fait que j'existe. La récompense promise est lente à se poindre dans la chaleur sulfureuse de mon antre. La folie me guette, aboyant au moindre geste. J'aurais aimé naître à l'arc-en-ciel de mes désirs où les regards cessent de fuir. La laideur n'aurait plus de place. Tellement de choses obsolètes deviendraient spontanément invisibles et silencieuses. Elles n'auraient plus raison d'exister. La nature serait belle au réveil. On n'aurait plus besoin de gémir, de ramper, de vendre ou d'acheter. La liberté me servirait de repère, l'amour, ma délivrance. Les plus beaux couples sont ceux qui, avant tout, sont amis. Ils jouent ensemble, ils se battent, ils se taquinent, ils se mordent et se pincent, mais ils s'aiment d'une façon que personne ne pourra jamais remettre en question. L'amour est si près lorsque les yeux s'illuminent. J'écris pour saisir mon amour, j'écris pour me plaire impunément. Qu'est-ce que je désire encore accomplir que je n'ai pas pu réaliser ? Spinoza nous a dit que le désir est l'essence de l'homme, le moteur de toutes nos actions. Bien vivre, c'est apprendre à cibler mes désirs. La lumière surgit lentement sur ce qui me semble essentiel, important et superflu. Lorsque la lumière s'affaisera, il sera temps de partir, car je serai mort. D'ici là, quelles sont les choses précieuses auxquelles je souhaite consacrer mon énergie ? Trouver quelqu'un à qui je pourrais transmettre quelque chose qui soit utile, qui m'offrira une signification à mon existence et les bonnes raisons de vivre. La table est mise pour le festin de la dernière chance. Rien ne va plus, message envoyé. L'important n'est pas de savoir ce que j'attends de la vie, mais ce que la vie attend de moi. Quel sens a ma vie est la question que tous se posent à un moment ou un autre, n'est-ce pas ? Qu'est-ce qu'il m'est possible de faire ou de ne rien faire ? Savoir y répondre élimine une angoisse immense. La plus grande liberté réside dans la manière dont je peux réagir aux événements. Quelle est la source de ma réaction devant telle situation ? Là est le début de la sagesse, maîtrisant ainsi, en premier lieu, les émotions associées aux événements. Le plus bel acte de liberté est de savoir utiliser une blessure, un traumatisme de vie, un échec pour mobiliser mes ressources intérieures pour grandir. C'est le sommet de la résilience, et ceux qui ont fait ce chemin sont souvent les plus belles et humaines qui soient. Un bon matin, dans mon miroir, une nouvelle personne apparaîtra avec un sourire rempli de joie et de gratitude. Je ne suis pas né libre, je le deviens. Les disciples d'Épictète ont condensé sa pensée, dont cette phrase ; parmi les choses qui existent, certaines dépendent de nous, d'autres non. La liberté est de savoir reconnaître la différence. Je peux agir sur ce qui dépend de moi, mes moyens d'action dans la lutte contre une injustice, mes pensées, mes émotions, mes désirs. La reconnaissance sociale ne dépend pas de moi. Agir de manière appropriée est un signe de sagesse. Le refus de la réalité a souvent contribué à ma souffrance. Mieux vaut accepter ce que je ne peux changer. La liberté est une question d'attitude qui n'est pas de se résigner, mais d'accepter. Ne rien vouloir d'autre que ce qui est devant moi est le début de la sagesse. Où diable avais-je la tête tout ce temps ? La sagesse s'appuie sur le désir d'aimer la vie non pas comme j'aimerais qu'elle soit, mais comme elle est. Ce ne sont pas les choses qui me lient, mais mon attachement aux choses. Mes inspirations littéraires me proviennent de différentes sources précieuses, dans lesquelles je ne pourrais m'exprimer délibérément. Sans elles, je tournerais en rond comme un hamster dans sa cage.